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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – Les "référendums" autonomistes en Ukraine jugés illégaux, inquiétudes sur le processus de paix israélo-palestinien et condamnation de l’enlèvement de 200 écolières au Nigéria
12-05-2014


asselborn-cae-05-12Les tensions en Ukraine ont une nouvelle fois dominé le Conseil "Affaires étrangères" de l’Union européenne (UE) lors duquel les 28 ministres européens des Affaires étrangères se sont retrouvés à Bruxelles, le 12 mai 2014.

Les "référendums" du 11 mai "illégaux et illégitimes" selon le Conseil

Les ministres ont notamment consacré leurs travaux aux derniers développements sur le terrain dans le Sud et l’Est de l’Ukraine, dont notamment les "référendums" autonomistes du 11 mai 2014 organisés à Donetsk et Lugansk par des groupes séparatistes pro-russes qui revendiquent une large victoire. Dès le lendemain de ces consultations contestées, les autorités autoproclamées de Donetsk ont demandé leur rattachement à la Fédération de Russie, comme l’avaient fait celles de Crimée deux mois plus tôt.

Les ministres européens ont une nouvelle fois "souligné le caractère illégal et illégitime de ces consultations" précisent les conclusions du Conseil, des consultations dont l’UE ne reconnaît pas les résultats. L'UE défend fermement "l’unité, la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine et invite la Russie à faire de même", poursuit le Conseil qui souligne sa vive préoccupation à l’égard de "la poursuite des efforts de déstabilisation de l'Est et du Sud de l'Ukraine par des séparatistes pro-russes". "La poursuite de l’occupation des bâtiments publics, les enlèvements, les meurtres et les violations de la liberté des médias par des groupes armés illégaux est inacceptable et doit cesser", appuie encore le Conseil.

"L’importance pour toutes les parties de se concentrer sur la mise en œuvre" de la Déclaration de Genève du 17 avril 2014, "dont la désescalade, le dialogue et l’arrêt des violences sont les éléments essentiels" a donc été répétée par les ministres des 28. Le Conseil "encourage" à ce sujet la poursuite des efforts déployés par les autorités ukrainiennes afin d’atteindre toutes les régions de l'Ukraine dans le cadre du dialogue national proposé par le gouvernement ukrainien et rappelle que les droits des personnes appartenant à des minorités nationales "doivent être pleinement assurés en conformité avec les normes pertinentes du Conseil de l'Europe".

Le Conseil a encore marqué la nécessité que "les événements tragiques" survenus à Odessa le 2 mai 2014 et qui ont causé une quarantaine de morts et de nombreux blessés fassent l’objet d’une enquête approfondie et que tous les responsables soient traduits en justice.

Treize personnes supplémentaires ajoutées à la liste des sanctions de la phase 2

Considérant "l'absence de toute mesure d'apaisement", le Conseil a étendu la portée des mesures restrictives de l'UE eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine. Il a notamment élargi la base juridique de ces mesures, ajoutant la possibilité de viser des personnes associées à des actes ou des mesures menaçant la stabilité ou la sécurité en Ukraine et entravant les travaux des organisations internationales dans le pays, ainsi que les entités liées à ces personnes. 

Dans ce cadre, le Conseil a décidé d'ajouter treize noms à la liste des personnes faisant l'objet d'une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE et d'un gel des avoirs dans l'UE, inscrites le jour-même au Journal Officiel (JO) de l’UE, portant ainsi à soixante et un le nombre de personnes soumises à des sanctions liées à la crise en Ukraine. Ce nouveau train de mesures vise des responsables d’administrations russes accusés d’avoir facilité l’annexion et l’intégration de la Crimée dans la Fédération de Russie et notamment pour "la délivrance systématique et accélérée de passeports russes aux habitants de la Crimée", lit-on dans le JO.

Il cible également plusieurs Ukrainiens, "maire autoproclamé", chefs de milices ou de forces armées de "Républiques autonomes autoproclamées" ou organisateurs des consultations d’autodétermination du 11 mai dans les régions de l’Est et du Sud de l’Ukraine.

