La ville de Thionville va accueillir, du 2 au 26 novembre 2009, la première édition d’un festival citoyen et festif consacré aux frontières, aux hommes et aux relations compliquées qui les unissent ou les séparent.
Pendant trois semaines, Thionville entend donc s’inscrire sur la carte comme ville frontière, cité d’échanges et de rencontres, lieu de débats et de découvertes. Ce projet porté par la mairie, qui l’inscrit dans son ambition de faire de Thionville une ville écologique et solidaire, mobilise l’ensemble des acteurs culturels locaux, qu’ils soient institutionnels ou associatifs, et va même chercher des partenaires au-delà des frontières. L’objectif ? Bertrand Mertz, le maire de la ville, le résume en quelques mots : "proposer un programme de haute volée capable de susciter l’intérêt du plus grand nombre".
Piloté par le géographe Michel Foucher, qui en préside le Comité scientifique et qui est l'auteur de très nombreux ouvrages de référence, le festival va convoquer artistes, universitaires de toutes les disciplines, gens de théâtres et de lettres, musiciens, femmes et hommes politiques, citoyens, réalisateurs de films et toutes sortes de passeurs afin d’interroger la notion de frontière.
Bien souvent synonyme de séparation, la frontière est aussi celle qui tous les jours, ou moins souvent, est franchie pour aller à la rencontre de l’Autre, ou encore pour aller travailler ou rêver selon l’humeur, les besoins et les possibilités. En bref, la frontière se fait aussi ressource, lieu d’ouverture, et c’est bien dans la richesse et la complexité de ce thème actuel s’il en est que Thionville entend puiser pour éclairer ce qui fait son quotidien et qui a marqué son histoire comme son espace. Son expérience de la transfrontaliarité, Thionville entend ainsi la partager, l’explorer pour devenir à plus long terme le lieu de rencontre et d’échange de référence sur la coopération transfrontalière.
Mais au-delà de ces problématiques et de ces projets à long terme, le festival Des Frontières et des Hommes entend bien inviter au voyage et à la découverte. Au programme, il y aura donc du cinéma, des concerts, du théâtre, des tables-rondes, des rencontres littéraires et des conférences. Le tout dans une ville habillée aux couleurs du festival et dans nombre de lieux conviviaux où l’échange sera possible.
Petit tour d’horizon d’un programme très riche.
L’Institut Pierre Werner (IPW), invité à concocter un programme de débats et de tables rondes sur un sujet qu’il a eu l’occasion de traiter à de maintes occasions, organisera, les 6 et 7 novembre 2009, 3 tables-rondes qui vont se focaliser sur la coopération transfrontalière. Une réalité que Michel Foucher considère comme un "laboratoire de l’européanité" et qui sera abordée ici dans un premier temps par les acteurs qui décident de la mettre en œuvre, les politiques, puis par les observateurs qui pourront en dresser un état des lieux, les géographes, et enfin par les opérateurs qui la mettent en pratique au quotidien.
Diffuser les savoirs et les rendre accessibles est une des missions premières de ce festival et 5 grandes conférences seront donc organisées pendant la durée du festival. Le géographe Michel Foucher abordera ainsi le 4 novembre la question du retour des frontières puis, le 13 novembre, il s’interrogera sur les frontières de l’Union européenne. Claire Rodier, juriste spécialisée sur les questions de migrations plaidera le 17 novembre pour une alternative à la fermeture des frontières européennes, tandis que Catherine Withol de Wenden abordera la question de la mondialisation des migrations internationales le 19 novembre. Jean-Pierre Liégeois, universitaire, interviendra pour sa part le 26 novembre, expliquant en quoi les Roms, connus comme des passeurs de frontières, sont aussi des interrogateurs de frontières.
Un colloque international se tiendra par ailleurs en marge du festival, du 5 au 7 novembre, au Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, à l’occasion du 350e anniversaire du Traité des Pyrénées.
