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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Emploi et politique sociale
Conseil EPSCO – Les ministres de l’Emploi trouvent un accord sur le règlement EURES, non sans réserves de la part du Luxembourg, tandis que les discussions piétinent sur le congé maternité et la représentation des femmes dans les CA
11-12-2014


Les ministres de l’Emploi de l'UE se sont réunis à Bruxelles le 11 décembre 2014 à l’occasion d’un Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO) à l’ordre du jour "dense", comme l’a souligné le ministre italien de l’Emploi et des Politiques sociales, Giuliano Poletti, qui présidait pour la dernière fois cette session du Conseil avant le passage à la présidence lettone. Il s’est toutefois félicité d’avoir pu avancer sur des "dossiers difficiles, dont certains étaient bloqués depuis longtemps".Lodewijk Asscher, Nicolas Schmit et Claude Meisch lors du Conseil EPSCO qui s'est tenu à Bruxelles le 11 décembre 2014 (c) Conseil de l'UE

Réseau EURES – Les ministres s’entendent sur une orientation générale avec un soutien réservé du Luxembourg

Les ministres ont ainsi pu s’entendre sur une orientation générale quant à la proposition législative relative au réseau européen des services de l’emploi, à l’accès des travailleurs aux services de mobilité et à la poursuite de l’intégration des marchés du travail (réseau dit "EURES").

EURES est un programme européen existant depuis 1993 et œuvrant pour la promotion de la mobilité professionnelle au sein de l’Union en rendant possible notamment l’échange des offres d’emploi, de stages et d’apprentissages entre les États membres.

Pour Giuliano Poletti, l’enjeu était de répondre à l’appel du Conseil européen de "faire du portail EURES un véritable outil de placement et de recrutement". Le ministre soulignait que "la mobilité des travailleurs est un facteur important pour lutte contre le chômage, et notamment celui des jeunes. "Notre proposition vise à assurer que le portail EURES devienne le premier choix naturel pour tout citoyen européen intéressé ou qui envisage de travailler dans un autre pays européen", a souligné pour sa part la commissaire Marianne Thyssen à l'issue de la réunion du Conseil.

Le Parlement n’a pas encore adopté sa position en première lecture sur ce texte, et les négociations pourraient s’ouvrir dès le début de l’année prochaine.

La réforme d’EURES vise à améliorer mieux aider les travailleurs à franchir les barrières à la mobilité, à améliorer l’accès aux opportunités d’emploi dans l’UE et à faciliter la création d’emplois en aidant à faire mieux coïncider l’offre et la demande sur le marché du travail.

Suivant la proposition faite par la Commission en janvier 2014, le Conseil veut ouvrir le réseau EURES aux partenaires privés, mais il veut obliger les agences d’emploi lucratives à fournir tous les services de base prévus dans le règlement. Les conclusions du Conseil soulignent que cela va augmenter considérablement du nombre d’offres d’emploi. Selon l’approche générale adoptée, les Etats membres vont devoir mettre en place une procédure d’admission, en sachant qu’une certaine flexibilité sera de mise pour l’adapter aux systèmes nationaux. Les services publics de l’emploi auront un statut privilégié.

Il est aussi prévu que les travailleurs et les employeurs ayant de bonnes perspectives de trouver un emploi ou de recruter recevront une assistance sur mesure. Par ailleurs, les conclusions du Conseil soulignent qu’un système automatisé visant à apparier les offres avec les candidatures et qui sera basé sur l’interopérabilité des classifications nationales avec classification européenne des aptitudes, compétences, certifications et professions (ESCO) augmentera les chances des travailleurs et des employeurs de parvenir à leurs fins. Le compromis final inclut un nouvel acte d’exécution sur l’adoption et la mise à jour d’une liste sélective d’aptitudes, compétences et professions pour l’usage du réseau, ce qui permettra aux Etats membres d’avoir leur mot à dire sur l’adoption de cette liste.

Apprentissages et stages sont inclus dans le champ de ce règlement, mais seulement accessibles aux personnes qui sont en dehors des parcours de formation. Les stages et apprentissages financés dans le cadre des politiques actives du marché du travail des Etats membres sont également exclus.

Comme le rapporte l’Agence Europe dans son Bulletin quotidien daté du 12 décembre 2014, le Luxembourg a été le seul pays à exprimer de légères inquiétudes. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, Nicolas Schmit, a en effet soutenu l’orientation générale, mais a mis en garde contre la création d’une machinerie administrative étouffante, ainsi que le souligne le communiqué de presse diffusé par le gouvernement luxembourgeois à l’issue du Conseil. Si les stages et les apprentissages sont inclus dans la proposition, Nicolas Schmit a par ailleurs insisté sur le fait qu’il faudra veiller à "ne pas forcer la mobilité des jeunes ne bénéficiant pas de moyens raisonnables de protection et de garanties sociales" car il ne s’agit en aucun cas "d’encourager une mobilité dans la précarité".

