L'UE est en train d'affronter "la plus grave crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale (plus de 60 millions de réfugiés ou de déplacés internes de par le monde)", ce qui "exige un renforcement radical du système de migration de l'UE et une réponse coordonnée au niveau européen", dit la Commission dans son communiqué de presse. Elle y rappelle qu'elle a œuvré au cours des six derniers mois, "à une réponse européenne rapide et coordonnée", mettant sur la table toute une série de propositions destinées à doter les États membres des outils nécessaires pour mieux gérer l'afflux d'arrivées. Mais elle doit constater que "la mise en œuvre pleine et entière sur le terrain fait défaut" et que "l'établissement d'un système durable de gestion des migrations requiert bien plus d'efforts".
Dans sa communication au Parlement européen et au Conseil sur l'état d'avancement de l'agenda sur les migrations, elle demande aux chefs d'Etats participant au Conseil européen des 18 et 19 février 2016, de s'engager pour :
"Le second semestre 2015 a vu l'arrivée, par des moyens irréguliers, d'un nombre sans précédent de personnes sur le territoire européen. Les migrants qui ont besoin d'une protection doivent demander l'asile dans le premier pays de l'Union dans lequel ils posent le pied. Si besoin est, ils peuvent être relocalisés dans d'autres États membres afin de parvenir à une répartition plus équitable. Mais les migrants qui ne demandent pas l'asile ou ne remplissent pas les conditions pour en bénéficier doivent, avec rapidité et efficacité, être identifiés et renvoyés. La première des priorités aujourd'hui est de revenir à une gestion ordonnée des flux", a déclaré Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne.
"En vue de mieux gérer le flux de migrants et de sécuriser les frontières européennes, tous les États membres mettront en œuvre les engagements qu'ils ont pris, appliqueront strictement les règles européennes en matière d'asile et de contrôle aux frontières et apporteront le soutien nécessaire aux États membres les plus exposés", a dit Dimitris Avramopoulos, commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté.
La Commission a également procédé à l'état des lieux de la gestion de la crise des réfugiés en Italie et en Grèce. Contrairement au dernier exercice du genre effectué le 15 décembre 2015 qui avait constaté la lenteur de la mise en œuvre de l'approche des hotspots et du mécanisme de relocalisation, l'analyse réalisée le 10 février 2016 fait état de "progrès (…) dans toute une série de domaines". Il en est ainsi de l'amélioration du taux du relevé d'empreintes digitales, jugé comme un "élément central d'une gestion correcte du système d'asile". La part de migrants dont les empreintes digitales ont été saisies dans la base de données Eurodac est en effet passée de 8 % en septembre 2015 à 78 % en janvier 2016 pour la Grèce et de 36 % à 87 % pour l'Italie au cours de la même période. Néanmoins, "de nombreux délais n'ont pas été respectés et les engagements pris mettent du temps à se concrétiser", nuance toutefois la Commission européenne.
Pour ce qui est de l'approche des hotspots (soutiens sur le terrain pour l'enregistrement, l'identification des migrants, le recueil de témoignages des demandeurs d'asile, les opérations de retour), seul un des cinq hotspots prévus en Grèce est opérationnel. Le gouvernement grec a toutefois fait appel à l'armée grecque afin que l'échéance de la mi-février soit respectée. Une fois qu'ils seront entièrement opérationnels et équipés, les centres de crise en Grèce devraient être à même de relever les empreintes digitales d'environ 11 000 migrants par jour, soit un nombre nettement supérieur à la moyenne des arrivées enregistrées au mois de janvier, dit la Commission. Frontex a pour sa part déployé dans les îles des experts en documents afin qu'ils puissent détecter les documents frauduleux.
En Italie, seuls deux des six hotspots prévus sont en fonction. Une fois qu'ils seront entièrement opérationnels et équipés, les centres de crise en Italie devraient pour leur part être à même de relever les empreintes digitales d'environ 2 160 migrants par jour, soit un nombre nettement supérieur à la moyenne des arrivées enregistrées au mois de janvier.
Pour ce qui est de la relocalisation, elle a, au départ de la Grèce, démarré très lentement. À ce jour, seuls 218 migrants ont été relocalisés. Les États membres ont convenu que 66 400 personnes ayant besoin d'une protection internationale soient relocalisés. Mais 15 États membres seulement ont offert à la Grèce des places de relocalisation, pour un total de 1081 migrants, constate la Commission. Par ailleurs, 16 États membres ont désigné des officiers de liaison pour faciliter le processus sur le terrain.
