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Conseil Environnement – Les ministres adoptent leur position en vue de la conférence climatique de Lima et évoquent pour la première fois le principe d’efficacité de l’utilisation des ressources comme un objectif européen
28-10-2014


Carole Dieschbourg, ministre de l'Environnement et Andrä Rupprechter, ministre fédéral de l'agriculture et des forêts, de l'environnement et de la gestion de l'eau de la République d'Autriche (source: Conseil de l'Union européenne)Moins d’une semaine après le Conseil européen qui a scellé un accord sur le cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030, les ministres de l'Environnement des 28 Etats membres de l’Union européenne étaient réunis à Luxembourg, le 28 octobre 2014, à l’occasion d’un Conseil Environnement consacré entre autres à la révision de la stratégie Europe 2020, à la politique des déchets et à la politique en matière de changement climatique.

Le Conseil adopte ses conclusions en vue de la conférence de Lima sur le climat

Lors de cette rencontre, les ministres européens ont adopté des conclusions sur la position que défendra l'UE à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique de Lima (1er-12 décembre 2014), dernière étape intermédiaire avant la conférence de Paris de décembre 2015.

Le Conseil, qui se dit préoccupé par les dernières conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), insiste sur le fait que le réchauffement climatique ne fait aucun doute. Il insiste sur l'urgence d'une action mondiale résolue et sur l'importance d'adopter en 2015, à Paris, un accord ambitieux, juridiquement contraignant, applicable à toutes les parties et sur l'importance des résultats de Lima pour relever ce défi. Le Conseil attend avec intérêt que soit présentée à Lima la première évaluation multilatérale des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés pour 2020.

Rappelant les conclusions du dernier Conseil européen et en particulier l’engagement à un objectif de réduction contraignant de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990, le Conseil souligne qu’il conviendra que l’UE et ses États membres soulignent qu’ils feront mieux que leurs engagements de 2020, indiquent les conclusions. La conférence de Lima devra par ailleurs identifier les éléments clés d'un texte de négociation à finaliser avant mai 2015 pour servir de base à la conclusion d’un accord global ambitieux et contraignant à Paris.

La ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a salué un signal fort envers les participants de la conférence de Lima, malgré le fait que le Luxembourg se soit prononcé pour des objectifs renforcés en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. En outre, la ministre a souligné avoir profité de la session de travail pour rappeler à ses homologues l'ajout aux conclusions du Conseil européen d'une déclaration faite par le Luxembourg, entretemps suivie par le gouvernement autrichien, qui insiste sur le fait que les réductions en matière de gaz à effet de serre doivent se faire par le recours aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Ce qui "exclut pour le Luxembourg le recours à l'énergie nucléaire, qui n'est ni sure ni durable", a-t-elle dit.

Un "verdissement" timide de la stratégie Europe 2020 et du Semestre européen

Lors de leur réunion du 28 octobre 2014, les ministres étaient par ailleurs invités à adopter des conclusions concernant le "verdissement" du Semestre européen ainsi que de la stratégie Europe 2020, dans le contexte de l’examen à mi-parcours de ladite stratégie. Pour précision, dans le cadre de cet examen, la Présidence italienne du Conseil de l’UE mène des discussions au sein de plusieurs formations du Conseil afin de rédiger un rapport qui sera soumis au Conseil européen de décembre 2014. Ce rapport "fournira des orientations pour des propositions ultérieures de la Commission visant à améliorer la mise en œuvre de la stratégie", lit-on dans la note d’information diffusée en amont du Conseil.

En session publique, les ministres européens étaient donc appelés à se prononcer sur un projet de conclusion préparé par la Présidence suite à des réunions en groupes de travail. La principale question restant en suspens concernait la mention d’un éventuel objectif indicatif et non contraignant en matière d’efficacité d’utilisation des ressources, quelques délégations ayant formulé une réserve à ce sujet alors que d'autres ont demandé la suppression ou l'atténuation du lien établi entre cet objectif et la stratégie Europe 2020, lit-on dans le projet de conclusion.