Parallèlement, le Conseil a également fourni une base juridique pour le gel des avoirs d'entités en Crimée et à Sébastopol qui ont fait l'objet d'une confiscation, ou d'entités ayant bénéficié de cette confiscation. Deux entités en Crimée et à Sébastopol (Chernomorneftegaz et Feodosia) sont soumises à un gel de leurs avoirs pour cette raison.

Si la phase 3 des sanctions annoncée en cas d’escalade supplémentaire, soit des sanctions économiques de grande envergure contre la Russie, n’est toujours pas enclenchée, le Conseil reste prudent mais ne l’exclut pas. Ainsi il note que "les travaux préparatoires de la Commission et des États membres sont en cours sur les mesures ciblées possibles" qui pourront être prises "si les événements devaient l’exiger". En ce sens, l’UE "accordera une attention particulière à l'attitude et au comportement de toutes les parties concernant la tenue d'élections présidentielles libres et justes au moment de décider d'éventuelles mesures additionnelles", ajoute le Conseil.

Le Conseil souligne la nécessité d’élections présidentielle "libres et équitables" et salue les efforts de l’OSCE

Sur la question des élections présidentielles, le Conseil soutient fermement la tenue d’un scrutin "libre et équitable le 25 mai" et "appelle toutes les parties à le faire, afin de surmonter la crise et de permettre au peuple ukrainien de choisir son propre avenir". Les ministres estiment que les autorités ukrainiennes et les électeurs "ne devraient pas être entravés" dans la préparation des élections, et que tout candidat doit se voir assurer "les conditions de sécurité pour faire campagne librement à travers tout le pays". À cette fin, le Conseil "encourage les candidats à la présidentielle à s'entendre sur un pacte sur la conduite des élections" et "se félicite du déploiement de la mission d'observation du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme de l'OSCE dans laquelle les Etats membres de l'UE participeront activement".

Les ministres ont à ce sujet eu un échange de vues avec le président en exercice de l’OSCE, Didier Burkhalter, lors duquel ils se sont félicités de la présentation de ses propositions pour l'Ukraine et ont appelé au déploiement rapide de la mission d’observation spéciale de l’OSCE sur le terrain. Le ministre luxembourgeois Jean Asselborn a insisté "sur l’importance de soutenir l’OSCE dans ses efforts d’initier un dialogue intra-ukrainien approfondi et d’amorcer un processus démocratique débouchant sur des élections présidentielles libres et équitables le 25 mai 2014", détaille un communiqué diffusé par le Ministère luxembourgeois. Il s’agit de "tout faire" pour que ces élections puissent avoir lieu, explique le ministre dans l’édition du 13 mai du quotidien luxembourgeois Tageblatt.

Ce dialogue intra-ukrainien pose néanmoins la question de savoir qui sera autour de la table, le gouvernement transitoire ukrainien accusant les séparatistes de terrorisme quand ces derniers dénoncent le "fascisme" du gouvernement de Kiev. Jean Asselborn estime de son côté qu’il n’y a "pas seulement des fascistes à Kiev et pas seulement des terroristes à l'Est" du pays mais que des deux côtés se trouvent des personnes de bonne volonté qui devraient être en mesure de s'asseoir autour d'une table et de parler de l'avenir de l'Ukraine, rapporte le Tageblatt.

Encourageant l’Ukraine à mettre immédiatement en œuvre un programme national de désarmement avec l’OSCE, le Conseil souligne que l'UE est prête à aider l'Ukraine dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité civile, y compris de la police et de l’état de droit. Les ministres ont en outre réitéré certaines préoccupations exprimées par les représentants de l'OSCE et du Conseil de l'Europe quant aux restrictions actuelles sur leur capacité à observer la situation dans le domaine des droits de l'Homme, y compris des personnes appartenant à des minorités nationales, en Crimée.

Sur la Crimée justement, dont l’UE réaffirme sa "ferme condamnation de l'annexion illégale par la Fédération de Russie" qu’elle ne reconnaît pas, le Conseil exprime "sa plus vive préoccupation face à la détérioration de la situation de la situation des droits de l'Homme". Les conclusions évoquent le cas du refus du droit d’entrer en Crimée opposé au leader des Tatars de Crimée, Mustafa Dzhemilev, ainsi que l'avertissement lancé par la procureure de facto de la Crimée selon laquelle la représentation nationale des Tatars de Crimée, Mejlis, pourrait être déclarée illégale pour "actions extrémistes". L'UE prends par ailleurs note "avec regret" de la présence du président russe Vladimir Poutine lors de la parade militaire à Sébastopol le 9 mai 2014.

