La commission de l'emploi et des affaires sociales (EMPL) du Parlement européen a adopté le 5 novembre 2013 sa position sur la proposition de directive de la Commission européenne visant à améliorer l'application du droit de libre circulation des travailleurs. La résolution a été adoptée par 41 voix, 2 contre et 2 abstentions et le mandat de négociation l’a été par 40 voix pour, 3 voix contre et 1 abstentions. Le Parlement européen dispose ainsi désormais d’un mandat lui permettant de débuter les négociations interinstitutionnelles avec le Conseil, bien que celui-ci n’ait encore adopté aucune position sur le sujet.
Présentée en avril 2013, la proposition de la Commission se donne pour objectif de permettre "aux travailleurs de surmonter les obstacles à l'exercice d'une activité professionnelle dans un autre pays de l'Union", comme l'avait expliqué alors Laszlo Andor, le commissaire européen chargé de l'emploi et des affaires sociales.
Selon l’"Enquête sur les forces de travail de l’Union européenne" publiée par Eurostat, en 2011, seuls 3,1 % des citoyens européens en âge de travailler (de 15 à 64 ans) vivaient dans un État membre autre que le leur, soit quelque 6,6 millions d’Européens. En outre, près de 1,2 million d'Européens vivaient dans un autre Etat membre que celui où ils travaillaient la même année. La même étude relevait par ailleurs que 15 % des citoyens de l'UE n'envisagent pas de travailler dans un autre Etat membre car ils estiment que les obstacles à franchir sont trop nombreux.
Les travailleurs migrants dans l’UE seraient en effet davantage susceptibles de subir diverses discriminations par rapport aux nationaux dans les Etats d’accueil. La Commission avait ainsi listé une série d'obstacles auxquels la directive doit s'attaquer : des conditions de recrutement différentes entre les citoyens et les migrants ; des restrictions sur la base de la nationalité pour l'accès à certains postes ; des quotas pour les nationaux, dans le monde du sport notamment; des privilèges pour les nationaux dans l'accès à certains avantages sociaux, dont les bourses ; l'absence de prise en compte des qualifications ou expériences professionnelles obtenues à l'étranger.
Pour y pallier, la directive propose que les États membres soient tenus:
La situation intéresse particulièrement le Luxembourg, où un peu moins de la moitié de la population résidente est de nationalité étrangère, et alors que près de 150 000 frontaliers issus de France, d’Allemagne et de Belgique s’y rendent quotidiennement pour travailler. L'affaire des bourses d'études pour enfants de travailleurs frontaliers, alors qu’elle était encore pendante devant la CJUE – qui a depuis donné tort au Luxembourg - était déjà pointée comme discrimination dans le mémo de la Commission consacré à la proposition de directive: la Commission y écrivait que le choix d'exclure les enfants frontaliers de cet avantage social était contraire à l'article Article 7(2) du règlement 492/2011 (voir aussi à ce sujet le dossier sur l'affaire des bourses d'études).
En commission EMPL, les députés ont amendé la directive proposée par la Commission afin de la préciser, mais également d’élargir quelque peu son champ d’application peut-on lire dans un communiqué du Parlement européen. Ceux-ci ont notamment spécifié les catégories de travailleurs concernés par le règlement 492/2011. Ils y ont inclus les travailleurs saisonniers et frontaliers qui s’ajoutent ainsi aux travailleurs permanents et indépendants. Les travailleurs détachés, en revanche, ne sont pas concernés.
La directive détaille également les domaines concernés par son application: il s’agit de l’accès à l'emploi, des conditions de travail notamment en matière de rémunération et de licenciement, de l’appartenance à un syndicat, de l’accès à la formation, au logement et à l'éducation pour les enfants. Les députés ont par ailleurs modifié la proposition originale pour y inclure la santé et la sécurité au travail et l'accès aux services d'emploi, détaille encore le communiqué du Parlement européen.
Alors que selon la législation existante, les travailleurs de l'UE confrontés à des discriminations fondées sur la nationalité devraient avoir accès à des moyens de recours et une protection juridique efficaces, les députés de la commission EMPL ont également souhaité renforcer le rôle des partenaires sociaux (ONG, associations, syndicats) dans le soutien aux victimes en justice.
Enfin, les députés ont réclamé à la Commission et aux Etats membres de mettre en place un réseau européen de points de contacts nationaux pour améliorer la coopération entre les Etats membres dans la mise en œuvre des droits des travailleurs mobiles. Ils souhaitent par ailleurs un meilleur recours de la part des Etats membres aux services de conseil et d'information existants tels que Votre Europe, Solvit, Eures, Réseau Entreprises Europe et les guichets uniques.
"Le droit des citoyens de l'UE de travailler dans un autre Etat membre est prévue dans les traités et dans la législation européenne. Cependant, des discriminations fondées sur la nationalité persistent. Cette directive vise à clarifier, faciliter et mieux appliquer la législation existante mais ne crée pas de nouveaux droits ni de nouvelles obligations pour les Etats membres. Le bon fonctionnement du marché intérieur devrait inclure une libre circulation des travailleurs sans entrave", a déclaré Edit Bauer (PPE, Slovaquie), désigné rapporteur sur le sujet.
L’Agence Europe rapporte encore que des députés ont profité de l'occasion pour demander à la Commission de se pencher sur un "29e régime" de système de sécurité sociale pour compléter les offres nationales. Selon ces derniers, cela faciliterait davantage la mobilité des travailleurs, le régime envisagé pouvant être optionnel, volontaire et individuel.