Principaux portails publics  |     | 

Agriculture, Viticulture et Développement rural - Environnement - Santé
Le Luxembourg, qui n’intervient pas au niveau technique dans la procédure de réévaluation de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate pour l’UE, n’a pas encore défini sa position de vote au sujet de cet herbicide très répandu et décrié
01-07-2014


Le 23 mai 2014, les députés Josée Lorsché et Henri Kox (Déi Gréng) adressaient aux ministres de l’Agriculture et de la Santé une question parlementaire portant sur l’utilisation du glyphosate, herbicide le plus vendu dans le monde.

Comme le soulignent les députés, les herbicides qui contiennent du glyphosate, comme le Roundup de Monsanto, sont employés dans l'agriculture, la sylviculture, les parcs et espaces publics, sur les voies ferrées ainsi que dans les jardins. Le glyphosate joue aussi un rôle crucial dans la production - et le développement  - des plantes génétiquement modifiées afin de tolérer un herbicide.

Au cours des dernières années, un certain nombre d'études scientifiques ont relevé des doutes quant à l'innocuité du glyphosate, relèvent les députés. Leurs inquiétudes portaient sur les effets négatifs du glyphosate sur la santé et plus précisément sur le système hormonal, et son impact sur l'environnement.

Les deux parlementaires citent notamment une étude publiée fin 2013 dans le Journal of interdisciplinary toxicology qui conclut même à une corrélation entre l'utilisation de glyphosate et l'augmentation du nombre des cas de sensibilité au gluten voire de la maladie cœliaque. On peut aussi noter que le glyphosate était aussi un des éléments étudiés par l’équipe du professeur Séralini qui n’a pas manqué de créer la controverse depuis la publication des résultats.

La présence de glyphosate au Luxembourg fait l’objet de campagnes de contrôle dans le cadre d’un programme de la Commission européenne concernant la recherche des pesticides

D'autres analyses récentes ont pu démontrer la présence de glyphosate dans le corps humain, les cours d'eau, les produits céréaliers, observent les députés. La pratique de la dessiccation, le séchage des céréales à l'aide de glyphosate, à seulement quelques jours avant la récolte, est considérée comme étant particulièrement problématique puisque les céréales destinées à la consommation sont littéralement imprégnées du pesticide juste avant la récolte. L'Autriche a d’ailleurs réagi interdisant la dessiccation des céréales au glyphosate fin 2013. De plus, les produits contenant du glyphosate ont été soumis à des restrictions de vente dans les commerces de détail.

Josée Lorsché et Henri Kox souhaitaient donc savoir s’il existait des données sur la présence de glyphosate dans les produits à base de céréales ou les urines des citoyens, ainsi que des données sur l’évolution des cas de sensibilité au gluten et de la maladie cœliaque au Luxembourg.

Dans leur réponse transmise le 30 juin 2014, Fernand Etgen et Lydia Mutsch expliquent que le Luxembourg effectue des campagnes de contrôle concernant la recherche des pesticides en suivant le programme coordonné voté annuellement au niveau de la Commission européenne. Dans ce cadre, le service de la sécurité alimentaire de la Direction de la Santé a effectué des analyses en glyphosate et AMPA (acide amino methyl phosphorique, produit de la dégradation du glyphosate) sur des produits de céréales depuis 2011.

Comme l'analyse du glyphosate ne peut être effectuée par le Laboratoire national de Santé, cette analyse est donc sous-traitée par un laboratoire privé en Belgique. Le nombre d'échantillons effectué annuellement est défini par le programme coordonné et les budgets disponibles.

Depuis 2011, 45 échantillons de produits de céréales, principalement de la farine de blé (29 échantillons), mais également du seigle (10 échantillons), de l'avoine (4 échantillons) et de l'épeautre (2 échantillons) ont été analysés. Aucune non-conformité n'a été détectée sur ces échantillons. De ces 45 échantillons, le service de la sécurité alimentaire a détecté la présence de glyphosate sur 3 échantillons, un de blé, un de seigle et un échantillon d'épeautre.