Des réserves réitérées lors de la session publique. Ainsi la Hongrie, la Lituanie, le Royaume-Uni et la République Tchèque notamment ont exprimé leur crainte que l’introduction d’un nouvel objectif dans la stratégie 2020 ne vienne "diluer" les objectifs existants tandis que la Suède et Chypre ont considéré prématurée leur introduction. Le Luxembourg s’est pour sa part dit en faveur d’un tel objectif (comme la France, la Grèce, la Lettonie, entre autres). La ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a ainsi insisté sur le fait "qu’une politique de croissance basée sur une meilleure protection des ressources naturelles n’est pas seulement plus soutenable, mais aussi plus compétitive", soulignant l’importance du développement d’indicateurs précis et comparables qui reflètent les progrès réels des États membres.

Le commissaire sortant à l’Environnement, Janez Potočnik, qui avait assuré en ouverture de débat qu’"augmenter notre productivité dans l'utilisation des ressources de 30 % d'ici à 2030 permettra d'accroître le PIB de 1 % et de créer environ 2 millions d'emplois supplémentaires par rapport à ce qui était prévu dans un scénario business-as-usual", a regretté un manque de cohérence de la part de certains Etats membres qui s'étaient montrés plus ouverts lors de leur réunion informelle de Milan en juillet 2014. A l'issue de cette rencontre, le commissaire avait fait état d'un soutien majoritaire des Etats membres à un objectif politique d'efficacité des ressources assorti d'un indicateur "non contraignant, non sectoriel" basé sur la consommation de matières premières par rapport au PIB.

"Aux sceptiques, je dis qu'il n'y a pas d'alternative. Plus on retardera une décision, plus il sera difficile d'opérer la transition", a lancé le commissaire à l'issue du débat. Pour précision, selon les analyses de la Commission, la productivité des ressources a augmenté de 20 % dans l'UE entre 2000 et 2011, et un scénario de continuité devrait déjà permettre à l'UE d'accroître sa productivité des ressources de 15 % entre 2014 et 2030. Quant à la mise en place d'indicateurs mesurant l'efficacité des ressources (la Commission proposant donc de rapporter la consommation de matières premières au PIB) et à leur fiabilité, Janez Potočnik a estimé que si "certains disent que c'est prématuré, cela fait 5 ans qu'on travaille sur les indicateurs!".

Dans leurs conclusions dédiées au verdissement, les ministres soulignent finalement que les politiques environnementales sont importantes pour résoudre les problèmes auxquels est actuellement confrontée la gouvernance économique de l'Union. "Il convient dès lors de renforcer la dimension environnementale de la stratégie Europe 2020, en particulier en intégrant le potentiel de croissance verte et de création d'emplois verts que représente l'efficacité dans l'utilisation des ressources et en renforçant les synergies entre les différents volets de la stratégie Europe 2020", y lit-on.

Les conclusions soulignent en outre la nécessité de verdir encore le Semestre européen et la stratégie Europe 2020. Elles en appellent ainsi à la Commission afin qu’elle "explore comment mieux intégrer l'efficacité des ressources dans la stratégie Europe 2020, y compris par l'introduction d'un objectif indicatif et non contraignant", une formulation de compromis qui a permis de rallier tous les Etats membres, alors que le projet de conclusions prévoyait plus directement de demander l’intégration d’un tel objectif dans la stratégie 2020.

Pour ce "verdissement", le Conseil demande aussi d’encourager l'intégration des principes d'économie circulaire et du potentiel d'emplois verts dans le cycle annuel de coordination des politiques économiques, si possible dès 2015. En outre, il s’agirait de faire figurer de manière plus structurée et plus régulière des données sur les compétences, les emplois et la croissance "verts" dans le cadre du rapport conjoint sur l'emploi annexé à l'examen annuel de la croissance, tout en affinant la définition des emplois verts et en développant un cadre destiné à mesurer plus précisément les progrès accomplis dans l'utilisation efficace des ressources au niveau national. Enfin, il s’agit d’améliorer le processus de gouvernance de la stratégie Europe 2020, ce qui passe par un renforcement du rôle des ministres de l'environnement dans le Semestre européen, précisent encore les conclusions du Conseil.

"Le Conseil a atteint un objectif politique très important: tous les ministres européens de l’Environnement exigent désormais de mettre l'accent sur la durabilité et l'utilisation efficace des ressources en les intégrant dans la stratégie Europe 2020, ajoutant ainsi une nouvelle dimension environnementale à celle-ci", a déclaré en conférence de presse à l’issue de la réunion Gian Luca Galletti, le ministre italien de l’Environnement et président du Conseil saluant un véritable "changement de paradigme".

