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Commerce extérieur
En marge de la conclusion formelle de l'accord de libre-échange UE-Canada, dit CETA, la Commission publie l’intégralité de ce texte controversé
26-09-2014


Les critiques fusent alors que se prépare le sommet UE-Canada qui doit être l’occasion de "célébrer la fin des négociations" de deux traités importants entre l’UE et le Canada, à savoiceta-source-chambre-commerce-car un accord de partenariat stratégique et un accord commercial (CETA) qui, dans la foulée du débat que suscitent les négociations d’un accord du même type avec les Etats-Unis, le TTIP, soulève lui aussi la controverse. Le sommet qui se tient à Ottawa le 26 septembre 2014 était l’occasion de signer le CETA dont le contenu détaillé a été publié le même jour sur le site de la Commission européenne.

La protection des investisseurs, principal objet des critiques formulées à la veille du sommet UE-Canada

Un vent de fronde a commencé à souffler en Allemagne où le ministre de l’Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel, a plaidé le 25 septembre 2014 devant les députés du Bundestag pour une renégociation du CETA. La presse s'était déjà fait l'écho de cette position dès le mois de juillet 2014.

"Nous devons essayer de renégocier", a déclaré le ministre. "Le chapitre sur la protection des investissements n'est pas acceptable en l'état aux yeux de l'Allemagne", a expliqué Sigmar Gabriel qui estime que des pays développés et au système juridique abouti comme le sont le Canada et les pays de l'UE n'en ont pas besoin, et que ces clauses risquent de donner trop de pouvoir aux entreprises. "Nous avons atteint beaucoup de choses, CETA est un bon accord, ce serait une erreur de le bloquer", précisait toutefois aussi le ministre devant les députés allemands.

La réaction du commissaire au Commerce extérieur, Karel De Gucht, ne s’est pas fait attendre puisqu’il explique dans l’édition de la Frankfurter Allgemeine Zeitung datée du 26 septembre 2014 que "si nous rouvrons les négociations sur CETA, alors c'est la mort de l'accord".

"C'est un débat populiste, mené de manière émotionnelle, attisé sur internet", dénonce Karel De Gucht. "Le mécanisme de protection des investissements dans CETA est l'un des plus modernes et des plus transparents qui existent", ajoute-t-il. "L'accord est un modèle pour les négociations commerciales avec les Etats-Unis", n’a pas manqué de rappeler le commissaire.

Le 26 septembre 2014, la Commission a publié avec le texte intégral de l’accord, une somme de 1 634 pages disponibles uniquement en langue anglaise, une note sur "les dispositions relatives à l’investissement dans l’accord de libre-échange UE-Canada". Les services de la Commission y mettent notamment en avant le fait que les cours d’arbitrage "disposeront désormais d’orientations strictes et détaillées lorsque ces dispositions seront invoquées par un investisseur".

Mais le mécanisme prévu par le CETA, le RDIE (règlement des différends investisseurs-Etats), fait l’objet d’une violente controverse et ce aussi dans le cadre des négociations sur le TTIP qui ont mis en avant aux yeux de l’opinion publique ce dispositif qui permet de protéger les investisseurs face aux Etats.

La Confédération européenne des syndicats (CES) est d’ailleurs elle aussi monté au créneau à la veille du sommet en adressant une lettre à l’Ambassadeur du Canada auprès de l’UE.

"L’inclusion d’un règlement des différends entre investisseurs et États accordant un régime juridique particulier aux investisseurs étrangers" fait justement partie des trois points sur lesquels les syndicats demandent un amendement.

Les syndicats appelleront au rejet de l’accord commercial UE-Canada s’il n’est pas amendé sur deux autres points, à savoir "la très vague référence faite dans l’accord à la signature éventuelle par le Canada des conventions de l’Organisation internationale du travail, y compris celle sur le droit syndical et le droit de négociation collective" et "l’inclusion dans l’accord d’une liste de domaines à ne pas libéraliser au lieu d’une liste de domaines que les négociateurs conviennent de libéraliser".

La Secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, précise dans sa lettre que "bien que la Commission puisse parapher l’accord, il reviendra aux États membres et au Parlement européen de le ratifier". "Nous insisterons auprès d’eux pour qu’ils s’abstiennent de le faire au cas où nos inquiétudes ne seraient pas prises en compte", met-elle en garde.

Au Luxembourg, le parti de la Gauche déi Lénk s’est exprimé par voie de communiqué en demandant à ce que le gouvernement luxembourgeois lève toute ambiguïté quant au RDIE. Les représentants du parti se réfèrent aux réponses à deux questions parlementaires que le gouvernement a transmises le 22 septembre 2014 et s’interrogent sur la position du gouvernement qui "d’une part estime que cette clause n’est pas requise et d’autre part se félicite de ce qu’il estime être des améliorations". Pour déi Lénk, dans tous les cas, "le CETA constitue un cheval de Troie : en incluant ces tribunaux arbitraux dans le CETA, la commission prépare leur intégration dans le TTIP, ne serait-ce avec l’argument que les sociétés nord-américaines pourraient déjà avoir recours à cet arbitrage extra-juridictionnel via leurs filiales canadiennes".

De son côté, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'est montré optimiste quant à une ratification rapide de l'accord CETA, malgré les réserves exprimées notamment par le ministre allemand de l'Economie. "La Commission européenne a négocié cet accord conformément au mandat qu'elle a reçu de ses Etats membres. Et l'accord a été entièrement soutenu par tous les membres de l'Union européenne, y compris l'Allemagne", a-t-il déclaré  lors d'une conférence de presse en marge du sommet.

José Manuel Barroso a par ailleurs affirmé que "toutes les communications officielles que nous avons reçues de l'Allemagne sont absolument favorables à cet accord", jugeant dès lors qu'il serait "très étrange" que Berlin fasse obstacle à la ratification de cet accord, car "c'est le pays en Europe qui en tirera le plus profit" compte tenu de la taille de son économie et à titre de plus gros exportateur. "Je crois que nous avons obtenu le meilleur accord possible et je n'ai aucun doute qu'il sera ratifié par tous les Etats membres", a-t-il ajouté, disant s'attendre "à ce que l'accord soit ratifié en 2015 et entre en vigueur en 2016".

Les parlements nationaux participeront-ils au processus de ratification ?

Autre préoccupation exprimée par déi Lénk à l’égard du CETA, l’implication de la Chambre des députés et de la société civile dans une analyse approfondie de l'accord. La participation des parlements nationaux au processus de ratification dépend de la nature de l’accord, et, si le gouvernement affirme dans sa réponse au député Justin Turpel qu’il devrait s’agir "d’un accord mixte" requérant par conséquent l’approbation des parlements des 28 Etats membres de l’UE, un certain flou persiste sur cette question.

La publication du texte intégral de l’accord ne le lève d’ailleurs pas tout à fait, puisque, lorsqu’on y cherche des précisions relatives au processus de ratification, il est juste fait mention du fait que le texte publié n’est pas contraignant et qu’il sera transmis "après révision juridique" "au Conseil de l’UE et au Parlement européen".