Accord sur les conditions de travail des gens de mer

Les ministres ont aussi pu s’entendre sur une orientation générale au sujet de la proposition législative relative aux conditions de travail des gens de mer. La Commission avait mis sur la table une proposition en novembre 2013 avec pour objectif d’inclure les gens de mer dans le champ d’application de cinq directives de l’UE sur le droit du travail. La proposition prévoyait de leur accorder les mêmes droits à l’information et à la consultation dans l’ensemble des 28 États membres de l’UE que ceux dont bénéficient les autres travailleurs en cas de licenciements collectifs et de transferts d’entreprises. Ils auraient également le droit de participer aux comités d’entreprise européens.

Actuellement, certaines directives relatives au droit du travail prévoient en effet la possibilité pour les États membres de ne pas faire bénéficier les gens de mer du droit à l’information et à la consultation. Il en est résulté un traitement différent des gens de mer dans plusieurs États membres de l’UE.

Le nouveau texte aurait pour effet de modifier cinq directives afin de donner aux gens de mer les mêmes droits que leurs collègues à terre. Ces dispositions permettraient d’améliorer leurs conditions de vie et de travail et ainsi de rendre le travail dans le secteur maritime plus attractif pour les jeunes alors qu’il peine actuellement à recruter.

Les ministres s’entendent pour donner force de loi à un accord conclu entre les partenaires sociaux du secteur de la navigation intérieure

Les ministres ont aussi trouvé un accord politique sur une directive concernant certains aspects de l’organisation du temps de travail dans le secteur de la navigation intérieure. Il s’agit de donner un effet légal à l’accord conclu en février 2012 avec les partenaires sociaux du secteur, à savoir, du côté des employeurs, l’Union européenne de la navigation fluviale (EBU) et l’Organisation européenne des bateliers (OEB) et, du côté des travailleurs,  la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF). La Commission avait mis la proposition législative découlant de cet accord sur la table en juillet dernier. Comme l’a souligné Marianne Thyssen, à l’issue de la réunion du Conseil, il s’agira ainsi du premier accord conclu entre partenaires sociaux qui sera mis en œuvre depuis 2010.

L’accord établit des prescriptions minimales concernant le temps de travail sur les navires de transport de passagers et de marchandises. L’accord prévoit que le temps de travail ne pourra, au total, excéder 48 heures par semaine. Mais, au vu des spécificités du secteur, où les horaires peuvent varier en fonction des chargements et déchargements, parfois au cours de la nuit, il est aussi prévu que la moyenne sur douze mois pourra être prise en considération. Par ailleurs, le temps de travail de nuit ne pourra, au total, excéder 42 heures par semaine, tandis que les travailleurs auront droit à au moins quatre semaines de congé payé par an, ainsi qu’à des examens de santé annuels. Enfin les travailleurs auront droit à au moins dix heures de repos par jour.

Le texte contient une clause autorisant les Etats membres à maintenir les dispositions plus favorables que celles existant dans l’accord. Pour autant, l’Agence Europe précise que cet accord n’a pas fait l’unanimité au Conseil, certains trouvant la directive "disproportionnée" au vu des spécificités nationales dans ce secteur. Plusieurs Etats membres se sont demandé s’ils devraient transposer une directive ne les concernant pas. Marianne Thyssen leur a assuré que la Commission prendra en compte le critère géographique et des dérogations seront possibles.

En dehors de ces trois accords, les ministres ont eu un grand nombre de débats.

Investir dans l’emploi des jeunes - Pour Claude Meisch, "chaque jeune a un vécu différent et doit donc être pris en charge d’une manière différente"

Les ministres de l’Emploi ont ainsi eu un échange de vues au sujet de l’emploi des jeunes, un débat qui s’est tenu en présence des ministres de l’Education nationale du trio de la présidence du Conseil qui réunit Italie, Lettonie et Luxembourg. Le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du Luxembourg, Claude Meisch, y a donc participé.

La discussion s’est articulée autour de trois grands sujets : faciliter la transition des jeunes de l’école vers le travail, les défis liés à la mise en place de la garantie pour la jeunesse et enfin les moyens d’améliorer l’adéquation entre le marché du travail et les systèmes d’éducation et de formation.

"Les données concernant le chômage des jeunes sont sans précédent et requièrent des actions ciblées qui ne passeront pas que par des politiques en faveur de l’emploi, mais aussi par une adéquation des politiques familiales ou encore du logement", a déclaré Nicolas Schmit. "Le Luxembourg s’est engagé dans une coordination des différentes politiques à plusieurs niveaux afin de créer des synergies entre les actions et les mesures en faveur des jeunes", a souligné le ministre luxembourgeois en notant que l’échange des bonnes pratiques entre États membres a contribué de manière substantielle à la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse.

Lors de son intervention, Claude Meisch a évoqué l’effort substantiel que les écoles sont amenées à entreprendre afin de répondre aux exigences modernes et aux changements rapides de nos sociétés. Dans ce contexte, il s’agit selon lui de réconcilier les intérêts des jeunes avec les besoins du marché du travail actuel. La promotion des connaissances dans les domaines des nouvelles technologies de communication, de la science et de l’ingénierie est donc indispensable à ses yeux.

