Le Parlement européen a adopté le 15 janvier 2014 avec une très large majorité une nouvelle règlementation européenne avec deux directives sur les marchés publics (passation des marchés publics et passation de marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi qu'une directive sur les contrats de concession. Les députés européens pensent que le compromis adopté devrait permettre d'obtenir un meilleur rapport qualité prix lors de l'attribution de travaux, biens ou services ou lors de la conclusion de contrats de concession. Les petites et moyennes entreprises pourront plus facilement soumettre des offres. La législation prévoit également des dispositions plus strictes en matière de sous-traitance.
La nouvelle législation, objet d'un accord avec le Conseil le 26 juin 2013 (voir pour les marchés publics et pour les concessions), révise les règles actuelles relatives aux marchés publics et définit, pour la première fois, des normes communes sur les contrats de concession. L'objectif est d'encourager une concurrence équitable et de permettre un meilleur rapport qualité prix, en mettant l'accent sur des considérations environnementales et sociales et sur l'innovation.
Les marchés publics représentent environ 18 % du PIB de l'UE, un levier important pour atteindre des objectifs sociétaux spécifiques. "Les nouvelles dispositions envoient un signal fort aux citoyens qui ont le droit de voir leur argent dépenser au mieux", a déclaré le rapporteur sur les marchés publics, Marc Tarabella (S&D, BE), dont les textes ont recueilli 6120 respectivement 618 voix, contre 31 respectivement 36 voix contre. L’eurodéputé Frank Engel a été rapporteur fictif pour le groupe PPE sur les deux textes sur les marchés publics.
"La nouvelle directive sur les contrats de concession renforce le marché intérieur. Elle établit un environnement économique sain pour tous les acteurs dont les autorités publiques, les acteurs économiques et les citoyens de l'UE. Les règles seront connues de tous", a ajouté Philippe Juvin (PPE, FR), rapporteur sur les contrats de concession, dont le texte a recueilli 598 voix contre 60 députés qui ont voté contre.
Grâce au nouveau critère de "l'offre économiquement la plus avantageuse" dans la procédure d'attribution, les autorités publiques pourront mettre davantage l'accent sur la qualité, les aspects environnementaux, sociaux tout en tant compte du prix et des coûts du cycle de vie de l'offre. "Ce nouveau critère mettra un terme à la dictature du prix le bas et fera de la qualité un aspect central", a affirmé M. Tarabella.
Par ailleurs, les députés ont introduit une nouvelle procédure pour encourager les soumissionnaires à proposer des solutions innovantes. Les projets de directives prévoient des "partenariats d'innovation" qui permettent aux autorités d'avoir recours aux appels d'offre pour résoudre un problème spécifique sans préjuger de la solution. Les autorités et les entreprises pourraient ensuite négocier la proposition la plus adéquate.
La proposition d'offre serait simplifiée grâce à un "document européen unique de marchés publics" contenant des auto-déclarations et seul le soumissionnaire qui obtient le contrat devrait fournir les documents originaux. Ce système devrait permettre de réduire les formalités administratives de 80 %, selon les estimations de la Commission.
De plus, les nouvelles règles encourageraient la division des contrats en lots, dans le but d'améliorer l'accès aux marchés publics pour les petites et moyennes entreprises.
Pour éviter le dumping social et garantir le respect du droit du travail, les nouvelles dispositions introduiront également des règles plus rigoureuses concernant les offres "anormalement basses". Les contractants qui ne respectent pas la législation sociale peuvent être exclus.
L'accord sur les contrats de concession souligne qu'il appartient aux États membres de décider ou non de l'externalisation de travaux ou services publics. La directive ne "requiert pas de privatisation d'entreprises publiques fournissant des services au public", ajoute le texte.
D’autre part, les députés reconnaissent l'importance spécifique de l'eau comme bien public et ont, par conséquent, exclu le secteur de l'eau du champ d'application de la directive sur les concessions.
Cette question avait l’objet d’une forte controverse, notamment en amont des discussions publiques sur la directive concessions, et avait conduit le commissaire européen Michel Barnier a proposer le 21 juin 2013, quelques jours avant l’accord en trilogue, à la Commission de retirer l’approvisionnement en eau du champ d’application de la directive "concessions" pour apaiser les craintes de très nombreux citoyens dans l’UE de voir privatisé le secteur de l’approvisionnement en eau. La crainte que le secteur de l’eau puisse être privatisé avait été particulièrement forte en Autriche et en Allemagne, où l’approvisionnement est géré par les Stadtwerke des municipalités. L'initiative citoyenne européenne (ICE) Right2Water, que le commissaire avait cité explicitement dans sa déclaration, avait recueilli dans le cadre de ce débat plus de 1,6 million de signatures en juin 2013 pour achever sa lancée avec plus de 2 millions de signatures en septembre, dont presque 6000 au Luxembourg.
L’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a salué la réforme européenne des marchés publics, parce qu’elle permettra aux Etats membres et aux communes d’adjuger leurs offres à des soumissionnaires qui sont respectueux de critères environnementaux et du commerce équitable. Il a également salué la simplification administrative qui devrait faciliter la participation de PME à des marchés publics, ce qui est "notamment important pour le Luxembourg".
Finalement, Claude Turmes a particulièrement loué l’exclusion de l’approvisionnement en eau du champ d’application de la directive. "La privatisation de l’eau est désormais exclue", a-t-il déclaré, en soulignant la contribution des plus de 5000 signataires luxembourgeois de l’ICE Right2Water.
Les directives entreront en vigueur 20 jour après la publication au Journal officiel de l'UE. Après cette date, les États membres disposeront de 24 mois pour les transposer.