Les teneurs retrouvées allaient de 0,051 à 0,095 mg/kg. La limite européenne pour ces matrices est de 10 mg/kg. Le détail des résultats est accessible sur le site internet de l'OSQCA.

Le projet de loi transposant la directive sur l’utilisation durable des pesticides prévoit que les distributeurs vont devoir informer les utilisateurs non professionnels des risques liés à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

Les deux députés se demandaient par ailleurs s’il ne serait pas judicieux de suivre l'exemple autrichien en interdisant la pratique de la dessiccation des céréales au glyphosate afin d'éviter une contamination supplémentaire de la chaîne alimentaire et des cours d'eau.

Sur ce point, les deux ministres observent que la pratique de la dessiccation n'étant pas d'usage au Luxembourg, une interdiction n'aurait guère d'influence sur les taux de glyphosate dans la chaîne alimentaire et les cours d'eau. Fernand Etgen précise toutefois que si cette pratique venait à s'installer au Luxembourg, le Ministère de l'Agriculture évaluerait l'opportunité de suivre les exemples autrichien et allemand.

Pour ce qui est d’une éventuelle interdiction des herbicides au glyphosate pour l'utilisation privée, les deux ministres répondent que, pour le moment, une interdiction des herbicides au glyphosate pour l'utilisation privée n'est pas prise en considération. Et ils précisent aux deux députés, qui suggéraient d’accompagner obligatoirement la vente de ces produits dans le commerce de détail par une information obligatoire au consommateur, que le projet de loi transposant la directive sur l’utilisation durable des pesticides 2009/128/CE dispose que lors de chaque vente de produits phytopharmaceutiques à des utilisateurs non professionnels, les distributeurs doivent les informer des risques pour la santé humaine et animale et l'environnement concernant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, notamment des dangers, de l'exposition, des conditions appropriées de stockage et des consignes à respecter pour la manipulation, l'application et l'élimination sans danger, ainsi que des solutions de substitution présentant un faible risque.

Le Luxembourg n'intervient pas au niveau technique dans la procédure de réévaluation de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate pour l’UE, et sa position n’est pas encore définie à ce stade

Les députés soulignaient enfin que la sécurité du glyposate aurait dû être réexaminée dans l'Union européenne en 2012, mais que cet examen a été reporté à l'an 2015. Josée Lorsché et Henri Kox demandaient donc aux ministres quelle était la position du Luxembourg par rapport à la procédure de réévaluation de l'autorisation de mise sur le marché du glyphosate pour l'Union européenne et quelles seraient les actions du Luxembourg au niveau des instances techniques et politiques.

Dans leur réponse, Fernand Etgen et Lydia Mutsch rappellent que l’Allemagne est l’Etat membre rapporteur pour le glyphosate, et qu’à ce titre, elle a soumis son rapport initial de réévaluation à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L'EFSA est en train de réunir tous les commentaires des différents Etats membres et des différentes parties intéressées relatifs à ce rapport de réévaluation et rédigera ensuite un dossier complet sur base duquel se tiendront les discussions finales concernant l'autorisation de mise sur le marché du glyphosate.

Mais, précisent les ministres, étant donné que le Luxembourg ne possède ni l'expertise, ni les ressources humaines et techniques nécessaires à la réévaluation d'une substance active, il n'intervient pas au niveau technique de la réévaluation de l'autorisation de mise sur le marché des différentes substances actives pour l'Union européenne.

L'autorisation de mise sur le marché d'une substance active est décidée au niveau européen au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, section produits phytopharmaceutiques - législation, au sein duquel le Luxembourg est représenté, ajoutent toutefois les deux ministres. La décision de vote du Luxembourg concernant le glyphosate dépendra, comme pour chaque substance active, des conclusions tirées du dossier de réévaluation complet, de la pertinence des remarques et réserves éventuelles formulées par les autres Etats membres ainsi que des problèmes éventuellement survenus au Luxembourg et imputables à cette substance active. "La position du Luxembourg concernant le glyphosate n'est donc, à ce stade, pas encore définie", concluent les deux ministres.