Bien qu'elles aient débuté quelques semaines plus tôt que pour la Grèce, les relocalisations au départ de l'Italie restent encore largement en deçà du taux nécessaire pour atteindre l'objectif global de relocaliser, en deux ans, 39 600 personnes ayant besoin d'une protection internationale, constate la Commission. Au total, 279 candidats ont été relocalisés à ce jour, tandis que 200 demandes de relocalisation en suspens ont été transmises à d'autres États membres. À ce jour, seuls 15 États membres ont offert des places de relocalisation, s'engageant à accueillir 966 migrants au total, tandis que 20 États membres ont désigné des officiers de liaison pour faciliter le processus sur le terrain. "Le faible taux d'exécution est dû en grande partie au nombre limité de migrants éligibles au droit d'asile qui arrivent sur le territoire italien", explique le communiqué de presse.
Pour ce qui est des capacités d'accueil en Grèce, il manque encore 12 342 places par rapport aux 50 000 places que ce pays s'était engagé à créer en octobre 2015.
L'Italie est de son côté dotée d'un système d'accueil amplement suffisant pour répondre aux besoins de son régime d'asile. Cependant, les insuffisances sont criantes en ce qui concerne les centres de rétention avant l'éloignement, où seules 420 places sont disponibles contre les 1252 mentionnées dans la feuille de route présentée à la Commission européenne.
Depuis le début de 2015, la Grèce a procédé à 16 131 retours forcés et à 3 460 retours volontaires aidés de migrants économiques n'ayant pas droit à l'asile en Europe. "Cela reste insuffisant par rapport au nombre d'arrivées en 2015, soit plus de 800 000 migrants", juge la Commission européenne. Pendant ce même temps, l'Italie a procédé à plus de 14 000 retours forcés de migrants n'ayant pas droit à l'asile et a participé à 11 vols communs en provenance d'autres États membres, coordonnés par Frontex et affrétés pour le retour de demandeurs d'asile déboutés. Cela reste insuffisant par rapport au nombre d'arrivées en 2015, soit plus de 160 000 migrants.
En outre, la Commission a adopté une décision modifiant le programme "Sécurité pour le développement" en Italie pour la période 2007-2013 qui relève des Fonds structurels, en réorientant jusqu'à 124 millions d'euros du Fonds européen de développement régional pour cofinancer les actions entreprises par l'Italie pour secourir les migrants en mer.
Au vu des précédents chiffres de relocalisation, la Commission a écrit à l'ensemble des États membres afin de leur rappeler les obligations qui leur incombent en vertu des deux décisions de relocalisation et de les inviter à accélérer la mise en œuvre compte tenu de l'objectif clairement défini, à savoir fournir une aide d'urgence
"La relocalisation est un outil fondamental pour relâcher la tension que subissent les États membres soumis à une très forte pression, pour assurer une répartition plus juste des demandeurs d'asile à travers l'Europe et pour remettre de l'ordre dans la gestion des migrations", souligne la Commission européenne. Cela implique une coopération efficace entre les pays procédant à la relocalisation et les États membres d'accueil, ainsi que la volonté politique.
Alors que les contrôles aux frontières le long de la route des Balkans occidentaux se durcissent, il est probable que les pressions que ces décisions étaient censées soulager s'accroissent, rendant encore plus impérieux le besoin de solidarité.
La décision de relocalisation prévoit la possibilité d'adapter le mécanisme de relocalisation lorsque les États membres sont confrontés à d'importantes réorientations des flux migratoires, donnant lieu à un afflux soudain de ressortissants de pays tiers. Eu égard à la situation d'urgence à laquelle l'Autriche est actuellement confrontée, la Commission a proposé de suspendre provisoirement, pour un an, la relocalisation de 30 % du contingent de demandeurs attribué à l'Autriche. En décembre, la Commission avait déjà proposé de suspendre temporairement, pour un an, les obligations de relocalisation incombant à la Suède.
La Commission a, plus particulièrement, adopté une recommandation à l'intention de la Grèce concernant les mesures à prendre de toute urgence compte tenu de l'éventuelle reprise de certains transferts en vertu du règlement de Dublin. Depuis 2010-2011, les États membres ne peuvent plus procéder à des transferts vers la Grèce au titre du règlement de Dublin en raison de "défaillances systémiques" épinglées par la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne.
Malgré les progrès, notamment en termes de structures d'asile plus adéquates, la procédure d'asile en Grèce présente encore des points clés qui nécessitent des améliorations, notamment des capacités d'accueil et des conditions de vie des demandeurs d'asile, sur la garantie d'un accès effectif à la procédure d'asile, y compris aux recours, par des institutions pleinement opérationnelles, dotées de suffisamment d'effectifs et du matériel nécessaire pour examiner un nombre plus élevé de demandes.
