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Transports
Le Parlement européen approuve les nouvelles règles de limitation des temps de vol des pilotes et des équipages contre l’avis de sa commission transports (TRAN)
09-10-2013


temps-de-volLa proposition de la Commission européenne sur les nouvelles règles de temps de vol maximum applicables aux pilotes et à l’équipage a finalement été adoptée, après le rejet du Parlement européen en séance plénière, le 9 octobre 2013, d’une motion de la commission transports (TRAN) du PE qui appelait à son retrait.

En allant à l’encontre de la commission TRAN, le Parlement a ainsi approuvé le projet de la Commission qui se donnait pour objectif d’harmoniser et d’améliorer les règles existantes sur les limitations de temps de vol, mais était très fortement critiqué du côté des syndicats européens et de nombreux eurodéputés. Ceux-ci dénonçaient une régression des conditions de travail, et donc de sécurité, dans plusieurs Etats membres, dont le Luxembourg.

Les nouvelles règles prévoient ainsi une limitation des temps de vols à 11 heures maximum (comprenant une période nocturne) et des amplitudes de travail pouvant atteindre 22 heures en combinant période de réserve et service de vol. Les syndicats souhaitaient, tout comme les eurodéputés signataires de la motion, ramener ces dernières à 18 heures maximum et le service de vol à 10 heures. Une autre mesure prévue est la limitation à 1.000 heures, contre 1.300 actuellement, du temps total de vol qu'un pilote peut effectuer en 12 mois consécutifs.

Le 30 septembre, la commission TRAN du Parlement européen avait, à la surprise des observateurs, voté une motion qui appelait au rejet du projet de la Commission européenne. Conformément à la procédure de "comitologie" pour les mesures d'exécution, le Parlement pouvait en effet rejeter un tel projet dans son ensemble – en adoptant la résolution à la majorité absolue -, mais n’avait pas la possibilité de l’amender.

En coulisses, à la veille du vote

La veille du vote, le 8 octobre, le commissaire européen en charge des transports, Siim Kallas, avait fait une intervention en séance plénière pour répondre aux préoccupations des députés lors d’un débat particulièrement tendu, chaque camp accusant l’autre de mensonge et de lobbying intensif. Le député européen vert Michael Cramer (Allemagne) n’a d’ailleurs à cette occasion pas hésité à déclarer, à l’adresse du commissaire Kallas, que "s’il devait y avoir un accident à l’avenir, vous serez responsable, avec ceux qui voteront contre la motion de rejet".

Finalement, la Commission aurait, selon nos informations, néanmoins convenu être prête à modifier certaines de ses positions dans le sens des revendications syndicales. Ainsi dans un courrier adressé au syndicat ETF (European transport workers’ federation) le jour du vote, le 9 octobre, celle-ci indique quatre points sur lesquels elle promet de faire évoluer sa proposition initiale.

Selon ce document, les Etats membres seraient "autorisés à faire appliquer à leurs opérateurs des mesures de nature plus protectrice que celle prévue dans la nouvelle règlementation".

En ce qui concerne les heures de gardes prestées ailleurs que dans les aéroports, la Commission considère que le "temps de garde devra être limité à 6 heures lorsqu’il est suivi par un service de vol". "Les règles européennes sur le temps de garde à la maison ont été développées dans un tel sens qu’aucun membre d’équipage ne devrait être en service de vol après plus de 18 heures d’éveil. La Commission demandera à l’EASA d’adopter ses spécifications de certifications dans ce sens".

Sur la question des vols de nuit, la Commission "demandera à l’EASA de prescrire dans ses modalités de certification que les compagnies aériennes seront tenues d'appliquer une gestion des risques de fatigue appropriée pour les périodes de service de vol de plus de 10 heures la nuit".

La Commission précise enfin que "toutes les parties prenantes, y compris les représentants du personnel navigant, resteront impliquées dans tous les développements à venir du dossier FTL (Flight time limitations), de même que le Parlement européen. Le projet de règlement de la Commission oblige précisément l’EASA à lancer un nouveau programme de surveillance et de recherche sur la fatigue et les performances des équipages de bord. Cela comprendra une collecte des données par les États membres et les parties prenantes sur les questions clés identifiées avec les parties prenantes, notamment les astreintes de nuit, le suivi de l'impact des nouvelles règles, l’évaluation de l'efficacité du système de  gestion de la fatigue dans le secteur et le lancement des études nécessaires. La Commission et l'EASA  discuteront des différentes étapes avec les parties prenantes à chaque occasion propice".

Le vote et les réactions après le vote

Par 218 voix en faveur de la résolution, 387 contre et 66 abstention, la résolution a donc finalement été rejetée.

L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE), très actif sur le sujet et signataire de la motion, a immédiatement réagi dans un communiqué.

S’il dit regretter que cette "motion n'a pas été adoptée par la plénière", car les questions en jeu concernent des sujets cruciaux comme la sécurité dans l’aviation, Georges Bach s’est néanmoins satisfait que la motion ait permis de faire pression sur la Commission "afin de renégocier certains points".

"Le commissaire Siim Kallas a fait une 'intervention d’urgence' hier soir en plénière afin de calmer les préoccupations des députés européens. Ce matin, il a confirmé par écrit aux représentants du syndicat ETF que la Commission va accepter les revendications principales du syndicat", écrit Georges Bach.

L’eurodéputé PPE a néanmoins voté pour le rejet du texte de la Commission, regrettant que celle-ci ait "agi aussi tard, quasiment en dernière minute, et uniquement parce qu’elle reconnaissait soudain le danger d’un rejet de sa proposition".

"Nous avons reçu toutes ces informations quelques heures seulement avant le vote et nous n’avions pas vraiment le temps nécessaire de les analyser à fond. C’est pourquoi j’ai maintenu ma position initiale", poursuit-il dans son communiqué, en notant qu’il espère que les dernières propositions de la Commission sont "sincères".

L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D), de son côté, a voté en faveur de la demande de report du vote de la résolution "afin de clarifier les nouvelles propositions de la Commission", explique-t-il dans un bref communiqué. "Malheureusement la majorité du Parlement a préféré rester dans le flou artistique. Pour cette raison, j’ai donné mon appui à la résolution, même si celle-ci n'a finalement pas trouvé la majorité requise. J’espère néanmoins que la Commission va maintenir ses engagements pris en séance plénière", a ajouté le député européen socialiste.

Au nom des Verts européens (qui étaient à l’origine de la motion de rejet avec la Gauche unitaire européenne), l'eurodéputée belge Isabelle Durant a dénoncé une règlementation "totalement insuffisante pour la sécurité des équipages et voyageurs", qui ne tient pas compte de l’expertise scientifique sur les conditions de travail des pilotes. La Commission a réussi à convaincre les eurodéputés en "comparant son projet aux règles et aux pratiques les moins sûres", ce qui constitue "un jeu détestable", a-t-elle accusé.

La European cockpit association (ECA), le syndicat européen des pilotes, a pour sa part regretté "un jour triste pour la sécurité aérienne", tandis que le commissaire Kallas s’est de son côté félicité d’une "victoire du sens commun" à l’issue du vote.