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Protection des consommateurs - Santé
Conseil EPSCO - Après trois ans de négociations, les ministres de la Santé de l’UE ont adopté une position sur la modernisation de la législation concernant les dispositifs médicaux en vue d’entamer les négociations avec le Parlement européen
19-06-2015


Le ministre letton de la Santé Guntis Belevics, qui a présidé le Conseil EPSCO (Source : Conseil)Les ministres de la Santé de l’UE sont arrivés à s’accorder sur la modernisation de la législation concernant les dispositifs médicaux, lors d’un Conseil ESPCO le 19 juin 2015 à Luxembourg. Après trois ans de négociations qui achoppaient avant tout sur de nombreuses questions très techniques, le Conseil a adopté une orientation générale, indique un communiqué du Conseil, malgré bon nombre de "préoccupations" évoquées par les délégations qui soulignaient l’importance d’un "esprit de compromis". L’Allemagne a été le seul Etat membre à voter contre le texte qui servira de base pour entamer les négociations en trilogue avec le Parlement européen qui a déjà adopté sa position.

Le contexte

Pour rappel, le dossier date de septembre 2012 quand la Commission européenne avait proposé de nouvelles règles, à la lumière du scandale des implants mammaires PIP, afin de garantir la sécurité et la traçabilité des dispositifs médicaux en renforçant la surveillance et la certification. Il s’agissait aussi d’une révision générale d’une législation qui date de 1990 qui n’a donc pas suivi les progrès technologiques et scientifiques énormes réalisés au cours des vingt dernières années et d’harmoniser les règles que les Etats membres appliquaient de manière différente. Selon la législation actuelle, il n’est pas toujours possible de remonter jusqu’au fournisseur de dispositifs médicaux.

Les deux projets de règlement portaient sur les dispositifs médicaux ainsi que les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Mais faute d’un accord au Conseil en raison de nombreuses questions "techniques", le dossier avait été transmis par la Présidence italienne, qui avait la volonté de le finaliser, à la Présidence lettone lors du Conseil EPSCO de décembre 2014.

Les détails du compromis

Selon le communiqué, le Conseil s’est accordé sur un renforcement du contrôle de la désignation des organismes notifiés, qui procède à l'évaluation de la conformité des dispositifs médicaux. Par ailleurs, le Conseil veut renforcer la surveillance des évaluations effectuées par ces organismes. Les organismes notifiés auront le droit de faire des inspections d’usines inopinées. Le Conseil a encore formulé des dispositions explicites à l’égard des responsabilités des fabricants quant à la qualité et la sécurité de ces produits. Le Conseil s’est encore engagé à améliorer l’accès à l’information pour les patients en matière de traçabilité de produits, grâce à un système d’identification unique des dispositifs médicaux.

Le ministre letton de la Santé Guntis Belevics qui a présidé le Conseil, a affirmé lors de la session publique qu’il "était temps que le Conseil adopte une position sur les dispositifs médicaux pour entamer les négociations avec le Parlement européen" qui a déjà adopté sa position en avril 2014. Jugeant qu’il "ne faut pas créer une charge administrative qui entraverait le marché de l’innovation", il a appelé à "ne pas ouvrir la boîte de Pandore", rappelant que sa Présidence était la sixième à traiter le sujet et insistant sur le fait que les détails techniques pourraient être résolues lors des trilogues avec le Parlement européen.

Le commissaire européen en charge de la Santé, Vytenis Andriukaitis, a affirmé qu’une adoption rapide des propositions législatives est "vitale" pour la sécurité des patients ainsi que la compétitivité et l’innovation dans l’UE, en saluant les "efforts remarquables" de la Présidence lettone à aboutir à un compromis dans un dossier "aussi complexe" et les "progrès majeurs" faits ces derniers mois – un éloge répété par la plupart des délégations. Il a estimé que certains points de divergences pourraient être résolus ultérieurement, jugeant que "suffisamment de temps a été consacré aux questions techniques" et qu’il "faut avancer".

Les principaux points de divergences

Le commissaire a énuméré plusieurs sujets qui demandent encore à être développés et sur lesquels plusieurs délégations ont fait part de leurs préoccupations :

  • le retraitement de certains dispositifs à usage unique,

  • la prise en compte des produits esthétiques dans la législation,

  • le système d’identification unique des dispositifs médicaux,

  • l’évaluation des dispositifs à haut risque,

  • et l’extension des fonctions de la banque de données européenne sur les dispositifs médicaux (Eudamed).

La ministre luxembourgeoise de la Santé, Lydia Mutsch avec ses homologues belge et  hollondaise, respectivement Maggie De Block et Edith Schippers, lors du Conseil EPSCO du 19 juin 2015. (@ Union Européenne)Un des points de divergence le plus souvent évoqué par les délégations est l’article 15 sur les dispositifs à usage unique et leur retraitement dans la proposition de compromis. La France a appelé à améliorer la traçabilité de ces dispositifs retraités tandis que la Pologne a appelé à l’interdiction pure et simple du retraitement de ces dispositifs, jugeant que des "raisons économiques" ne devraient pas prévaloir sur la santé des patients. Plusieurs délégations ont par ailleurs fait état de leurs préoccupations quant à l’impact financier de la nouvelle régulation, notamment concernant le mécanisme de contrôle ("scrutiny mecanism"). Pour rappel, la Commission prévoit la création d’un groupe de coordination qui devrait contrôler les évaluations de dispositifs à haut risque réalisées par les organismes notifiés avant leur commercialisation.

