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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale - Fiscalité
La BCL demande "que le prochain exécutif opte pour un objectif budgétaire à moyen terme plus exigeant, consistant en un excédent structurel d’au moins 1 % du PIB"
04-10-2013


BCLLa Banque centrale du Luxembourg a publié le 4 octobre 2013 son Bulletin 2013/3 assorti d’un long communiqué dans lequel la BCL fait le point sur la situation économique dans la zone euro et au Luxembourg, la croissance au Luxembourg dans un perspective historique, l’inflation, les finances publiques, la fiscalité et les transferts tout comme sur les coûts salariaux, le marché du travail, la compétitivité et les prix du logement.

L’activité économique dans la zone euro : pour la BCL "une situation toujours difficile mais quelques frémissements positifs"

Selon les deuxièmes estimations d’Eurostat, le PIB de la zone euro se serait au second trimestre de 2013 accru de 0,3 point de pourcent par rapport au premier trimestre. "Cette évolution reflète un apport positif tant des exportations nettes que de la demande intérieure. En outre, les principaux indicateurs de confiance ont connu une inflexion positive au cours de l’été", estime la BCL. "C’est dans ce contexte général que le scénario de septembre 2013 des services de la BCE prévoit une baisse de 0,4 % du PIB annuel en volume en 2013 et une croissance de 1,0 % en 2014."

L’activité économique au Luxembourg : une croissance entre 0,5 % et 1 % en 2013 et entre 1 % et 3 % en 2014

Selon la BCL, ses projections de juin 2013 "paraissent toujours globalement de mise". Le PIB réel luxembourgeois progressera dans une fourchette se situant entre 0,5 % et 1,1 % en 2013, après une croissance déjà limitée à 0,3% en 2012 selon les comptes nationaux d’avril 2013.  En 2014 et 2015, une croissance du PIB entre 1,0 % et 3,0 % est envisagée. "La croissance économique connaîtrait donc une certaine accélération de 2013 à 2014, tout en demeurant nettement en deçà de la croissance moyenne 'historique', de l’ordre de 4% l’an (moyenne effectivement observée de 1960 à 2007)", conclut la BCL.

Dans le secteur financier, "l’évolution des comptes de profits et pertes au premier semestre de 2013 par rapport au semestre correspondant de 2012 témoigne d’une embellie certaine". Mais la BCL relativise cet optimisme et avance que, "abstraction faite de l’évolution des dividendes et des 'autres revenus nets', le produit bancaire et le résultat net se seraient réduits de respectivement 3 % et 11 % du 1er semestre de 2012 à la période correspondante de 2013", ce qui est confirmé "par les informations relatives à la valeur bilantaire des établissements de crédit luxembourgeois" qui a décliné de 5,2 % sur les huit premiers mois de 2013 par rapport aux mêmes mois de 2012. Une des causes de cette évolution : "Il apparaît que les mesures annoncées au printemps concernant l’échange automatique d’informations soient à l’origine d’une certaine contraction des dépôts des non-résidents, même si l’incidence précise sur la place financière de ces mesures est à l’heure actuelle incertaine." La BCL salue cependant "ces décisions", mais  "regrette (…) qu’elles n’aient pas été préparées de façon plus précoce et plus cohérente."

La valeur nette d’inventaire des OPC par contre a progressé de près de 5 % de décembre 2012 à août 2013 sous l’effet d’investissements nets en capital positifs, "même si pour la première fois depuis juin 2012 ces derniers ont été négatifs en juin 2013 (-13,6 milliards d’euros)".

Les crédits octroyés par les établissements de crédit aux sociétés non financières implantées au Luxembourg "auraient, en glissement annuel, progressé de l’ordre de 4 % en juillet 2013, un taux qui est néanmoins revenu à 2 % environ en août.""Cette hausse de 4 % est par ailleurs fortement liée aux crédits octroyés aux promoteurs immobiliers", écrit la BCL. Parallèlement, "la progression en glissement annuel des crédits immobiliers octroyés aux résidents est pour sa part demeurée soutenue, à près de 8 %, en juillet 2013."

