Lors de sa visite officielle à Vienne, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a donné une interview qui a été diffusée le 15 juillet 2010 sur les ondes de la radio Ö1-ORF. En abordant la supervision des marchés financiers, il s’est déclaré favorable à davantage de possibilités de prendre des mesures européennes. Il pense que les pistes nationales seules ne peuvent pas faire face aux forces du marché. Le président de l’Eurogroupe a par ailleurs réitéré ses critiques à l’égard de certains acteurs des marchés financiers qui "font de nouveau la fête tandis que les contribuables doivent se serrer la ceinture". En ce qui concerne les tests de résistance des banques qui seront publiés le 23 juillet prochain, il a par ailleurs l’impression qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes catastrophes.
"Je m’oppose à l’impression que rien ne se serait passé", a déclaré le Premier ministre au journaliste Hartmut Fiedler en faisant allusion à la réaction de l’Europe à la crise financière et économique dans laquelle elle se trouve depuis deux ans. Il pense certes que les processus décisionnels sont trop longs, mais il a souligné que la supervision financière sera en place pour janvier 2011 et que la question des fonds spéculatifs sera également réglée "assez rapidement de façon définitive". En ce qui concerne l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, Jean-Claude Juncker aimerait bien avancer plus vite mais, dans ce domaine, "nous sommes engagés dans des processus décisionnels internationaux qui ralentissent au lieu d’accélérer".
En abordant la réforme des marchés financiers sous les nouvelles autorités de contrôle européennes, ainsi que le rôle attribué aux Etats membres et à la Commission européenne pour prendre des mesures en cas de crise, Jean-Claude Juncker s’est montré favorable à une "dose supplémentaire de possibilités de prendre des mesures européennes" parce qu’il pense qu’"uniquement par les pistes nationales, nous n’aurons pas la puissance nécessaire pour faire front aux forces du marché". Même si certains pays sont d’avis que des autorités de contrôle européennes ne devraient pas avoir de droit de regard sur les régulations nationales, le président de l’Eurogroupe pense qu’un renforcement de ce droit devrait résulter de la procédure de codécision avec le Parlement européen.
Pour rappel, le 6 juillet 2010, le Parlement européen avait reporté le vote du paquet sur la supervision financière en invitant les Etats membres à de nouveaux compromis. Le Conseil Ecofin du 13 juillet a pour sa part donné à la Présidence belge un nouveau mandat qui va servir de base de négociations dans le cadre du trilogue Commission – Conseil – Parlement européen.
Jean-Claude Juncker a par ailleurs souligné qu’il ne connaît personne dont l’attitude serait de continuer de la même façon qu’avant la crise. Mais il constate que de nombreux acteurs du marché financier font comme si rien ne s’était passé, ce qui irrite selon lui "de larges parties de la population parce que de nombreuses personnes ont l’impression que la responsabilité des Etats aurait été engagée pour remédier à la crise financière par le biais des deniers publics, et les acteurs des marchés financiers feraient de nouveau la fête tandis que les contribuables doivent se serrer la ceinture".
Au vu de ses connaissances, le Premier ministre luxembourgeois a l’impression qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes catastrophes en ce qui concerne les tests de résistance des banques européennes qui seront publiés le 23 juillet 2010. Et d’ajouter que les gouvernements des Etats membres de l’UE se sont mis d’accord pour aider à recapitaliser le cas échéant différentes banques.
"Allons-nous apprendre la vérité ?", a voulu savoir Hartmut Fiedler et le Premier ministre a déclaré que "ceux qui vont tenter d’embellir ces tests de résistance, vont être rattrapés par la réalité". Etant donné que "personne ne veut plus être démenti par la réalité", Jean-Claude Juncker part du principe que chacun a bien compris qu’il faut maintenant mettre les points sur les i.
Le Premier ministre n’a d’ailleurs pas voulu faire de pronostics quant à la sortie de crise, et il a expliqué qu’en effet, personne ne sait vraiment comment nous pouvons définitivement sortir de ce moment difficile de crise. "Tout le monde fait des efforts et le résultat en sera que nous allons retrouver de nouveau une croissance forte, même si celle-ci restera clairement en-dessous du potentiel de croissance que nous avons connu pendant les dernières années. Il en résulte qu’il faut des efforts de consolidation de toutes parts", a-t-il expliqué.
En guise de conclusion, Hartmut Fiedler a cité Jean-Claude Juncker qui avait dit un jour que "les hommes politiques savent ce qu’ils doivent faire. Seulement, ils ne savent pas comment se faire réélire s’ils le font effectivement". "On attend toujours des hommes politiques qu’ils disent la vérité mais on n’aime pas du tout s’il en résulte des mesures politiques qui ne sont pas du goût de tout le monde", a d’ailleurs ajouré le Premier ministre avant de conclure : "Nous devons maintenant faire ce qu’il faut faire et nous ne savons toujours pas comment nous pouvons alors gagner les élections. Mais nous devons le faire."