D’autre part, a plaidé le ministre, le dialogue social avec les jeunes joue un rôle essentiel pour trouver - ensemble avec les jeunes - des pistes d’action à creuser par les acteurs publics responsables, telles que la promotion et la diversification de l’entrepreneuriat des jeunes ainsi que le démontage de stéréotypes négatifs sur certains métiers.

Vus les besoins particuliers et les compétences linguistiques très variées des jeunes, il est indispensable de donner un soutien individualisé à chaque apprenant et demandeur d’emploi, estime le ministre luxembourgeois. Selon Claude Meisch, «chaque jeune a un vécu différent et doit donc être pris en charge d’une manière différente.»

Examen annuel de la croissance 2015 - Romain Schneider plaide pour que le semestre européen renforce l’économie sociale de marché

 Les ministres ont aussi mené un échange de vues à propos de l’examen annuel de la croissance 2015, et plus précisément au sujet du rapport conjoint sur l’emploi et du rapport sur le mécanisme d’alerte. Ces documents ont été présentés par la Commission le 30 novembre dernier, à l’occasion du lancement du semestre européen 2015.

"La modernisation des systèmes de protection sociale et de soutien du marché du travail constitue un élément clé qui requiert des investissements adéquats", a noté Romain Schneider, ministre de la Protection sociale qui représentait le Luxembourg dans cette discussion. Le ministre luxembourgeois a plaidé pour l’investissement dans les infrastructures sociales, et plus spécifiquement en matière de logement, l’objectif étant d’assurer un accès à logement pour tout citoyen.

Romain Schneider, qui salue le fait que la Commission propose de donner rôle plus politique du semestre européen, estime que cela devrait renforcer  l’économe sociale de marché.

La prise en compte d’indicateurs en matière sociale et d’emploi dans la gouvernance macroéconomique devrait permettre de mieux comprendre et suivre l’évolution et les risques sur le marché du travail et dans le domaine social, estime par ailleurs le ministre luxembourgeois qui a donné son soutien à l’idée d’analyser d’impact social des mesures structurelles. Mais, a-t-il mis en garde, les outils appropriés sont nécessaires, et il s’est exprimé de ce fait pour l’organisation d’un Conseil conjoint EPSCO et ECOFIN afin de mieux coordonner les politiques respectives dans le cadre du Semestre européen.

Représentativité des femmes dans les conseils d’administration - Les ministres ne parviennent pas à un accord malgré les propositions de compromis de la présidence italienne

Les ministres ont discuté du projet de directive visant à améliorer l’égalité des genres dans les conseils d’administration des sociétés cotées en bourse. Mais ils n’ont pu parvenir à un accord sur ce projet qui suscite la polémique depuis que la Commission l’a mis sur la table en novembre 2012. L’idée est d’introduire un objectif quantitatif de 40 % d’ici 2020 pour ce qui est de la proportion de femmes dans les conseils d’administration de ces entreprises.

Dans son souci de parvenir à un compromis sur ce projet qui divise, la présidence italienne proposait d’introduire une clause de flexibilité permettant aux Etats membres de "poursuivre les objectifs de la directive par les moyens de leurs choix". Le projet italien définit différents scénarios afin de garantir "une effectivité équivalente". Autre compromis proposé par la présidence italienne, une extension des deadlines de mise en œuvre et de suivi, à commencer par un délai de transposition étendu à trois ans après l’entrée en vigueur du texte.

Congé maternité – Le projet, toujours dans l’impasse, risque d’être retiré par la Commission européenne dans le cadre du programme REFIT

Les ministres ont aussi été informés des dernières évolutions concernant le projet de directive sur le congé maternité. Dans ce dossier qui est en souffrance depuis 2008, date de la proposition de la Commission, le Parlement a adopté sa position en octobre 2010, sans qu’il soit depuis possible d’avancer. Le dernier rapport sur l’état d’avancement des travaux remonte à décembre 2011.

La Commission proposait de porter la durée minimale du congé maternité de 14 à 18 semaines, tandis que le Parlement entend pour sa part porter le congé maternité à 20 semaines, avec l’intégralité du salaire.

La présidence italienne du Conseil avait déclaré vouloir relancer ce projet en juillet 2014, lors d’un débat en séance plénière au Parlement européen, et ce notamment du fait que la Commission envisage de retirer la proposition dans le cadre de son programme d'allégement administratif, le programme REFIT.

La présidence dit avoir "tenté de rouvrir les discussions avec le Parlement nouvellement élu". Mais, notent les conclusions, les discussions au Conseil ont montré que les 20 semaines intégralement payées sont "inacceptables" aux yeux du Conseil et constituent "une base irréaliste pour des discussions ultérieures". La présidence recommande donc au Parlement européen de "faire un premier pas pour fournir une base de négociation acceptable", et ce alors que le Conseil n’a jamais arrêté de position.

L’Agence Europe rapporte que la commissaire européenne aux Droits fondamentaux, Vera Jourova, a déclaré aux ministres que, s'il n'y a "aucun signe concret de progrès - et c'est ce scénario qui se dessine pour l'instant - la Commission appliquera REFIT et retirera sa proposition". Selon elle, le seul moyen concret de faire aboutir ce projet de directive est d'amener les co-législateurs à "entamer des négociations dignes de ce nom".