Cela conduit la BCL à émettre un message qui place cette évolution des crédits dans son contexte qui en limite les effets sur l’économie productive : "Toutefois, il ne faut en aucun cas déduire de l’évolution de ces crédits à l’habitat des conclusions sur la situation de notre appareil productif hors construction et sur le financement de ce dernier."  Suit un appel au gouvernement qui devra, selon la BCL "s’interroger au sujet du financement des entreprises établies au Luxembourg, la réponse ne pouvant résider simplement en un recours à de nouveaux instruments de soutien financier grevant directement ou indirectement les finances publiques."

La BCL constate par ailleurs "une certaine dichotomie entre les indicateurs d’activité ('hard data') et les enquêtes de confiance ('soft data')". Les premiers "demeurent négativement orientés", comme la baisse des exportations de biens qui a été de 8 %. Cependant, les résultats d’enquêtes sont "plus encourageants", notamment dans la construction et dans l’industrie, et ce depuis le printemps. L’indicateur de confiance des consommateurs de la BCL a progressé en août et en septembre 2013.

L’indicateur d’activité de la BCL, qui extrait l’information la plus pertinente d’une centaine de séries, indique qu’au deuxième trimestre de 2013, le PIB en volume enregistrerait, toutes autres choses égales par ailleurs, une croissance trimestrielle de l’ordre de 1 %. Au troisième trimestre 2013, le PIB ne progresserait que légèrement par rapport au trimestre précédent. "L’acquis de croissance pour l’année 2013 calculé mécaniquement à l’issue du troisième trimestre de 2013 se limiterait dans ces conditions à environ 1 %.", en ligne avec les projections de la BCL de juin 2013. Mais "une grande prudence" reste de mise par rapport à ces informations, souligne la BCL, ne serait-ce que parce que "l’environnement macroéconomique général paraît toujours empreint d’incertitude".

L’activité au Luxembourg dans une perspective "historique"

Si les projections de la BCL de juin 2013 permettent d’espérer que "le Luxembourg renouerait avec une croissance relativement appréciable, se situant entre 1 % et 3 % tant en 2014 qu’en 2015 », la BCL préfère apprécier « une progression de cet ordre (…) dans une perspective 'historique'".

Premier constat : "Une telle croissance demeurerait en effet bien inférieure à l’évolution tendancielle 'pré-crise', soit une croissance légèrement supérieure à 4 % l’an de 1960 à 2007." Est-ce « un changement structurel du 'trend' de croissance » ou est-ce un décrochage qui n’est que transitoire ? Pour la BCL, "la prudence impose en tout cas de calibrer les politiques publiques budgétaires, économiques et sociales sur l’hypothèse plus prudente d’un changement structurel du trend."

Pour la BCL, les inflexions de l’activité s’inscrivent en effet "sur la toile de fond d’une évolution résolument défavorable, au cours de la période 2008-2011, du revenu national brut (RNB) par résident en termes réels." Cet indicateur a "accusé au cours de cette période une diminution moyenne de quelque 3,6 % l’an, contre une augmentation moyenne de 3,1 % sur la période 'pré-crise' 1996-2007." Pour la BCL, "ce décrochage très marqué de l’évolution du RNB observé depuis la crise a été de pair avec un basculement particulièrement défavorable de la productivité et avec une forte atténuation du 'levier frontalier'." Par contre,  "la progression des personnes d’âge actif s’est accélérée depuis 2007, à la faveur d’une immigration accrue."

Les projections d’inflation : stabilisation autour de 1,8 % en 2013

La baisse des prix de l’énergie serait cependant toujours négative à raison de 2,8 % en 2013 et de 4,2%  au premier semestre 2014 contribuent à la modération de l’inflation globale qui serait de 1,8 % en 2013 – contre 2,7 % en 2012. Elle reviendrait à 1,6 % au 1er semestre 2014. L’inflation à l’exclusion de l’énergie pourrait se stabiliser autour de 2,3% au deuxième semestre de 2013 et au 1er semestre de 2014. Mais "l’inflation hors énergie demeurerait élevée par rapport aux pays limitrophes et à la zone euro dans son ensemble."

