La législation finlandaise prévoit que les livres imprimés bénéficient d’un taux de TVA réduit de 9 %, alors que le taux de TVA applicable aux livres sur d’autres supports physiques (tels que CD, CD-ROM ou clés USB, ci-après les "livres audio et numériques") est de 23 %. La Cour de justice est saisie par une juridiction finlandaise afin de déterminer si la Finlande est fondée à appliquer un taux de TVA réduit aux seuls livres imprimés, à l’exclusion des livres audio et numériques.
La directive TVA accorde aux États membres la faculté d’appliquer des taux réduits à la fourniture de livres. En 2009, cette directive a été modifiée en indiquant que la réduction concernait les livres "sur tout type de support physique". La juridiction de renvoi vise donc à savoir si, en raison de la modification introduite en 2009, un État membre se trouve contraint d’étendre l’application du taux réduit de TVA à la fourniture de livres audio ou numériques.
L’affaire intéresse le Luxembourg qui défend pour sa part la position qu’un livre est un livre pour appliquer aux livres électroniques le même taux de TVA que celui appliqué aux livres imprimés, c’est-à-dire 3 %. Une interprétation que conteste la Commission qui a saisi la CJUE à ce sujet en février 2013.
Dans ses conclusions rendues le 14 mai 2014, l’avocat général Paolo Mengozzi rappelle tout d’abord qu’il n’est pas interdit aux États membres de faire une application sélective du taux réduit au sein d’une même catégorie de prestations de services, à condition qu’elle n’entraîne aucun risque de distorsion de concurrence. Cette application sélective du taux réduit de TVA est soumise à la double condition (i) de n’isoler que des aspects concrets et spécifiques de la catégorie de prestations de service en cause et (ii) de respecter le principe de neutralité fiscale. L’avocat général se propose de vérifier si cette double condition est remplie dans le cas de la législation finlandaise.
S’agissant de la première condition, M. Mengozzi considère que les livres reposant sur des supports autres que le papier peuvent constituer des "aspects concrets et spécifiques" de la catégorie des "livres sur tout type de support physique". En effet, contrairement aux livres sur support papier, les livres sur d’autres supports nécessitent tous un dispositif technique particulier de lecture et sont donc aptes à constituer des aspects concrets et spécifiques de la catégorie en cause.
S’agissant de la seconde condition, l’avocat général rappelle que le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier si les livres imprimés et les livres publiés sur d’autres supports physiques sont semblables du point de vue du consommateur moyen, c’est-à-dire s’ils répondent aux mêmes besoins de ce consommateur.
À cet égard, M. Mengozzi relève que les livres audio et numériques se distinguent objectivement, par leurs propriétés, des livres imprimés. Cette différence résulte non seulement de la nécessité préalable de pouvoir disposer d’un dispositif technique de lecture, mais aussi de la circonstance que le consommateur moyen de livres audio ou numériques optera pour ces produits en raison même des applications et des fonctions supplémentaires qu’ils peuvent lui offrir par rapport aux livres imprimés. C’est ainsi que la décision d’un consommateur moyen d’acheter un livre audio reposera rarement sur la simple lecture du texte d’un livre imprimé, mais plus fréquemment sur la performance et/ou la notoriété du lecteur ainsi que sur les effets spéciaux ou la musique reproduits dans la version audio. De même, s’agissant des livres reposant sur CD, CD-ROM ou clé USB, le consommateur moyen sera influencé dans son achat par les fonctions supplémentaires de recherche qu’offrent ces livres ou par l’existence de logiciels ou d’autres programmes. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier la pertinence de ces affirmations à l’égard du comportement du consommateur moyen en Finlande.
Enfin, M. Mengozzi considère, pour répondre pleinement aux interrogations de la juridiction de renvoi, que la réponse qu’il propose à la Cour ne varie pas selon que (i) le livre est destiné à être lu ou à être écouté, (ii) un livre imprimé existe en parallèle au livre audio ou au livre numérique avec le même contenu et (iii), contrairement aux livres imprimés, des fonctions de recherche sont disponibles sur les livres numériques. En effet, la juridiction de renvoi doit précisément examiner ces propriétés dans le cadre du respect du principe de neutralité pour déterminer dans quelle mesure l’achat du consommateur moyen a été influencé et si les livres audio et imprimés peuvent ainsi être exclus du taux de TVA réduit.
En résumé, l’avocat général Mengozzi considère que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la Finlande était fondée à différencier le taux de TVA entre les livres imprimés, d’une part, et les livres audio et numériques, d’autre part.