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Agriculture, Viticulture et Développement rural
Dix-sept Etats membres, dont le Luxembourg, demandent à la Commission européenne de ne pas assouplir les règles d’étiquetage et les normes de commercialisation des vins
13-07-2016


cepages-pinot-noir-source: vins-et crémants luxembourgLe 7 juillet 2016, à l'occasion d'une réunion de l'intergroupe Vin du Parlement européen, treize Etats membres ont adressé une note à la Commission européenne afin de lui demander de ne pas modifier les règles d'étiquetage concernent les appellations d'origine protégées du secteur viticole. Le Luxembourg figure parmi les signataires aux côtés des délégations d'Autriche, Chypre, Allemagne, Grèce, Espagne, France, Hongrie, Italie, Malte, Portugal, Slovénie et Slovaquie. Quatre autres Etats membres (Bulgarie, République tchèque, Roumanie et Croatie) se sont par la suite ralliés à l'initiative, portant à 17 le nombre d'Etats membres signataires, en date du 13 juillet 2016.

Le contenu de la note

Cette note a été rédigée à la suite d'une réunion du 20 avril 2016, durant laquelle la Commission Européenne avait présenté ses orientations au comité de l'organisation commune du marché (OCM) vin et au groupe d'experts qualité, sous la forme de deux textes d'application de l'OCM vitivinicole : un acte délégué sur les indications géographiques  et un acte d'exécution sur les normes de commercialisation.

"Compte tenu du rôle prégnant des indications géographiques dans la filière, les règles d'étiquetage des vins sont directement liées à la politique de qualité. Elles participent pleinement à la protection des vins de l'UE et donc à leur compétitivité. C'est pourquoi il convient de les conserver inchangées", arguent les Etats membres dans leur note, en demandant le maintien des spécificités du secteur vitivinicole. Ainsi, ils souhaitent le maintien :

  • de l'impossibilité d'étiqueter un nom géographique pour les vins sans indication géographique, établie à l'article 67§1 du règlement 607/2009 ;
  • de la protection des mentions traditionnelles et de l'indication de l'exploitation ;
  • de la réservation de certaines méthodes de production aux Appellations d'origine protégées (AOP) ou aux Indications géographiques protégées (IGP), telles que la fermentation en bouteille, la méthode traditionnelle, le crémant, la forme des bouteilles, etc. ;
  • du dispositif d'étiquetage temporaire qui permet l'entrée en vigueur des cahiers des charges dès leur transmission à la Commission européenne, et ce tant pour les nouvelles reconnaissances d'indication géographique que pour les demandes de modifications.

En ligne avec les objectifs d'amélioration et de simplification, les Etats membres demandent la réunion dans un texte unique, spécifique au secteur vitivinicole, de l'ensemble des règles d'étiquetage et de protection des indications géographiques. La séparation entre étiquetage et indications géographiques poserait problème pour de nombreuses dispositions qui s'articulent selon ces deux grands axes. Enfin, les délégations demandent  à la Commission européenne une "visibilité parfaite quant au calendrier d'adoption des textes, aux objectifs poursuivis et une cohérence importante entre les travaux des différents groupes".

Les intentions incertaines de la Commission européenne

Si les Etats membres émettent ce dernier souhait d'une ligne claire et lisible de la Commission européenne, c'est que depuis que fut connue, au mois de décembre 2015, l'intention du commissaire européen à l'Agriculture, Phil Hogan, de simplifier la règlementation née des réformes du vin de 2008 et de la PAC de 2013, les organisations professionnelles et les acteurs politiques proches du dossier ont été confrontés à une série d'informations contradictoires de la Commission européenne.

Les premiers textes de la Commission auxquels ont eu en partie accès les professionnels du secteur laissaient entrevoir une libéralisation des vins sans indication géographique, par la disparition dans le nouveau texte de l'interdiction qui est faite à leurs producteurs de mentionner une origine géographique plus petite que leur Etat membre. Selon le règlement de 2009, les producteurs de ces vins ne peuvent utiliser que deux mentions : l'État membre lorsque les raisins sont récoltés et transformés en vin sur ce territoire, la Communauté européenne lorsqu'ils résultent de mélanges. De plus, le texte semblait également supprimer les dispositions règlementant l'utilisation de bouteilles spécifiques réservées aux AOP, ainsi que le dispositif d'étiquetage temporaire que le traité de Lisbonne complexifiait.

Ainsi, par un communiqué du 3 février 2016, la Fédération européenne des vins d'origine (EFOW) critiquait la présentation par la Commission européenne de plusieurs actes délégués et d'exécution qui, destinés à simplifier la réglementation viticole, tendraient en fait à "réformer le secteur en catimini" et à revenir sur les équilibres des réformes de 2008 et 2013, en organisant le "démantèlement" du règlement 607/2009 sur les appellations d'origine et indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles et l'étiquetage, en les "éparpillant dans plusieurs textes", et en "oubliant" des dispositions sur les vins d'origine. L'EFOW avait souhaité que le Conseil et le Parlement exigent de la Commission qu'elle revoie ses méthodes de travail et qu'elle respecte les équilibres des réformes de 2008 et 2013.

Le 23 février 2016, au Parlement Européen, les députés de la Commission Agriculture et développement rural avaient relayé ces préoccupations, lors d'un échange avec la Commission Européenne sur le thème de la simplification dans le secteur viticole.

Le 8 mars 2016, le commissaire européen Phil Hogan avait finalement annoncé devant l'intergroupe vin du Parlement européen, le retrait des textes proposés par la Direction générale de l'agriculture. Il s'était engagé à ne pas remettre en cause les équilibres de la législation viticole européenne et avait déclaré que les adaptations prévues se feraient après un large tour de consultations. Il a ajouté que la Commission poursuivrait ses réflexions sur la simplification de la législation, sans préciser le calendrier et la méthode. "Je peux vous assurer que ce travail ne remettra pas en question le compromis politique atteint lors de la réforme de la PAC en 2013. (…) Il n'y a aucune intention de modifier les dispositions-clés pour la labellisation ou de saper un aspect spécifique du cadre légal sur la viticulture", avait-il dit selon des propos disponibles sur le site de la Commission européenne.

Cette position avait plu à l'EFOW qui appelait toutefois à la vigilance, échaudée par les négociations des dernières réformes du secteur vitivinicole qui avaient failli conduire à la suppression des droits de plantation. Or, le 20 avril 2016, les services de la Commission ont pris l'initiative de réunir des groupes de travail sur deux projets de texte, réveillant les craintes à peine apaisées et provoquant la note signée par dix-sept Etats membres au 13 juillet 2016.