Le 22 septembre 2016, la commissaire européenne en charge de l'Emploi, des Affaires sociales, des Compétences et de la Mobilité des travailleurs, Marianne Thyssen a annoncé le lancement de deux procédures d'infraction pour non-respect de la législation européenne en matière de circulation des travailleurs, visant au total dix-neuf États membres. Le Luxembourg est concerné dans les deux cas.
La première procédure concerne la directive adoptée en 2014, relative à l'application de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs (2014/67/UE). Cette directive doit fournir aux autorités nationales les outils efficaces pour distinguer le véritable détachement de travailleurs du détachement abusif. Il fournit les outils pour lutter contre les fraudes et le contournement des règles (notamment par les sociétés boîtes à lettres), pose des exigences aux entreprises concernées pour faciliter les inspections et organise l'échange d'informations et la collaboration entre Etats membres. Quinze Etats membres vont recevoir une lettre de mise en demeure, onze pays (à savoir la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, le Portugal, la Slovénie et l'Espagne) parce qu'ils n'ont pas du tout transposé cette directive dans leur droit national, alors qu'ils étaient tenus de le faire au plus tard pour le 18 juin, quatre (Estonie, Lituanie, Roumanie et Suède) pour ne l'avoir fait que partiellement.
Dans le cadre d'une table-ronde organisée le soir même du lancement de ces procédures d'infractions par la Chambre des salariés, au sujet de la révision de la directive "Détachement des travailleurs" et ses apports pour une Europe sociale équitable, le ministre luxembourgeois du Travail, de l'Emploi et de l'Economie sociale et solidaire, Nicolas Schmit, a fait savoir que le projet de loi (qui porte le numéro 6989) transposant la directive était pour l'heure entre les mains du Conseil d'Etat. Selon le rapport sur la transcription des directives européennes et de l'application du droit de l'Union, daté du 22 juin 2016, réalisé par le Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, le projet de loi a été déposé à la Chambre des députés le 11 mai 2016 et soumis à l'avis du Conseil d'Etat (sous le no 51.640) le 3 mai 2016.
La seconde procédure concerne la directive 2014/54/UE, du 16 avril 2014 relative à des mesures facilitant l'exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs, que les Etats membres devaient transposer pour le 21 mai 2016. Il s'agit de mesures qui doivent lever des obstacles à la libre circulation tels que les difficultés des travailleurs d'autres Etats membres d'obtenir des informations sur leurs droits et une assistance pour les appliquer, ou encore le manque de sensibilisation du public et des entreprises à ces question. Cette directive implique entre autres la nomination d'un organe national chargé de promouvoir le traitement équitable de ces travailleurs et de fournir une assistance. Douze Etats vont recevoir une lettre de mise en demeure pour non transposition, sept parce qu'ils ne l'ont pas du tout transposée (Portugal, Danemark, République tchèque, Estonie, Grèce, Chypre et Luxembourg), et cinq (Hongrie, Autriche, France, Lituanie et Roumanie) pour ne l'avoir transposée que partiellement.
Le rapport du Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes daté du 22 juin 2016 notait au sujet de la transposition de cette directive que "comme [elle] concerne bon nombre de départements ministériels, alors qu'elle ne couvre pas seulement le droit du travail des travailleurs concernés, mais également le droit à l'enseignement, à l'apprentissage et à la formation, le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux et l'accès au logement », une réunion de concertation allait être organisée dans le but « d'instituer un groupe interministériel réunissant tous les départements concernés afin de préparer un avant-projet de texte (modifiant les lois existantes) dans les meilleurs délais".
Dans une déclaration transmise à certains journalistes habitués à suivre ces dossiers, la commissaire européenne, Marianne Thyssen, a fait savoir qu'elle conçoit le lancement de ces procédures d'infraction "comme un moyen de maintenir la pression pour terminer le processus de transposition le plus tôt possible". Cette action s'inscrit au cœur de la stratégie « double » qu'elle dit poursuivre depuis le début de son mandat.
Elle entre dans le cadre du premier des deux piliers de cette stratégie, lequel consiste à œuvrer à l'application des règles existantes. "Vu que tous les États membres ont convenu de la nécessité de disposer d'instruments plus efficaces pour lutter contre les abus en termes de mobilité de la main-d'œuvre, je les appelle maintenant à faire usage des outils que nous leur avons donnés et à assurer que les autorités compétentes de leur pays, telles que les inspections du travail, disposent des instruments nécessaires pour faire leur travail", a déclaré la commissaire Marianne Thyssen, en lançant les procédures d'infractions.
L'autre pan de sa stratégie consiste à "revoir les règles en place, pour déterminer lesquelles pourraient être plus claires et plus justes" et l'a conduite, rappelle-t-elle, à sa proposition de révision ciblée faite le 8 mars 2016, et la conduira, assure-t-elle, à faire d'ici la fin de l'année une nouvelle proposition pour améliorer les règles de coordination des régimes de sécurité sociale.