Le Conseil "extrêmement préoccupé" par l’évolution du processus de paix au Proche-Orient

La question du processus de paix au Proche-Orient, à nouveau au point mort suite à la crispation entre les parties sur le statut d’Etat juif d’Israël et au rapprochement entre le Fatah et le Hamas palestiniens, a également occupé les ministres. Le Conseil a notamment conclu de l’extrême préoccupation de l’UE par rapport à l'évolution récente du processus de paix, jugeant que "les efforts considérables" déployés ces derniers mois notamment par les États-Unis en la personne de son Secrétaire d'État John Kerry avec le soutien de l’UE "ne doivent pas avoir été consentis en vain".

Une solution négociée fondée sur la coexistence de deux États demeure la meilleure solution pour résoudre le conflit de manière définitive, estime le Conseil, qui exhorte les parties à profiter des semaines à venir pour trouver un terrain d'entente et la force politique nécessaire à la reprise de ce processus et à prendre les décisions audacieuses qui s'imposent. "L'UE demande à toutes les parties de faire preuve d'une extrême retenue et d'éviter toute action unilatérale susceptible de nuire davantage aux efforts de paix et à la viabilité d'une solution fondée sur la coexistence de deux États, comme la poursuite de l'extension des colonies. L'Union européenne continuera à suivre de près l'évolution de la situation ainsi que ses répercussions d'une façon générale, et agira en conséquence", appuient les conclusions.

Le Conseil souligne encore que l’UE a toujours soutenu une réconciliation entre Palestiniens sur la base de conditions claires et sans équivoque. L'UE souhaite pouvoir continuer à fournir son appui, y compris un soutien financier direct, à un nouveau gouvernement palestinien composé de personnalités indépendantes et résolu à suivre les principes énoncés par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas dans son discours du le 4 mai au Caire. Un tel gouvernement devrait veiller au respect du principe de non-violence et rester déterminé à parvenir à une solution fondée sur la coexistence de deux États et à négocier une solution pacifique au conflit israélo-palestinien en acceptant les accords et obligations antérieurs, y compris le droit légitime d'Israël à exister.

Soutenant que "la poursuite des négociations est tout à fait compatible avec la réconciliation inter-palestinienne", le ministre Jean Asselborn a insisté sur l’importance de reprendre les pourparlers afin que soit mise en œuvre la solution des deux Etats.

L’enlèvement de plus de 200 écolières au Nigéria par Boko Haram "fermement condamné"

La situation au Nigéria a été également abordée par les ministres des Affaires étrangères de l’UE, qui ont souligné "la profonde préoccupation de l’UE" face aux récents attentats terroristes dans le nord du Nigeria et "sa consternation" par rapport aux souffrances causées à la population.

Le Conseil condamne ainsi "fermement le massacre aveugle de centaines de civils et l'enlèvement de plus de 200 écolières dans l'Etat de Borno", jugeant que ces actes représentent "une attaque contre les droits de l'Homme et la dignité humaine". L’UE "appelle à la libération immédiate et inconditionnelle des écolières et à ce que les responsables soient traduits en justice", poursuivent les conclusions du Conseil qui affirment "le soutien" de l’UE et de ses Etats membres en vue de résoudre ce "crime ignoble" et soulignent que l'Union appuie l'intention du Conseil de sécurité de l’ONU d’envisager des mesures appropriées contre Boko Haram.

Nouvelle "approche globale" de l'UE

Le Conseil a en outre adopté des conclusions entérinant les principales recommandations formulées dans la communication conjointe de la Haute Représentante et de la Commission sur ce sujet, de décembre 2013. L'enjeu est de déterminer les moyens d'utiliser plus efficacement les instruments et les ressources disponibles, afin de répondre aux défis en matière de sécurité et de développement sur le terrain. Il s'agit d'une nouvelle étape pour faire de l'UE un acteur plus efficace et plus réactif sur la scène internationale.