La stratégie pour un marché unique numérique était à l’ordre du jour des ministres en charge des Télécommunications et de la Compétitivité réunis à Bruxelles le 26 mai 2016 au sein de deux formations du Conseil. La veille, la Commission européenne venait de proposer deux nouvelles initiatives visant à mettre en œuvre cette stratégie dont la présidence néerlandaise du Conseil a fait une priorité, ce qui explique le désir de voir les ministres de ces deux formations avoir une discussion conjointe sur la question.
Le déjeuner commun des ministres en charge des Télécommunications et de la Compétitivité, auquel ont participé, pour le Luxembourg, Xavier Bettel et Étienne Schneider, a permis notamment de discuter les nouvelles propositions sur le commerce électronique présentées la veille par la Commission européenne. Ce fut l’occasion pour le Premier ministre et ministre des Communications, Xavier Bettel, d’insister sur l’importance de mettre fin au géoblocage, y compris pour faciliter l’accès transfrontière aux contenus en ligne. Le Vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, Étienne Schneider, a fait part de son espoir "que les nouvelles règles nous permettront de vraiment en finir avec le cloisonnement du marché européen en 28 mini-marchés nationaux". "Nos consommateurs doivent avoir accès aux biens et services en ligne sans être discriminés en fonction de leur lieu de résidence", a souligné le ministre qui y voit "une grande chance de démontrer à nos citoyens que l’Europe est capable de s’attaquer à cette situation inacceptable".
Les services de presse du Conseil rendent compte des discussions en soulignant que de nombreuses délégations ont pointé comme essentielles les conditions propices à la mise en œuvre de cette stratégie. Les ministres ont ainsi insisté sur la nécessité d’agir rapidement pour saisir au plus vite tous les bienfaits de la numérisation. Ils ont aussi souligné la nécessité d’avancer sur toutes les initiatives du paquet législatif, en insistant notamment sur la nécessité de veiller à ce que la meilleure infrastructure possible soit en place pour que les innovations numériques puissent atteindre entreprises et consommateurs. Les ministres ont aussi mis l’accent sur la nécessité d’équilibrer les situations nationales divergentes de façon à obtenir des conditions de concurrence équitables au niveau européen. Ils ont aussi insisté sur l’importance d’accroître l’efficacité des programmes de soutien à l’innovation, tout en plaidant pour la mise en place d’un cadre réglementaire pérenne qui soit simple, efficace et offre la sécurité juridique.
Avant le Conseil, Xavier Bettel avait participé à un petit déjeuner regroupant les quatorze États membres ayant cosigné une lettre adressée à la présidence néerlandaise dans laquelle ils affirment leur vision ambitieuse d’un marché unique numérique européen.
Les ministres belge, britannique, bulgare, danois, estonien, finlandais, irlandais, letton, lituanien, luxembourgeois, polonais, slovène, suédois et tchèque plaident dans leur lettre en faveur d’un environnement réglementaire "simple, stable et transparent" qui permette aux entreprises de ne pas avoir à faire face à des obstacles injustifiés pour opérer librement au-delà des frontières comme elles le font dans leur pays d’origine. Les ministres appellent donc la Commission à baser ses propositions législatives sur les principes du "Mieux légiférer". Ils insistent sur la nécessité "d’un régime de protection des données cohérent et technologiquement neutre" et plaident pour "un renforcement du cadre pour l’innovation numérique et l’entrepreneuriat".
Les mêmes positions ont été développées lors d’un débat d'orientation des ministres en charge des Télécommunications portant sur le réexamen à venir de la réglementation de l'UE en matière de télécommunications, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique. L'objectif de la discussion était de fournir des orientations politiques à la Commission, qui devrait présenter des propositions pertinentes à cet égard au cours de l'automne. Xavier Bettel a souligné au cours du débat qu’il faut éviter de sur-réglementer. Il a appelé à favoriser le développement des jeunes entreprises innovatrices fournissant leurs services en ligne, tout en assurant une bonne protection des utilisateurs. "Le futur cadre réglementaire doit rester suffisamment flexible pour tenir compte des circonstances nationales et il doit respecter la neutralité technologique", a insisté le ministre luxembourgeois, cité dans un communiqué de presse diffusé à l’issue de la réunion.
Selon les services de presse du Conseil, au cours du débat, les ministres se sont entendus pour dire que les règles encadrant l’accès des opérateurs aux réseaux devraient être révisées de façon à accroître les investissements et à préserver la concurrence en Europe, ainsi qu’à établir des règles qui conviendraient à tous les types de régions de l’UE. Les ministres ont aussi souligné l’importance pour les Etats membres de pouvoir adapter la gestion du spectre radioélectrique aux circonstances nationales, tout en reconnaissant la nécessité de poursuivre la coopération et d’échanger les bonnes pratiques. En ce qui concerne la nécessité d’encadrer les services par contournement, qui ne sont pas encadrés par les règles actuelles, établies pour des services de communications électroniques traditionnels, les ministres ont plaidé pour une approche au cas par cas, tout en considérant que la protection des consommateurs pourrait être mieux garantie par une législation horizontale.
