Le 22 juin 2015, l’ONG Greenpeace a donné une conférence de presse afin de présenter ses priorités en vue de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE. L’ONG estime qu’au cours de sa Présidence, le Luxembourg peut jouer "un rôle décisif" dans les questions environnementales et celles liées au commerce international.
Parmi les sujets importants évoqués par Jorgo Riss, directeur du département Europe de Greenpeace, Martina Holbach et Roger Spautz, chargés de compagne chez Greenpeace Luxembourg, figurent la conférence internationale sur le changement climatique de Paris (COP21), le "programme pour une réglementation affûtée et performante" (REFIT), et les accords de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP) et le Canada (CETA).
"La Présidence luxembourgeoise est extrêmement importante pour nous", a déclaré Jorgo Riss, espérant que le gouvernement luxembourgeois fera du climat "une véritable priorité de sa Présidence". "La Présidence luxembourgeoise aura une influence sur l’issue positive ou négative de plusieurs dossiers fondamentaux" en matière de protection de l’environnement, a-t-il précisé.
Pour Jorge Riss, l'UE doit promouvoir la protection des forêts, des objectifs ambitieux pour les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la réduction des gaz à effet de serre, dans le cadre des négociations internationales sur le changement climatique.
Dans ce contexte, Greenpeace exhorte la Présidence luxembourgeoise à s'assurer que, durant les préparations de la Conférence de Paris, l’UE soutienne :
Greenpeace appelle la Présidence luxembourgeoise à s'assurer que le futur système de gouvernance de l’UE pour les énergies renouvelables prévu pour 2030, garantisse que tous les Etats membres contribuent "dans une juste mesure" à l’objectif minimum obligatoire convenu de 27 %. "La gouvernance de l’UE pour les énergies renouvelables doit être intégrée dans la législation de l’UE de manière à garantir la légitimité, la responsabilisation et la transparence de cette dernière", lit-on dans le communiqué de Greenpeace. "Des objectifs indicatifs pour les États membres seraient utiles pour mesurer leur progrès afin d’atteindre et de dépasser l'objectif de l'Union Européenne", précise l’ONG.
Greenpeace préconise par conséquent que la Présidence mette la question à l'ordre du jour de la réunion informelle des Ministres de l'Energie et de l'Environnement. Pour Martina Holbach, le Luxembourg doit en outre veiller à ce que la politique énergétique et celle liée à la protection du climat ne soient pas traitées d’une manière séparée. " Si la politique énergétique est limitée à la gestion de l’acheminement de gaz en Europe, elle n’est pas productive", a-t-elle souligné, avant d’appeler le gouvernement luxembourgeois à veiller à ce que ces dossiers qui ont trait au climat et à l’énergie soient gérés "d’une manière cohérente".
Martina Holbach s’est félicitée des déclarations faites le jour même à la Süddeutsche Zeitung par le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, qui avait indiqué qu’il n’était pas "prêt à mourir pour le TTIP", dont les négociations auraient selon lui "peu de chances d’aboutir" au cours de la Présidence luxembourgeoise.
Pour ce qui est précisément des négociations du TTIP, les représentants de l’ONG ont appelé la Présidence luxembourgeoise à garantir la cohérence et la transparence du processus. La Présidence luxembourgeoise devrait également veiller à ce que les États membres ne trouvent pas d’accord concernant le CETA sans que la question du règlement des différends investisseur-État (ISDS) ne soit clarifiée.
"Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a brisé sa promesse de rendre le régime des OGM de l'UE plus démocratique", a déclaré Jorge Riss. Il se réfère notamment au règlement que la Commission a proposé le 22 avril 2015, qui prévoit plus de liberté de décision pour les États membres sur l'utilisation d'OGM dans l’alimentation humaine et animale. Un système "à la carte" déjà dénoncé par Greenpeace comme "une tentative de faire passer la responsabilité de l’UE aux Etats membres".
