Les ministres de l’Economie des Vingt-huit ont débattu, lors du Conseil "Compétitivité" du 26 septembre, de la situation de l’industrie et des petites et moyennes entreprises européennes ainsi que des pistes à suivre pour promouvoir leur développement face à la crise, suite à la publication de deux rapports de la Commission sur la compétitivité industrielle en Europe et en préparation du Conseil européen de février 2014.
Les PME sont en effet "reconnues globalement comme des moteurs fondamentaux pour la croissance, la création d’emplois et la création de plus-value dans l’UE", a noté le ministre de l’Economie luxembourgeois, Etienne Schneider, lors d’un point presse en marge du Conseil.
Selon Etienne Schneider, les PME ont avant tout besoin d'un cadre réglementaire et politique cohérent. Il a ainsi noté qu’en matière de commerce transfrontalier, en cas de litige, la législation de l’Etat du client est d’application. "Un commerçant qui veut vendre dans toute l’UE doit donc connaître les lois des 28 Etats membres pour être sûr pas de ne pas courir de risque", a regretté le ministre, qui s’il note que "c’est dans l’intérêt du consommateur, cela crée énormément d’entraves au marché. Donc nous pensons que ce principe doit être inversé, sinon nous aurons du mal à réaliser le marché intérieur". Dans le même cadre, le Luxembourg demande une harmonisation de la réglementation en matière d’étiquetage des produits.
Le ministre Schneider est en outre d’avis qu’il "faut prendre les mesures nécessaires pour supprimer les obstacles et entraves dans le marché intérieur", afin de cesser de faire peser un "coût superflu" sur les entreprises. L’exemple des réglementations différentes en termes de charge maximale transportable des poids lourds entre Etats membres créerait des surcoûts de l’ordre de 10 % pour les entreprises concernées. Les aides d’Etat aux PME devraient par ailleurs être simplifiées et renforcées, a souhaité le ministre.
L’impact des politiques de l’UE en matière énergétique et de changement climatique sur la compétitivité de l’industrie européenne a également été au centre des attentions, les coûts de l’énergie étant jugé comme l'un des principaux facteurs de désavantage compétitif pour l’UE. "Aujourd'hui le prix du gaz aux États-Unis est de 3,5 fois inférieur à celui en Europe", a poursuivi Etienne Schneider, et le ministre a d’appeler de ses vœux un cadre stable et prévisible. "Il faut être prudent par rapport au renchérissement du coût des énergies à travers le développement des énergies renouvelables", a-t-il prévenu.
A l’aune des deux derniers rapports de la Commission, les perspectives d’avenir de l’industrie européenne ont encore été un sujet majeur au menu des ministres. Étienne Schneider a rappelé que, malgré un recul de l'activité industrielle depuis l'éclatement de la crise, "il est crucial de garder un objectif de 20 % de la part de l'industrie dans le PIB à l'horizon 2020". Le ministre a entre autres estimé que les efforts en matière de recherche et d'innovation sont essentiels pour l'industrie européenne, soulignant ceux "sensibles" du Luxembourg dans ce domaine.
Lors du point presse à l'issue du Conseil, le ministre s'est d’ailleurs félicité des bons résultats obtenus par le Luxembourg, classé parmi "les bons élèves" selon le rapport de la Commission européenne sur la compétitivité industrielle des États membres.
Le pays se distingue en effet dans cinq domaines clés étudiés: l’innovation et la durabilité, l'environnement des entreprises; les services et les infrastructures; la gouvernance et l'efficacité du secteur public; ainsi que le financement et les investissements.
Selon le ministre Schneider, les performances en matière de recherche et d’innovation sont à mettre au crédit des "efforts importants en matière d’investissements" du pays ces dernières années. Depuis 2008, le Grand-Duché a ainsi dépensé 1,25 milliard d’euros dans la recherche publique alors que dans la recherche privée, environ 1,1 milliard d’euros ont été investis par les entreprises, soutenues au travers de différentes aides "dont 250 millions d’euros d’argent public", a encore soutenu Etienne Schneider. Il a également souligné qu’en plus d’avoir "consolidé un certain nombre d’emplois", cette politique avait permis l’embauche de quelque 1 900 personnes.
"S'il reste un point à améliorer dans ce domaine, c’est que les résultats soient davantage traduits de manière économique, ne pas faire de la recherche pour la recherche, mais créer de la plus-value", a jugé le ministre.
Etienne Schneider s’est néanmoins inquiété d’un recul en termes de productivité du Luxembourg. Il a estimé qu’outre la poursuite des efforts dans la recherche, les pistes se situaient dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des entreprises et en particulier des industries - à laquelle la mise en place récente du centre d’apprentissage spécialisé "Luxembourg Learning Factory" devrait contribuer -, et enfin dans la simplification des procédures d’autorisation, notamment dans le cadre du développement de projets.
En matière de chômage, alors que le rapport de la Commission mettait en évidence qu’au Luxembourg, "la tendance est à la création d’emploi dans les hautes technologies", Etienne Schneider a reconnu qu’inversement, les places pour les moins qualifiés sont en baisse. Néanmoins, celui-ci met en avant le secteur de la logistique comme une piste importante pour créer des emplois à destination des moins qualifiés. Environ 2 000 emplois ont été créés dans ce domaine depuis 2006 et le lancement de la stratégie luxembourgeoise de développement de ce secteur selon le ministre, qui a assuré que "[s]on intention est d’en créer 3 000 à 5 000 supplémentaires à moyen terme".
Dans son annuaire sur la compétitivité 2013, le constat de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) est plus pessimiste. L’UEL note ainsi une dégradation de la compétitivité du pays qui, depuis 2010, a glissé de la 5e à la 13e place sur 60 pays analysés en 2013 selon le rapport World Competitiveness Yearbook.
Le rapport coût-compétitivité est aussi pointé du doigt, en raison d’une inflation "systématiquement plus élevée que chez nos pays voisins" et de l’évolution des coûts salariaux, note le rapport. "Depuis 2005 les CSU nominaux ont augmenté de 30,8 %, au niveau national tandis que cette augmentation n’a été que de 14,4 % pour la moyenne des 3 pays voisins et seulement de 8,3 % pour l’Allemagne", peut-on y lire.
Le Luxembourg ne serait d’ailleurs pas mieux placé en matière d’impôt des sociétés, "la pression fiscale est de 28,8 % en 2013, bien au-delà du taux moyen de l’Union européenne (22,74 %)", poursuit le rapport de l’UEL, qui pointe encore des coûts de l’énergie supérieurs à la moyenne de l’UE. A quoi s’ajoutent la réglementation "restrictive" du marché du travail, les "qualifications inadéquates" des travailleurs, "la bureaucratie publique inefficiente", une capacité d’innovation "insuffisante" ou les "difficultés d’accès au financement" qui seraient les principales causes de la détérioration compétitive luxembourgeoise selon l’organisation patronale.