Si l’Allemagne, le seul pays à s’opposer à l’orientation générale, a salué "d’énormes progrès" dans le dossier, elle a estimé que les consultations ne sont pas terminées et que de questions importantes restent ouvertes, notamment en matière de financement, de sécurité des patients et d’approvisionnement, qu’elle souhaite voir clarifiées avant le début des négociations avec le Parlement européen. Vu que ce dernier a déjà déposé beaucoup d’amendements, le Conseil devrait avoir une position "solide et aboutie". L’Allemagne a notamment critiqué le mécanisme de contrôle ("scrutiny mecanism") prévue dans les propositions, mettant en garde contre la création d’une nouvelle agence dont le financement ne serait pas assuré et de procédures d’évaluation trop coûteuses. L’industrie médicale ne doit pas être soumise à une charge administrative supplémentaire, a appelé l’Allemagne qui dénonce les "insuffisances" du compromis.

Le Luxembourg, à qui il incombera de préparer les négociations avec le Parlement européen sous sa Présidence, a félicité les présidences précédentes (lettone et italienne) de l’avancement du dossier. La ministre de la Santé Lydia Mutsch a jugé qu’une modification du cadre législatif est devenue "indispensable" au vu des scandales sanitaires successifs. "Les dispositifs à risque doivent répondre aux normes de sécurité et de performance plus strictes et que leur surveillance doit être renforcée", a-t-elle déclare, insistant sur la volonté du Luxembourg de faire aboutir les négociations soit durant la Présidence luxembourgeoise soit pour la Présidence hollandaise qui prendra son relai. La Présidence luxembourgeoise se focalisera au début à "l’élimination des incohérences techniques" dans les groupes de travail afin d’entamer les négociations avec le Parlement européen "le plus rapidement possible", a-t-elle conclu.

Les Etats membres appellent la Commission à présenter une nouvelle stratégie en matière d’alcool

Le Conseil a invité la Commission à mettre en route une nouvelle stratégie globale de lutte contre l’abus d’alcool, après que cette dernière avait annoncé, le 18 mai 2015, qu’elle n’avait pas l’intention de proposer une nouvelle stratégie, souhaitant plutôt s’appuyer sur la stratégie actuelle en matière d’alcool datant de 2006 et qui a expiré en 2013. Un appel déjà lancé par la majorité des États membres lors de la réunion informelle des ministres de la Santé en avril 2015. Le Parlement européen avait lui aussi appelé la Commission, dans une résolution adoptée le 29 avril 2015, à "commencer immédiatement les travaux sur la nouvelle stratégie en matière d'alcool de l'UE (2016-2022)" et dans laquelle il avait appelé la Commission à présenter jusqu’en 2016 une proposition législative sur l’étiquetage de la teneur calorique.

Lors d’un briefing national à l’issue du Conseil, la ministre luxembourgeoise Lydia Mutsch a rappelé sa position en faveur d'une action au niveau européen dans la lutte contre l'abus d'alcool, surtout en relation avec les aspects transfrontaliers comme le marketing, la publicité, la vente par Internet. "Aujourd'hui, tous les Etats se sont prononcés sur le sujet", a indiqué la ministre, ce qui prouve selon elle que "le sujet les intéresse". "Les Etats font pression sur la Commission pour que ce point soit remis en route, estimant qu’il faut un nouveau plan européen en matière d’alcool", a souligné la ministre. Et d’annoncer que le Luxembourg entend thématiser le sujet pendant la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE.

Malgré ce plaidoyer du Conseil, le commissaire Vytenis Andriukaitis a indiqué, lors de la conférence de presse qui a suivi le Conseil, que la Commission n’avait pas encore décidé "à ce stade" quelle voie elle allait prendre, sachant que la politique en matière d’alcool "relève de la responsabilité des Etats membres". "Je demeure néanmoins confiant qu’ensemble, nous trouverons le meilleur chemin pour coordonner nos efforts sur l’abus d’alcool", a précisé le commissaire.

Les priorités de la Présidence luxembourgeoise

Enfin, le Luxembourg a présenté les priorités en matière de santé de la future Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, qui, selon Lydia Mutsch, seront "sous le signe du patient et de l’innovation". Un sujet qui combine très bien patient et innovation, c’est la médecine personnalisée, indique la ministre.

Un autre sujet prioritaire de la Présidence luxembourgeoise sera la démence, "surtout en ce qui concerne l’accompagnement du patient après le diagnostic et la prévention secondaire", a ajouté Lydia Mutsch.

La Présidence luxembourgeoise entend aussi faire le point avec la Commission sur la mise en œuvre de la directive sur les soins de santé transfrontaliers, deux ans après le délai de transposition, sur base du rapport d’implémentation de la Commission.

La Présidence luxembourgeoise a l’intention de faire le point sur les enseignements tirés de la manière dont la crise Ebola a été gérée, à l’occasion d’une grande conférence qui sera consacrée au sujet, organisée de concert avec la Commission. Plusieurs dossiers en matière de sécurité alimentaire seront également abordés, a encore dit la ministre.

D’autres points

Les ministres ont eu un débat sur l’aspect sanitaire de la problématique des réfugiés. Plusieurs Etats membres ont appelé à prendre en compte cet aspect dans l’agenda en matière de migration – un sujet qui avait déjà était à l’ordre du jour d’un Conseil informel en avril 2015.