Près de 7 millions de citoyens européens ont travaillé et résidé en 2013 dans un autre Etat membre que leur pays d’origine, un nombre qui est "loin d’être énorme", selon la Commission européenne. S’y ajoutent 1,1 million de travailleurs frontaliers et un million des travailleurs détachés. En 2005, la part du nombre de ces "travailleurs mobiles" dans la population active était d’environ 2,1 % (soit 4,5 millions de personnes), tandis qu’en 2013, elle est arrivée 3,3 %.
En présentant ces chiffres à l’Université de Gand le 25 septembre 2014, le commissaire européen en charge de l’Emploi et des Affaires sociales, László Andor, a tenu un discours fervent en faveur de la mobilité intra-européenne, en réfutant un "mouvement de masse" évoqué, selon lui, par certains hommes politiques. Il a fait allusion aux débats, soulevés dans certains Etats membres comme l’Allemagne dans le contexte des élections européennes, sur une présumée "mobilité de pauvreté" et du "tourisme social" des citoyens d’Etat membres plus pauvres vers d’autres, un débat qu’il a désigné de "discours populiste". Qualifié selon lui par les sociologues comme un "chauvinisme économique" (welfare chauvinism), ce discours "va à l’encontre des valeurs sur lesquelles se fonde l’Union européenne". Il cite notamment les quatre libertés, dont celle de mouvement, "attaquée" par certains Etats membres.
Il a souligné que la mobilité intra-européenne relève du bon sens du point de vue économique et qu'elle peut stimuler l'emploi et la croissance, mais qu’elle est encore modérée par rapport aux Etats-Unis ou à l’Australie. Le memo que la Commission européenne a publié à l’occasion de son discours ajoute que la mobilité aide à remédier aux "pénuries de main d’œuvre et aux déficits de compétence" et permet une attribution plus efficace des ressources humaines.
Le commissaire a évoqué plusieurs "mythes" qu’il a tenté de réfuter, comme celui selon lequel la crise dans la zone euro aurait augmenté la mobilité, alors que les flux de mobilité de travailleurs intra-européens ont, selon lui, baissé de 41 % en 2009 et 2010, comparé à 2007 et 2008. Une baisse "logique", vu les flux de mobilités très élevés qui ont fait suite à l’élargissement de l’UE. En 2011 et 2012, cette mobilité aurait repris pour augmenter de 22 % comparé à 2009 et 2010, en raison notamment de la mobilité de travailleurs provenant de pays avec des taux de chômage très élevés comme l’Espagne et la Grèce.
Le commissaire concède que la crise dans la zone euro a augmenté les "déséquilibres" sur le marché du travail de l’UE et a poussé des citoyens de la périphérie de la zone euro à quitter leur pays pour chercher du travail ailleurs. Toutefois, il est d’avis que la crise n’a pas provoqué une "augmentation importante" de la mobilité de la main d’œuvre.
Le memo soutient néanmoins que la crise de la zone euro a "stimulé" la mobilité intra-européenne. Le memo soutient de plus que dans les 15 "anciens" Etats membres, le nombre de travailleurs issus de pays des Etats membres qui ont rejoint l’UE à partir de 2004 a atteint 5,6 millions en 2013 contre 1,7 million en 2004. Le texte souligne que le nombre de travailleurs mobiles issus de pays du sud a augmenté de 38 % entre 2008 et 2013 tandis que le flux de mobilité a baissé en Pologne et en Roumanie (de 41 % respectivement 33 %).
Durant la période de 2008 à 2013, les citoyens issus d’Etats membres de l’Europe centrale et orientale représentaient 58 % des travailleurs mobiles (contre 65 % entre 2004 à 2008). La part des travailleurs issus d’Etats membres de l’Europe du Sud a augmenté pour arriver à 18 % (contre 11% entre 2004 à 2008). Les pays destinataires sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Belgique et les pays nordiques, les deux premiers étant les destinations préférées. Le memo ajoute que les travailleurs mobiles sont aussi plus formés : entre 2009 et 2013, 41 % avaient un niveau d’enseignement supérieur, contre 27 % entre 2004 et 2008.
Le commissaire estime pour sa part la mobilité de la main d’œuvre, notamment des pays du Sud, n’apportera pas une réponse à ces Etats membres en crise où "des millions de personnes" sont au chômage. "Si les personnes les plus talentueux partent, la relance économique pourrait devenir encore plus difficile", affirme-t-il.