La ministre luxembourgeoise s'est pour sa part montrée "très satisfaite du compromis dégagé par la Présidence italienne", estimant en conférence de presse qu’"il n’était pas su tout sûr d’obtenir un accord" sur le sujet. Le commissaire à l’Environnement s’est de son côté réjoui que "les conclusions du Conseil soient meilleures que le débat" des ministres.

Premier débat d’orientation sur l’économie circulaire et la réduction des déchets

Le Conseil a par ailleurs tenu un premier débat d'orientation sur une proposition de directive concernant la gestion de différents types de déchets qui s'inscrit dans le cadre du paquet sur l'économie circulaire élaboré par la Commission et présenté en juillet 2014.

Cette proposition vise à améliorer la gestion des déchets dans l'UE dans le but de protéger la qualité de l'environnement et de garantir une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. Elle envisage des objectifs de recyclage de 70 % pour les déchets municipaux et de 80 % pour les déchets d'emballage d'ici 2030, interdit de mettre les déchets recyclables en décharge à partir de 2025 et introduit des objectifs en matière de réduction des déchets alimentaires.

Comme l’explique la Commission dans sa communication sur l’économie circulaire, l'économie européenne perd actuellement une quantité considérable de matières premières secondaires potentielles dans les déchets. En 2011, l'Union européenne a ainsi produit au total environ 2,5 milliards de tonnes de déchets, soit quelque cinq tonnes de déchets par personne et par an en moyenne, dont un peu plus d'un tiers sont effectivement recyclés. Ainsi, seuls 40 % des déchets municipaux générés dans l'UE ont été recyclés, 37 % ont été mis en décharge et 23 % ont été incinérés. Il existe également entre les États membres des écarts notables de performance en matière de gestion des déchets, qu'il importe de résorber de toute urgence.

Afin de dégager des orientations claires pour la suite des travaux, la Présidence avait posé aux ministres trois questions portant notamment  sur le niveau d'ambition de la proposition. Selon les conclusions, les ministres ont généralement bien accueilli l'idée maîtresse de la proposition mais ils ont toutefois exprimé des préoccupations sur son niveau d'ambition et appelé à des objectifs réalistes et réalisables sur la réutilisation, le recyclage et la mise en décharge, beaucoup d’Etats membres (d'Europe centrale et orientale, pays baltes) exprimant leur inquiétude quant au coût de telles mesures.

Les délégations ont également souligné la nécessité de prendre en compte les spécificités des Etats membres et leur niveau de positions de performance et de départ différent. Ils ont exprimé la nécessité de clarifier certaines questions telles que les méthodes de calcul et les définitions. L'idée derrière le système d'alerte précoce proposé a été généralement bien accueillie, mais le système a besoin de plus de travail afin de réduire le fardeau administratif et financier sur les Etats membres, précisent les conclusions, qui ajoutent que les délégations ont également soulevé des préoccupations par rapport à la fréquence des rapports.

Pour sa part, la ministre luxembourgeoise Carole Dieschbourg a salué les objectifs ambitieux et la proposition de n’avoir qu’une seule méthode de calcul des objectifs tenant compte des quantités effectivement préparées au réemploi ou recyclées, rejoignant ainsi une minorité de pays (Belgique, Pays-Bas, Suède, France). Elle a cependant estimé que le volet de la prévention de déchets devrait être solidement étoffé, par exemple par la création d’une plateforme d’échange d’informations et de bonnes pratiques en matière de déchets entre les États membres.

En conclusion des débats, le commissaire Janez Potočnik a rappelé aux ministres qu'en adoptant le 7e programme d'action pour l'environnement en novembre 2013, le Conseil et le Parlement avaient demandé à la Commission de réduire les déchets, notamment le gaspillage alimentaire, de limiter l'incinération et la mise en décharge. "Mais se mettre d'accord sur les principes, c'est plus facile que de se mettre d'accord sur des propositions concrètes", a-t-il regretté. Reconnaissant par ailleurs que si "la Commission européenne avait du retard dans sa communication sur l'alimentation durable, ce document proposera qu'en 2025 l'on jette 30 % de moins qu'aujourd'hui où l'on jette un tiers de nos aliments", a-t-il poursuivi, étonné que certains Etats membres s'interrogent sur l'utilité d'un objectif pour lutter contre un gaspillage qu’il a jugé "amoral et économiquement néfaste".