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Programme pour une meilleure règlementation – Inquiètes d’un possible démantèlement des législations essentielles de l’UE, une cinquantaine d’ONG créent un Observatoire du "Mieux légiférer"
19-05-2015


Logo de l'Observatoire du "Mieux légiféré" créé par un réseau d'une cinquantaine d'ONG (source: Corporate observatory Europe)Les propositions de la Commission européenne dans le cadre de son "programme pour une meilleure réglementation", présentées le 19 mai 2015, inquiètent les organisations de la société civile qui le font savoir. Alors que beaucoup craignent que sous le couvert du "Mieux légiférer" se cache en réalité une volonté de déréglementation au détriment de la protection de l'environnement, de la santé et de la sécurité des citoyens européens, une cinquantaine d’ONG se sont donc réunies pour établir un Observatoire du "Mieux légiférer" (ou Better regulation Watchdog en anglais) en vue de surveiller les actions de la Commission en la matière.

Ce réseau, lancé officiellement à Bruxelles la veille de la présentation de la Commission, le 18 mai 2015, se compose d’un grand nombre de groupes de défense d’intérêt public, notamment des organisations de consommateurs, de protection de l’environnement, de développement, des organisations sociales et de santé publique, des organisations pour la régulation financière, ainsi que des syndicats. On y retrouve ainsi entre autres Friends of the Earth Europe, Finance Watch, Corporate observatory Europe, le Mouvement écologique luxembourgeois, le Bureau européen de l'Environnement (BEE), le Bureau européen des consommateurs (BEUC) ou la Fédération syndicale européenne pour le secteur des services (UNI Europa).

Comme l’indique son manifeste de lancement, la création du réseau se veut ainsi une réponse aux tentatives de la Commission européenne de supprimer, à travers l’initiative "Mieux légiférer", ce qu’elle considère comme des obstacles réglementaires. Dans ce contexte, les ONG craignent en effet que les initiatives de la Commission ne conduisent à un affaiblissement, voire d'un démantèlement, de législations essentielles de l'UE, ainsi qu’à subordonner l'intérêt général aux intérêts privés, en particulier à ceux des grandes entreprises. Or, les membres du réseau se disent au contraire "unis par la même volonté de construire une Europe solidaire et compétitive basée sur la durabilité économique, sociale et environnementale", peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé sur le site de la plupart des ONG membres.

Concrètement, le réseau examinera les démarches entreprises dans le cadre de l’initiative "Mieux légiférer" afin d’identifier des risques potentiels pour les futures normes sociales et en matière de travail, d’environnement, de consommation, de réglementation financière et de santé publique. Il informera ensuite la société civile, les médias et les décideurs des risques encourus en la matière, à travers des débats publics notamment.

Et les préoccupations sont de nombreux ordres. Ainsi, dans un communiqué diffusé suite à la présentation des propositions de la Commission, Friends of the Earth Europe s’inquiète notamment :

  • de la création d'un 'comité indépendant d'examen de la réglementation' qui comptera parmi ses membres trois personnes extérieures à la Commission et sera doté d'un pouvoir de veto de facto avant que le Parlement et le Conseil n'aient leur mot à dire ;
  • de la mise en place d’un régime législatif allégé pour les PME et des exemptions d'office pour les microentreprises, ce qui débouchera nécessairement sur une protection moindre des citoyens et de l'environnement contre les impacts négatifs des activités de ces entreprises ;
  • des pouvoirs moindres pour le Parlement au profit de pouvoirs accrus pour les groupes de lobbying industriel, puisque la Commission veut s'assurer que les compromis politiques trouvés par le Conseil de l'UE et le Parlement européen soient soumis à une autre évaluation d'impact - une opportunité supplémentaire offerte de retirer de nouveaux éléments qui servent les intérêts de la société mais qui pourraient avoir des coûts pour l'industrie.

Paul de Clerck, de l'ONG Friends of the Earth Europe, estime ainsi que "cette réforme est davantage une opération de démolition que d'amélioration de la législation", lit-on dans le même communiqué. "La proposition de prétendue 'meilleure réglementation' consiste à introduire de plus en plus d'obstacles à l'élaboration de nouvelles normes dans les domaines de l'environnement, du travail, de la santé et la sécurité, qui protègent les citoyens [alors que] les nouvelles initiatives proposées risquent aussi d'affaiblir les normes existantes concernant l'alimentation, les produits chimiques et la biodiversité", poursuit-il.

L’affaiblissement du processus démocratique est une autre préoccupation mise en avant, alors que selon Paul de Clerck, "la Commission tente de soustraire le pouvoir aux parlementaires démocratiquement élus pour le donner à des experts proches de l'industrie", une critique d’ailleurs partagée par la Confédération européenne des syndicats (CES). Or, "nous savons d'expérience que les conseillers soi-disant indépendants se préoccupent uniquement des coûts pour les entreprises en ignorant les bénéfices pour la société. Une réglementation réellement meilleure doit protéger, au quotidien, les citoyens, les travailleurs et notre environnement, ni plus ni moins", martèle-t-il.

De son côté, l’ONG WWF a également critiqué le nouveau programme la Commission qui selon elle "perpétue son approche administrative 'à courte vue', centrée sur l'efficacité législative, aux dépens des priorités environnementales et sociales à long terme", lit-on dans un communiqué diffusé le 19 mai. Le WWF déplore aussi qu'avec ces propositions le Parlement et les Etats membres soient contraints de s'aligner sur les dix priorités politiques établies par la Commission 'Juncker' en limitant le pouvoir politique et en menaçant le débat démocratique.

"La Commission propose de mettre en place de plus en plus de contrôles pour l'évaluation d'impact et de réduire la charge administrative, en particulier pour les PME. Ce n'est pas mauvais en soi, mais ce qui manque dans cette recherche de l'efficacité, c'est une vision du cap poursuivi par l'Europe", déclare Tony Long, directeur du bureau européen du WWF, cité dans le communiqué. Selon lui, "cette réforme n'est pas à la hauteur de l'énorme complexité des défis environnementaux qui pèsent actuellement sur le monde" et l'examen en cours des directives "Habitats" et "Oiseaux" réalisé au titre du programme REFIT sera "un test pour savoir si la Commission entend promouvoir une meilleure réglementation ou un agenda de déréglementation qui ne dit pas son nom".