La question de l’image du Luxembourg dans l’Union européenne conduit comme un fil d’Ariane à travers la Déclaration du Gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays que le Premier Ministre, Ministre d'État, Xavier Bettel a faite le 5 mai 2015 à la Chambre des Députés. D’emblée, l’UE, mais aussi l’OCDE et le FMI ont été pris à témoin par Xavier Bettel pour corroborer l’idée que "nous sommes sur la bonne voie" en termes d’économie, de finances publiques, de systèmes de protection sociale, d’école, de société, et même en ce qui concerne "notre réputation à l’étranger".
Les efforts pour atteindre l’équilibre budgétaire et les réformes initiées avec le "Zukunftspak" commencent à porter leurs fruits selon Xavier Bettel. L’excédent budgétaire de 289 millions d’euros, 197 millions d’euros de plus que prévus, un déficit de l’administration centrale de 502 millions, 120 millions de moins que prévus, rapprochent le Luxembourg de ses objectifs. Pourtant, l’investissement public a augmenté de 2013 à 2014 de 12 %, ayant pu profiter d’une baisse des frais de fonctionnement et d’une hausse des recettes.
Sous l’angle des investissements dans le futur, Xavier Bettel a mis l’accent sur l’école, "un facteur essentiel et donc au centre de la politique gouvernementale". Il souhaite une école qui voie loin dans le futur et soit "assez flexible pour tenir compte des spécificités de notre pays". Dans ce contexte, "un signal important est la création d’une école européenne publique à Differdange" destinée aux familles dans lesquelles la langue vernaculaire n’est pas le luxembourgeois et aux jeunes qui se préparent à des études dans l’espace culturel anglophone. Procéder ainsi est une manière de mettre en avant la griffe particulière du pays, de faire du "nationbranding", une démarche par laquelle "nous voulons nous présenter comme un pays qui pense le futur et agit pour le futur".
Le Premier ministre a évoqué l’affaire Luxleaks comme un "obstacle" aux efforts "pour soigner notre image à l’extérieur et de la développer" qui "a nui à l’image de notre pays et nous coûtera un gros effort pour recoller ou remplacer la porcelaine brisée". Il s’agira désormais d’un côté d’expliquer que le Luxembourg a d’autres atouts que sa fiscalité, et d’autre part de développer "une approche plus transparente pour la fiscalité des entreprises qui s’installent au Luxembourg". Sur ces questions de transparence et de lutte contre les abus, "le Luxembourg prendra une position de leader dans le cadre d’initiatives européennes", a promis Xavier Bettel, qui compte sur le fait que le Luxembourg disparaîtra au cours de l’année 2015 des "listes noires et grises", notamment du Global Forum de l’OCDE qui est en train de réévaluer sa situation après les adaptations récentes qui ont été opérées.
Dans sa déclaration, Xavier Bettel a également présenté l’ouverture du droit de vote actif aux étrangers vivant au Luxembourg qui le désirent à condition qu’ils aient résidé depuis 10 ans et participé soit à un scrutin communal soit à un scrutin européen, une question posée lors du référendum du 7 juin 2015, comme un autre moyen de faire du Grand-Duché un "pays de référence en Europe, quand il s’agit d’intégrer ces personnes qui sont venues s’installer chez nous pour y travailler et y payer leurs impôts, qui élèvent leurs enfants chez nous et participent à la vie culturelle". Il a qualifié ce droit de vote "d’atout qui sera aussi porté hautement à crédit au Luxembourg en tant que site économique", voire "d’atout qui fera la différence face à d’autres pays qui ont eux aussi de nombreux et bons arguments pour convaincre des entreprises d’investir sur leur sol et d’y créer des emplois".
La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE sera selon le Premier ministre un temps au cours duquel le Luxembourg pourra particulièrement "prouver sa capacité de jeter des ponts". Ce sera une Présidence "pour les citoyens, pour la croissance et pour l’investissement, pour l’innovation et le développement durable". Les plus de 500 millions de citoyens de l’UE seront "placés au centre", car "nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à perdre l’intérêt et le soutien des gens, mais nous devons concentrer toutes nos énergies à rétablir la confiance dans ce projet de paix unique qui a pris son cours il y a plus de soixante ans avec la participation du Luxembourg". Le fait que le Luxembourg est un pays fondateur lui confère "un rôle particulier quand il est question des valeurs qui nous unissent tous", et de citer la liberté, la paix, la protection, la sécurité et des droits. L’espoir, la perspective d’un meilleur futur, la relance de l’économie et du marché du travail, la lutte contre le chômage, de nouveaux investissements respectueux de l’environnement et de la cohésion sociale ont été autant de points invoqués dans ce contexte.
Xavier Bettel a mis ensuite l’accent sur la mise en œuvre de la feuille de route pour renforcer la compétitivité de l’industrie de l’UE qui sera à l’ordre du jour de la Présidence. Il s’attend à de "nouvelles discussions" sur l’utilisation des ressources naturelles, sur des plans d’action sectoriels, notamment dans la sidérurgie, "où le Luxembourg aura à jouer un rôle actif pour renforcer la compétitivité européenne". Le Premier ministre a cité d’autres chantiers : le financement des PME, la mise en œuvre du programme d’innovation et de recherche "Horizon 2020", l’industrie spatiale européenne, "où le Luxembourg peut être une force motrice grâce à son expérience historique unique dans le domaine de l’industrie satellitaire".
Il s’agira par ailleurs au cours du prochain semestre de "combler sur le plan social les fossés qui se sont creusés ces dernières années en de nombreux lieux", a estimé le Premier ministre. D’où le soutien que la Présidence accordera à l’idée de la Commission européenne pour que l’UE garde "son triple A social". Il s’agira de faciliter aux jeunes la transition entre l’école et la vie active et de lutter "de manière plus décidée" contre le dumping social dans l’UE, une lutte dans laquelle le Luxembourg pourrait jouer "un rôle constructif" grâce aux expériences faites dans le cadre du Benelux.
Autre annonce : l’engagement du Luxembourg pour que la Commission européenne organise dans les mois à venir une conférence publique sur le TTIP qui permette aux syndicats, aux entreprises et à la société civile de discuter d’un accord transatlantique qui "doit être sorti de la chambre noire".
Xavier Bettel a ensuite abordé "la tâche difficile et énormément importante" qui sera celle du Luxembourg de représenter l’UE à la Conférence de Paris sur le changement climatique, la COP21, qui devra définir en décembre 2015 sous l’égide des Nations Unies les objectifs du développement durable après 2015. Ces objectifs, a expliqué le Premier ministre, devront être partagés par les pays industrialisés comme par les pays en voie de développement et ont déjà mobilisé depuis des mois les efforts de la Commission et du Parlement européen comme ceux du Luxembourg pour qu’un "engagement cohérent et ambitieux" puisse être atteint.
Finalement, la question des réfugiés et d’autres sujets d’actualité qui ne sont pas prévus par l’agenda pourrait exiger des efforts supplémentaires de la Présidence comme du pays, car, a déclaré le chef du gouvernement, "nous ne voulons pas fuir devant la responsabilité, mais nous préparer à accueillir nous aussi des gens chez nous".