Lors de son intervention le 23 avril 2104 à la Chambre des députés dans le cadre de la discussion sur le projet de budget 2014, le ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, a insisté sur la forte influence des règles européennes sur le budget. Il s’est réjoui du fait que son projet avait reçu de la Commission européenne et de ses pairs, lors des réunions informelles de l'Ecofin et de l'Eurogroupe, "l’estampille européenne" parce qu’il est "totalement conforme" aux règles du pacte de croissance et de stabilité. Le gouvernement s’en réjouit avec Pierre Gramegna, car sans les économies de 230 millions d’euros supplémentaires mises en œuvre, le Luxembourg ne l’aurait pas reçue.
Le ministre a maintenant "la sérénité nécessaire pour préparer le budget 2015, car à ce moment-là, des réformes structurelles difficiles seront nécessaires". La dette publique est l’enjeu essentiel de ces réformes, ne serait-ce que parce que le Luxembourg doit garder son triple A. Bref, viser des finances publiques saines, "ce n’est pas pour plaire à Bruxelles, mais pour que l’économie fonctionne et soit compétitive et pour éviter que les générations futures aient à payer les dettes des générations antérieures".
Il s’agit donc d’abord d’arriver à maîtriser le déficit de 500 millions annuels de l’administration centrale et publique, comme le ministre l’avait déjà souligné lors du dépôt du projet de budget en mars 2014, même si le solde du budget est positif, et de faire en sorte que le solde structurel de 0,5 % du PIB soit conforme avec les objectifs à moyen terme (OMT).
Le fait que le budget 2014 est qualifié de "budget de transition" par de nombreuses parties prenantes ne choque pas Pierre Gramegna, car il marque en effet le passage d’un budget avec 4000 articles différents vers un autre type de budget plus simple, et ce à un moment où le Luxembourg doit aussi faire face à la fin des années de haute croissance et à la fin de ses revenus de TVA très élevés venant de l’e-commerce. Les économies qui le marquent ont permis au gouvernement d’avoir le feu vert de la Commission européenne.
Pierre Gramegna a mis en avant dans son intervention le fait que le gouvernement précédent avait à un certain moment oublié de se doter d’une norme budgétaire qui n’aurait pas permis une croissance des dépenses qui irait au-delà des points additionnés du taux de croissance et de celui de l’inflation. Entre 1 milliard et 2,5 milliards ont été dépensés en trop depuis le début de la crise. Il a appelé cela du "deficit spending" qui devrait être revu, notamment du fait que 90 % des augmentations du budget sont automatiques.
Selon le ministre, le budget 2014 sera équilibré, et ce sans augmentation des impôts, et les dépenses publiques représentent 44 % du PIB, légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Toutes les chambres professionnelles, sauf celle des fonctionnaires, ont reconnu que la baisse du revenu de la TVA venant du commerce électronique constitue un problème. Il s’agira d’une perte de recettes de 600 millions dès 2015. Mais d’un autre côté, la conjoncture pour 2014 et les années qui suivent est envisagée avec optimisme à la Commission comme par les chambres professionnelles.
A politique inchangée, le budget 2014 aurait constitué un problème. Le 17 mars 2014, le gouvernement a fait parvenir son projet à la Commission dans le cadre du semestre européen et il a été approuvé par cette dernière. La croissance économique est censée dépasser les 3 % entre 2014 et 2016. Il s’agit pour Pierre Gramegna de chiffres positifs mais en-dessous des chiffres historiques que la croissance du pays a connus avant la crise.
En 2015, le travail sur le budget sera encore plus difficile, malgré les prévisions économiques plus positives. Il n’y a pas d’unanimité sur les chiffres concernant les prévisions économiques, mais il faut faire confiance aux chiffres du Statec, l’organe de statistiques indépendant attitré et prévu par la législation, a remarqué le ministre. Ces chiffres devront donc être supervisés sur toute la période future.
Le nouveau gouvernement a pu réduire le déficit – qui sera pour l’administration centrale de 550 millions – de 180 millions par rapport à 2013. A politique inchangée, le déficit serait passé à 1,5 milliard et n’aurait pas respecté les normes.
Le Luxembourg devra continuer à faire des économies, et à partir de 2015, il devra faire des économies supplémentaires d’1 milliard voire, si la conjoncture devait se dégrader,1,2 milliard d’euros, pour compenser la perte des ressources de TVA provenant de l’e-commerce et pour éviter que la dette publique ne passe à plus de 16 milliards en 2018.
Le gouvernement fera cela de deux manières, a expliqué le ministre. D’abord en augmentant la TVA de 2 %, sauf pour les produits couverts par le taux super-réduit. Cette augmentation permettra de couvrir un tiers des économies structurelles. Restent encore 700 millions à économiser, "ce qui est un minimum", mais au cours d’une période de croissance, ce qui facilite les choses. La politique pour arriver à cet objectif de 700 millions d’économies, une politique de réformes structurelles, sera élaborée pendant l’été 2014 et tout ne pourra pas être communiquée dans le détail à la Commission européenne dans le cadre du programme de croissance et de stabilité accompagnée du plan national de réformes (PNR) qui doit être envoyé fin avril 2014 à la Commission dans le cadre du semestre européen. La Commission a été prévenue et est prête à patienter, puisque qu’un processus a été lancé et que le calendrier normal a été bousculé par le changement de gouvernement.
Ce processus pour changer de type de budget vient d’achever en mars-avril une phase de cadrage des réformes avec l’aide d’une firme de consultants, a expliqué le ministre. Maintenant, il est entré dans une phase d’élaboration avec 20 groupes de travail et cinq groupes horizontaux qui durera jusqu’à la mi-juin. Tout y est soumis à des questionnements : les ministères, le projet d’une centrale d’achat de l’Etat, les investissements, le personnel, la simplification administrative, l’informatique, etc.. Dans la phase de décision, le gouvernement évaluera les résultats de ces travaux et décidera de ce qui sera fait ou pas. Cela touchera aussi aux finances des communes et des établissements publics.
Ensuite, il s’appliquera à mettre en place un budget "nouvelle génération" dont la structure sera simplifiée pour donner plus de flexibilité aux ministères dans la poursuite et le financement de leurs objectifs qui devront être clairement motivés et formulés. "Mais cela ne se fera pas en six mois !", a prévenu le ministre.
Par ailleurs, le gouvernement présentera dans les semaines à venir son projet de loi lié à la mise en œuvre du traité budgétaire (TSCG) à la Chambre, un texte qui introduira la "règle d’or" dans la législation luxembourgeoise.
Pierre Gramegna a conclu en expliquant que la maîtrise de la dépense publique que le gouvernement vise brigue la préservation du triple A qui est "important pour la place financière qui est le noyau de notre économie".