Les ministres en charge des Télécommunications ont par ailleurs salué l’entrée en vigueur prochaine de la directive sur la sécurité des réseaux et systèmes d’information qui avait fait l’objet d’un accord avec le Parlement européen sous Présidence luxembourgeoise. Ils ont aussi approuvé l’accord concernant la directive visant à rendre les sites internet ainsi que les applications mobiles du secteur public accessibles aux personnes âgées ou atteintes d’un handicap.
Les ministres se sont par ailleurs entendus sur la position que le Conseil va défendre lors de ses négociations en trilogue au sujet de la libération pour les services mobiles de la bande des 700 MHz, actuellement occupée par la télévision numérique. La bande 700 MHz, qui permet de grandes vitesses et une couverture étendue, serait rendue disponible pour les services à haut débit sans fil en Europe d'ici 2020. Les services de radiodiffusion conserveraient la priorité sur la partie de la bande de fréquences inférieures à 700 MHz jusqu'en 2030 au moins.
Après un échange de vue sur l’impact de la numérisation sur la productivité dans le cadre du check-up de la compétitivité, les ministres en charge de la compétitivité se sont entendus sur la position que le Conseil va défendre dans les négociations en trilogue sur la portabilité des contenus numériques.
Etienne Schneider voit dans cet accord qui va permettre aux consommateurs européens d’utiliser leurs abonnements aux contenus numériques lorsqu’ils se déplacent dans d’autres États membres de l’Union européenne "un premier pas vers un marché unique numérique". "Les nouvelles règles permettront aux consommateurs luxembourgeois d’avoir accès partout en Europe aux contenus numériques qu’ils ont achetés chez eux – que ce soient des films, de la musique ou des jeux online. C’est un pas important dans la bonne direction. J’espère que nous pourrons rapidement trouver un accord avec le Parlement européen", a déclaré Étienne Schneider, cité dans un communiqué de presse diffusé à l’issue du Conseil.
Les ministres ont aussi adopté des conclusions sur les technologies du marché unique numérique et la modernisation des services publics.
Après un débat d'orientation sur l'amélioration de la réglementation pour renforcer la compétitivité, le Conseil a adopté des conclusions sur ce sujet. Les conclusions portent sur quatre aspects essentiels, à savoir une législation à l'épreuve du temps et propice à l'innovation, l'analyse d'impact et la quantification des coûts et des avantages, les objectifs de réduction dans les domaines où la charge est particulièrement lourde et enfin l'amélioration de la réglementation et les PME. Ces conclusions préconisent notamment que la Commission européenne devrait tenir compte du "principe d’innovation en amont de toute modification du droit de l’UE ou des politiques européennes, c’est-à-dire évaluer l'impact potentiel de toute nouvelle initiative sur la recherche et l'innovation dans l'UE". Une idée qui n’a pas manqué de susciter le doute, si ce n’est l’inquiétude chez les syndicats. La Confédération européenne des syndicats (CES / ETUC) a en effet aussitôt réagir par voie de communiqué pour mettre en garde notamment contre toute mise en cause du principe de précaution qu’impliquerait une telle idée.
Enfin, les ministres se sont saisis de la question de la refonte de la directive sur le détachement des travailleurs au cours d’un débat qui a été l’occasion de répéter une nouvelle fois les positions de délégations pour les unes farouchement opposées à cette initiative, et pour les autres désireuses d’aller plus loin encore que ne le souhaite la Commission. Celle-ci se prépare à répondre au carton jaune brandi par les parlements de onze Etats membres à l’égard de cette proposition.
Le 27 mai 2016, le Conseil Compétitivité s’est poursuivi avec une réunion des ministres en charge de la Recherche. Le Luxembourg y était représenté par Marc Hansen, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Les ministres ont adopté des conclusions portant sur le 7e programme cadre et les perspectives futures, sur une réglementation propice à la recherche et à l'innovation (R&I) et sur la transition vers un système de science ouverte. Ce dernier sujet a par ailleurs fait l’objet d’un débat au cours duquel ils ont soutenu l'objectif de faire en sorte que la science ouverte, qui garantit un accès ouvert aux publications scientifiques, devienne la règle dans l'Union européenne à l'horizon 2020. Le président du Forum stratégique européen sur les infrastructures de recherche (ESFRI), John Womersley, a ensuite fait le point sur la feuille de route ESFRI 2016 et la Commission a fourni les premiers éléments de réponse à l’appel à propositions sur la mise en place d’un Conseil européen de l’innovation (European Innovation Council, EIC) qui a pour but de soutenir les innovateurs les plus prometteurs en Europe.