Avec une sélection d’une trentaine de films, cultes pour certains, comme "Les ailes du désir" de Wim Wenders ou "Le regard d'Ulysse"" de Theo Angelopoulos, ou qui pour d’autres font l’actualité, le festival va proposer un large panorama d’un cinéma qui raconte la frontière du point de vue de ceux qui font le pas et passent "de l’autre côté". Un programme à suivre avec attention au Cinéma La Scala.
La 12e édition du festival du film documentaire Le Réel en vue organisée chaque année par le centre social et culturel Le Lierre aura pour thème "Frontières en mouvement, symboles et réalités". Du 16 au 21 novembre, 12 films documentaires entreront donc dans la compétition.
Et, parce qu’il est parfois bon de laisser parler les images, les expositions seront nombreuses tout au long du festival.
Le Musée de la Tour aux Puces proposera ainsi de parcourir les frontières dans le temps et dans l’espace au fil de cartes géographiques. Une exploration à poursuivre en découvrant les poteaux frontières qui marquaient la limite entre France et Allemagne entre 1870 et 1918 dans la collection de cartes postales constituée par l’instituteur thionvillois Gaston Schon.
Les organisateurs du festival ont invité les photographes Marie Dorigny et Patrick Bard à parcourir le pays des trois frontières et à livrer un portrait qui devrait nous surprendre de la région. L’exposition Frontières faites et défaites qui résulte de leur travail sera présentée du 4 au 15 novembre au Centre culturel Jacques Brel.
Et, parce qu’il ne pouvait être question de parler de frontière 20 ans après la chute du mur de Berlin sans s’interroger sur l’élargissement à l’Est de l’UE, les artistes Mark Roberts et Minna Rainio invitent à parcourir les 1200 kilomètres de frontières qui séparent la Finlande de la Russie à travers une installation vidéo présentée du 4 au 15 novembre salle Verlaine. Stéphane Moiroux et Grégory Marchand proposent, aux mêmes dates, mais dans l’espace Invitro, de parcourir, au fil de leurs photographies, le Danube, fleuve frontière. Sans oublier l’hommage facétieux fait à la Trabant devant l’hôtel de ville du 2 au 8 novembre…
La conférence théâtrale de l'historien de l'immigration Gérard Noiriel, ponctuée par les interventions de Chocolat, personnage inspiré du premier clown noir en France, sera l’occasion, le 5 novembre 2009 au Théâtre en Bois, d'une réflexion sur la construction des frontières raciales, sociales et juridiques.
Le programme musical a été composé sous le signe de la diversité des genres et des répertoires. Des musiciens comme Dimitri Maslennikov, Bojan Z, Ousman Danedjo ou encore André Mergenthaler, invités à l’Adagio, côtoient ainsi dans cette programmation des groupes punk ou folk venus animer les nuits thionvilloises à l’invitation de la Fédé ATré.
Un salon littéraire enfin fait la part belle aux écrivains voyageurs, à ces passeurs qui, en toute légalité, nous invitent à passer des frontières dont nous n’imaginions parfois pas même l’existence… Le week-end du 7 et 8 novembre, lectures, salon et bistrots littéraires permettront de rencontrer dans les cafés de Thionville des figures comme Nedim Gürsel, Olivier Rolin, Bernard Giraudeau, Marc Kravetz ou Jean-Paul Kauffmann.
Un de ces bistrots littéraires du dimanche 8 novembre sera par exemple consacré à une Europe des littératures et réunira Corina Ciocârlie, auteure d’une "Topographie littéraire d’une Europe des Frontières" et Claude Bouheret qui vient de publier un "Atlas littéraire des pays d’Europe centrale et orientale". Un autre réunira, à l’initiative de la Kulturfabrik, les auteurs luxembourgeois Lambert Schlechter et Nico Helminger, ainsi que le musicien de langue francique Jo Nousse autour des langues de la frontière.