"Il convient, dans le même temps, de tenir compte du fardeau qui pèse sur la Grèce compte tenu du nombre actuellement élevé de demandeurs d'asile", signale toutefois la Commission. "C'est aux autorités des États membres qu'il appartiendra, sous le contrôle de leurs juridictions et de la Cour de justice, de décider si elles jugent que les conditions préalables à une reprise limitée des transferts sont remplies". La recommandation demande à la Grèce de rendre compte de ses progrès en mars.
Le Collège a par ailleurs discuté de projets de recommandations à l'intention de la Grèce en vertu de l'article 19 ter du code frontières Schengen. Alors qu'il avait déjà été conclu, dans un rapport d'évaluation Schengen du 2 février 2016, que la gestion, par la Grèce, des frontières extérieures était défaillante, la Commission attend que le Conseil examine en ce moment les recommandations visant à remédier à ces graves manquements. "La stabilisation du système Schengen en recourant à ses mécanismes de sauvegarde est essentielle pour garantir la levée ultérieure de tous les contrôles aux frontières intérieures."
Le Collège des Commissaires a également étudié les actions entreprises pour concrétiser les engagements pris dans la déclaration adoptée lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux en octobre 2015. Ceux-ci impliquent les contrôles aux frontières, les capacités d'accueil et de gestion des flux de migrations entre les groupes de pays faisant face à une forte pression ces derniers mois.
La Serbie, la Slovénie, la Croatie et la Grèce, ont toutes quatre activé le mécanisme européen de protection civile. 15 Etats membres ont fait des offres d'assistance, qui n'ont pas permis de couvrir tous les besoins. Les pays concernés sont en train de créer 50 000 places d'accueil supplémentaires. Mais la capacité actuelle est toujours insuffisante. Il faut donc augmenter en toute urgence les capacités, dit la Commission.
Par ailleurs, le Collège des Commissaires constate que "ces derniers mois, les contrôles aux frontières le long de la route des Balkans occidentaux ont été réalisés sans coordination, résultant dans des mesures unilatérales qui ont débouché sur le calfeutrage des frontières, ce qui a produit un effet domino sur les pays en amont". À cet égard, la Commission a insisté sur l'importance d'enregistrer les migrants, sur la résilience des frontières et sur le renforcement des capacités d'accueil afin de garantir des solutions structurelles aux défis auxquels l'Europe est confrontée.
"Pour inverser cette tendance, il faut que les pays situés le long de cette route accélèrent la mise en œuvre des engagements qu'ils ont pris lors du sommet des dirigeants des pays des Balkans occidentaux et veillent à ce que les décisions prises soient parfaitement coordonnées et, le cas échéant, encadrées par le droit de l'Union", dit-elle. Plus important encore, tous les États membres doivent s'engager à ne plus "laisser passer" ceux qui manifestent leur volonté de demander l'asile ailleurs. Les migrants n'ayant pas besoin d'une protection doivent faire l'objet d'un retour rapide, dans le strict respect des droits fondamentaux de la personne humaine.
"Des frontières extérieures sûres constituent une condition sine qua non à la capacité de l'Union à préserver un espace libre de tout contrôle aux frontières intérieures." Le système Schengen laisse aux États membres une très grande souplesse dans les réponses qu'ils peuvent apporter à une situation qui évolue. Face à l'afflux sans cesse plus grand de migrants et de réfugiés, des États membres ont pris des mesures exceptionnelles de dernier recours, telles que la réintroduction temporaire de contrôles aux frontières intérieures, conformément aux dispositions du code frontières Schengen.
Dans ce même contexte, la Commission a fait savoir qu'elle est en train de procéder à l'envoi d'avis motivés dans neuf procédures d'infraction, et ce dans le cadre de son engagement, pris au titre de l'agenda européen en matière de migration, de faire de la mise en œuvre du régime européen d'asile commun une priorité. L'Allemagne et la Slovénie sont toutes deux concernés par deux avis motivés, tandis que l'Estonie, la Grèce, la France, l'Italie et la Lettonie sont elles aussi visées.
La Commission presse ainsi l'Allemagne, l'Estonie et la Slovénie à lui communique les mesures nationales prises pour transposer la directive sur les procédures d'asile. Une décision semblable a été prise à l'encontre de l'Allemagne en ce qui concerne la direction sur les conditions d'accueil.
La Commission poursuit également des mesures d'infraction contre la Grèce, la France, l'Italie, la Lettonie et la Slovénie pour leur manquement à communiquer les mesures pour transposer la directive relative aux résidents de longue durée.