Les finances publiques

La BCL constate que "les dépenses totales des Administrations publiques se sont en moyenne accrues de 7 % tant de 1995 à 2012 que de 2008 à 2012 (période 'de crise')". Comme "la dynamique des dépenses est demeurée pratiquement inchangée, en dépit de l’important décrochage du PIB", "la résultante est une détérioration de la situation de nos finances publiques". Selon les projections de la BCL de juin 2013 et qui sont toujours valables pour la BCL, le déficit de l’ensemble des Administrations publiques sera de quelque 3 % du PIB en 2015 à politique inchangée, et le déficit de l’Administration centrale serait de 4 % en 2015.

La Banque centrale en conclut que "les déficits de l’Administration centrale doivent être endigués au plus vite, dans une perspective pluriannuelle". Et elle rappelle que dès janvier 2014, le gouvernement devra tenir compte  d’un "cadre budgétaire plus exigeant, résultant des nouveaux textes européens en matière de gouvernance des finances publiques (le six-pack, le two-pack, le Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance et le Pacte budgétaire en particulier), comportant notamment la convergence vers un équilibre structurel des Administrations publiques ('règle d’or')." Partant de là, elle suggère "que le prochain exécutif opte pour un objectif budgétaire à moyen terme plus exigeant, consistant en un excédent structurel d’au moins 1 % du PIB."

Un des éléments vers lequel la BCL pousse dans ce contexte est "de compléter les réformes des pensions et des soins de santé, afin d’éviter une augmentation trop importante des transferts sociaux au cours des prochaines décennies". Elle estime que la récente réforme des pensions de fin 2012 est "un pas dans la bonne direction, mais elle ne permet pas d’assurer à elle seule la soutenabilité de nos systèmes de pension".

La BCL estime que le ratio de la dette publique pourrait être "de l’ordre de 26 % du PIB dès la fin de l’année 2013,  ce qui excède les projections de la BCL de juin 2013", Mais en cas de vente de la participation de l’Etat dans la banque BGL BNP Paribas, une vente évoquée en avril dernier par le Gouvernement,  "la dette publique, qui se limitait encore à 7 % du PIB en 2007, reviendrait (…) à environ 22 % du PIB à la fin de 2013."

La BCL pour une réforme de la fiscalité et des transferts sociaux

La BCL part du constat que malgré la forte croissance des transferts sociaux, "les inégalités tendent à augmenter". Elle se réfère au Rapport travail et cohésion sociale 2012 qui montre que "le taux de pauvreté – soit le pourcentage de ménages dont le revenu disponible équivalent est inférieur à 60 % du revenu médian – serait passé de 11 % en 1995 à près de 14 % en 2011." La BCL recommande donc que soient passés au crible les différents transferts sociaux, afin qu’il y ait à terme "un ciblage plus efficace de ces prestations". Elle recommande en même temps "un examen approfondi, statistiques à l’appui, de la législation fiscale, y compris les 'dépenses fiscales' au sens large du terme orientées vers les ménages et les entreprises." Il s’agirait d’aller à partir d’une telle analyse vers un système efficient, équitable doté d’une "progressivité adéquate" partant d’un "inventaire complet des revenus ou des parties de revenus ne tombant pas ou plus sous le barème d’imposition progressif". Le même type d’analyse devrait servir pour la fiscalité des entreprises.

"La réforme fiscale devrait également prendre en compte l’importante déperdition de recettes de TVA “électronique”, d’ores et déjà programmée à partir de 2015", recommande la BCL. La BCL met en avant le fait que "la part de la TVA dans les recettes fiscales et parafiscales totales a nettement progressé au cours des années récentes, pour atteindre quelque 18 % en 2012". La hausse de la TVA pour 2015 annoncée en avril 2013 (LIEN) a été chiffrée à 0,8 % du PIB dans la 14e actualisation du Programme de Stabilité du Luxembourg. La BCL remarque ici qu’une hausse du taux normal de la TVA à raison de 1 point de pourcentage rapporterait à l’Etat de l’ordre de 0,4 % du PIB, "ce qui est loin d’être négligeable". Reste que pour la BCL, "une analyse approfondie s’impose dans un cadre de réflexion de réforme fiscale globale, afin de dégager la refonte du régime de TVA la plus appropriée en termes économiques et sociaux".