Dans ce contexte, Greenpeace demande à la Présidence luxembourgeoise de soutenir un débat ouvert sur la façon dont le régime d'OGM de l'UE peut être réformé afin que les gouvernements nationaux et le Parlement européen puissent mieux contrôler l’intention de la Commission d'autoriser des OGM indésirables. En outre, l’ONG propose que le gouvernement luxembourgeois élabore, de concert avec d'autres États membres, un document énumérant les options sur la façon dont le régime d'OGM de l'UE peut être renforcé. La Présidence devrait négocier ces options également avec le Parlement européen afin que les deux institutions puissent proposer conjointement une voie à suivre.
D’autres revendications de Greenpeace ont trait au programme REFIT relancé par la Commission européenne en mai 2015, un programme que l’ONG qualifie, comme de nombreuses autres organisations, de "déréglementation". Jorgo Riss critique le fait que, dans son programme, la Commission demande au Parlement européen et au Conseil de se conformer à ses priorités politiques et de s’engager à respecter un ensemble de nouvelles procédures qui pèseraient encore plus sur les deux co-législateurs quand ils proposent des amendements aux propositions de la Commission. "Ce programme aurait ainsi comme conséquence le fait que moins d’amendements en matière d’environnement, de sécurité alimentaire et de santé pourraient atteindre la Commission", craint Jorgo Riss.
Greenpeace estime en outre que ce "mieux légiférer" dans la pratique est susceptible de ralentir le processus de prise de décision et se traduit par "des fardeaux réglementaires superflus, qui modifieront l'équilibre institutionnel de l'UE et interféreront avec le processus démocratique".
Dans ce contexte, la Présidence luxembourgeoise devrait rejeter la tentative de la Commission d’augmenter son pouvoir institutionnel vis-à-vis du Parlement européen et du Conseil et rejeter toute proposition de la Commission de créer un "comité indépendant" pour évaluer l'impact des modifications apportées par le Parlement européen et le Conseil.
Greenpeace dénonce le fait que ces propositions ne prennent pas en compte le développement durable comme priorité essentielle de l'UE et n'incluent pas l'environnement, autre que le changement climatique, parmi les questions de haut niveau. Aussi, l’ONG espère qu’à l’occasion de l'adoption des objectifs de développement durable prévue cet automne la Présidence luxembourgeoise veillera à ce que le paquet législatif ouvre la voie à "un réalignement des priorités de haut niveau de la Commission" afin de "mieux refléter les questions environnementales et de durabilité".
Greenpeace porte l’attention sur le fait que le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), l'agence de l'Organisation mondiale de la Santé, a récemment classé le pesticide glyphosate comme "probablement cancérogène pour l'homme". Et de préciser que le glyphosate est l'herbicide le plus couramment utilisé en Europe et qu’il a été trouvé dans les sols, les eaux, et la nourriture, en même temps que son principal métabolite l'AMPA.
Or, à l'heure actuelle, "il n'y a aucune surveillance systématique mise en place pour déterminer l'exposition humaine et les impacts sur la santé humaine", note l’ONG. L'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a procédé à une révision des études existantes concernant la sécurité du glyphosate et devrait publier un avis dans les prochains mois, précise Greenpeace.
"Vu l’incertitude scientifique concernant les impacts du glyphosate, la nécessité d’appliquer le principe de précaution et les récentes initiatives de plusieurs pays européens pour l’interdire", Greenpeace préconise que la Présidence luxembourgeoise mette à l’ordre du jour d’un Conseil Environnement la décision concernant une interdiction européenne de certains usages du glyphosate.
Enfin, Greenpeace appelle le Luxembourg, qui dirigera les négociations annuelles sur les quotas de pêche fin 2015, à ne pas se laisser influencer par d’autres pays européens actifs dans la pêche et à s’assurer que les exigences de la politique commune de la pêche (PCP) soient systématiquement respectées et appliquées aux décisions de fin d’année concernant les quotas.
"La politique de la pêche n’est certes pas un dossier qui concerne directement le Luxembourg, mais ceci ne doit pas l’empêcher d’adopter une position forte afin de protéger les océans", a indiqué Roger Spautz.