Le memo brosse un tableau sur les travailleurs mobiles (sans prendre en compte les travailleurs frontaliers) par pays d’origine en 2013 : les Roumains (1,3 million) et les Polonais (1,06 million) sont ainsi les plus nombreux à travailler dans un autre Etat membre, ce qui représente 14 % respectivement 7 % de l’emploi total (qui comprend l’emploi salarié et l’emploi non-salarié) du pays d’origine. En troisième position des travailleurs mobiles se retrouve l’Italie avec 677 000 personnes (3 %), suivie du Portugal avec 571 000 personnes (13 %), de l’Allemagne avec 388 000 personnes (1 %), de la France avec 335 000 personnes (1 %) et des Britanniques (1 %). Les Bulgares représentent 232 000 travailleurs mobiles ce qui équivaut à 8 % de l’emploi total en Bulgarie. Pour ce qui est des ressortissants luxembourgeois, ils sont 15 700 à travailler dans un autre Etat membre (6,6 % de l’emploi total au Luxembourg). Parmi les Espagnols, 232 000 personnes travaillent dans un autre Etat membre, soit 1,4 % de l’emploi total. Les Croates représentent 215 000 personnes, équivalent à 15 % de l’emploi total en Croatie. Les Grecs sont 110 000 (10 %).
L’Etat qui accueille le plus de travailleurs issus d’un autre Etat membre est l’Allemagne : ils représentent 1,88 million ou 4,7% de l’emploi total (de l’Allemagne). En deuxième position, le Royaume-Uni (1,5 million ou 5 %), suivi de l’Italie (793 000 ou 3,5%), de l’Espagne (765 000 ou 4,6 %) et de la France (598 000 ou 2,3 %). Le Luxembourg est le pays qui accueille le plus de travailleurs issus d’un autre Etat membre par rapport à sa population active – ils représentent 46 % ou 109 600 personnes – ce chiffre ne prend évidemment pas en compte les travailleurs frontaliers.
Le Luxembourg est le pays qui a le taux de mobilité le plus élevé : les travailleurs mobiles "récents ( qui travaillent dans le pays depuis moins de 10 ans) représentent 21 % du taux d'emploi. A Chypre et en Irlande, ce taux est de 8,2 % tandis que l’Autriche et la Belgique frôlent les 4 %. Dans les autres Etats membres, ce taux est en dessous de 3 %, à part le Royaume-Uni (3,4 %). Il atteint 1,8 % en Allemagne et 0,7 % en France.
Concernant le mythe selon lequel les migrants imposeraient un lourd fardeau pour les systèmes sociaux des pays d’accueil, le commissaire a avancé les chiffres suivants : les travailleurs mobiles ont un taux d’activité plus élevé que les nationaux (77 % contre 72 %). La tendance est similaire pour le taux d’emploi (68 % contre 65 %). Quant au taux de chômage, il est légèrement plus élevé (11,7 %) chez les travailleurs mobiles (contre 10,1 % chez les nationaux). Il ajoute qu’en 2012, un tiers des travailleurs mobiles avaient un niveau d’enseignement supérieur (contre 22 % en 2000). Il précise d’ailleurs qu’ils sont souvent surqualifiés et que leur "profil démographique et éducatif apporte des bénéfices économiques significatifs" aux pays d’accueil. De plus, les travailleurs mobiles sont souvent plus jeunes et pourraient ainsi "améliorer la situation démographique" dans les pays d’accueil s’ils s’y installent définitivement, ajoute le commissaire. Ainsi, les jeunes âgés de 15 à 34 ans représentent la moitié des travailleurs mobiles résidant depuis dix ans dans un autre Etat membre, tandis qu’ils ne représentent qu’un quart de la population de leur pays d’origine.
László Andor évoque en effet une croissance du PIB de l’ordre d’au moins un pourcent dans les "anciens" Etats membres comme l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie qui serait due à la mobilité intra-européenne après l’élargissement de 2004. Pourtant, l’effet de cette mobilité sur le taux d’emploi et les salaires serait marginal, puisque cette première concernerait surtout les travailleurs peu qualifiés et serait une mobilité "à court terme", ajoute le commissaire.
Pour conclure, László Andor affirme qu’il n’y a "aucune preuve" que les citoyens mobiles reçoivent plus de prestations de sécurité sociale que les nationaux, avant de donner un aperçu sur les actions de l’UE en faveur des populations défavorisées, telles que la population rom.