Coûts salariaux en hausse à cause de l’indexation des salaires

Selon la BCE, "les coûts salariaux unitaires (CSU) ont nettement dérivé au Luxembourg par rapport à ses principaux partenaires commerciaux", et ce depuis 2000. Avec la crise, "cet état de fait s’est même aggravé". La BCL parle d’un décrochage de l’économie luxembourgeoise par rapport à l’Allemagne de l’ordre de 40 % depuis 2000. Cette hausse du CSU s’explique selon la BCL par une faible croissance de la productivité et l’évolution du coût salarial nominal moyen, dont la hausse est depuis 2008 essentiellement due à l’indexation des salaires. Celle-ci a selon la BCL, "alimenté près de 80 % de la variation cumulée du coût salarial nominal moyen" entre 2000 et 2012. Sa conclusion est complexe : "Il est inexact d’affirmer que l’indexation n’a pas d’impact préjudiciable sur la compétitivité. Il ne résulte cependant pas forcément de ce constat qu’il faille abolir le mécanisme d’indexation. Il importe avant tout de réfléchir à des mécanismes appropriés et durables de modulation dudit mécanisme, les modalités concrètes d’une telle modulation devant faire l’objet de discussions approfondies dès la mise en place du nouvel exécutif."

Marché du travail et chômage structurel

L’évolution du marché du travail est jugée "assez préoccupante". Il a augmenté de 2 % en moyenne annuelle depuis 2008, contre une moyenne de 4 % entre 1995 et 2008. La part des frontaliers dans les créations nettes d’emploi est passée de 70 % avant la crise à 35 % actuellement, dans la mesure où ce sont l’emploi intérimaire et l’emploi dans les entreprises soumises à la concurrence internationale qui a le plus eu recours aux frontaliers.

Parallèlement, le taux de chômage est passé de 4,1 % en 2008 à 7 % en août 2013. Le nombre des chômeurs sans emploi après un an n’a cessé d’augmenter depuis 2003, passant de moins de 20 % en 2003 à près de 40 % en 2012. Il existe donc un problème structurel du chômage qu’illustre la baisse tendancielle du nombre de chômeurs qui arrivent à réintégrer le marché du travail. Sans une nouvelle approche de la question, la BCL pense que "les personnes enlisées dans le chômage – soit en particulier les chômeurs âgés, peu qualifiés ou de longue durée – ne profiteraient que modérément d’une reprise économique en termes d’accès à l’emploi."

Le prix du logement, les salaires et la compétitivité sont liés selon la BCL

La BCL met en avant le lien entre le prix en hausse constante du logement et l’augmentation des salaires, en disant que "l’évolution des prix du logement constitue une autre problématique économique et sociale qui doit interroger, d’autant plus qu’il est probable que cette évolution débouche sur des augmentations salariales, avec à la clef un impact négatif sur la compétitivité et un effet de retour préjudiciable sur le marché du travail."

La BCL demande donc au gouvernement issu des élections du 20 octobre 2013 d’établir un "diagnostic complet" et d’adopter "une approche globale" qui intègrerait entre autres "des éléments permettant de renforcer structurellement l’offre de logements, y compris de terrains à construire." Elle met en garde contre "les politiques de soutien exclusif de la demande", qui risqueraient "d’être largement contreproductives (…) dans la mesure où les subsides ou dépenses fiscales au bénéfice des demandeurs se traduisent in fine par des augmentations des prix bénéficiant aux vendeurs." Et elle conclut qu’une telle politique "alimente la hausse des prix, est coûteuse d’un point de vue budgétaire et comporte une dimension anti-redistributive."