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Justice, liberté, sécurité et immigration
Nicolas Schmit et Ivica Dačić ont fait part de leur volonté que Luxembourg et Serbie poursuivent leur coopération "dans un esprit parfaitement européen" pour lutter contre l’afflux de demandeurs d’asile en provenance de Serbie
05-05-2011


Depuis plusieurs mois, le Luxembourg fait face, comme d’autres pays de l’UE, à un afflux de demandeurs d’asile venus de Serbie. Un phénomène qui a commencé avec le mécanisme de libéralisation du régime des visas pour les pays des Balkans occidentaux. Le Conseil JAI avait en effet décidé le 30 novembre 2009 d'exempter de visas les ressortissants de Serbie, de l’ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) et du Monténégro à partir du 19 décembre 2009. Cet afflux de demandeurs d’asile n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés quand il s’agit de traiter les dossiers de demandes d’asile, ou encore de loger les personnes concernées.Nicolas Schmit, ministre de l'Immigration, et Ivica Dačić, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur de la Serbie, 5 mai 2011

Le sujet a été au cœur des discussions qu’ont pu avoir, le 5 mai 2011, Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, et le vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur de la Serbie, Ivica Dačić, venu au Luxembourg pour une visite de travail.

Nicolas Schmit a salué cette visite qui montre selon lui que la Serbie a réagi sans tarder à une demande luxembourgeoise, "dans un esprit parfaitement européen", pour évoquer ces questions. Il s’agit en effet, selon Nicolas Schmit, de "travailler ensemble dans un esprit tout à fait européen pour veiller à ce que les personnes utilisent leur droit à la libre circulation conformément aux règles". Nicolas Schmit voit dans cette coopération "un exemple de solidarité européenne avec un pays qui est sur la voie de l’intégration européenne".

La suppression de l’obligation de visas pour les citoyens serbes désireux de voyager dans l’UE, décision "importante" aux yeux du ministre luxembourgeois, a marqué pour la Serbie "l’ouverture d’un nouveau chapitre européen". Mais, selon Nicolas Schmit, pour préserver cet acquis fondamental qui permet aux Européens de circuler librement en Europe, il faut que tout le monde respecte les règles qui permettent d’exercer ce droit.

Selon Ivica Dačić, "les faux demandeurs d’asile" sont motivés par des motifs économiques

Ivica Dačić n’a pu que confirmer l’importance pour les citoyens de son pays de pouvoir voyager dans l’UE sans visa, et il a clairement plaidé contre une éventuelle suspension de cette libéralisation.

Il a rappelé que "les faux demandeurs d’asile", ainsi qu’ils sont appelés en Serbie, "n’ont pas de base pour demander l’asile" au Luxembourg, et dans d’autres pays de l’UE qui, comme le Grand-Duché, considèrent la Serbie comme un pays sûr. "Ils ne souffrent d’aucune persécution politique, et il est clair que ces personnes sont motivées par des motifs économiques", a expliqué le ministre serbe.

Comme l’a relaté Ivica Dačić, la plupart des personnes qui, motivées par un simple "calcul financier", essaient de bénéficier des aides financières octroyées par certains pays aux demandeurs d’asile, ciblent en effet les pays qui offrent "la plus grande responsabilité sociale". Suède et Allemagne sont ainsi les premiers Etats concernés par cet afflux de demandes d’asile en provenance de Serbie, suivis par la Belgique et le Luxembourg.

Selon Nicolas Schmit, les déclarations des personnes venues au Luxembourg confirment l’analyse du ministre serbe : c’est pour profiter quelques mois durant de l’aide luxembourgeoise, mais aussi de soins médicaux, que viennent la plupart des demandeurs d’aile en provenance de Serbie. Il n’est pas question de répression, et ils n’ont pas grand espoir d’être reconnus comme demandeurs d’asile. "Il est vrai que la situation économique n’est pas facile en Serbie", a reconnu le ministre luxembourgeois, soulignant l’importance pour l’Europe de "retrouver la voie de la croissance, du développement économique et de l’emploi" pour pouvoir enrayer de tels flux.

La très grande majorité des citoyens serbes qui tentent leur chance ainsi – 95 % aux dires du ministre serbe – sont issues des communautés rom, bosniaque et albanaise de Serbie, le Luxembourg ayant reçu pour sa part des demandes provenant essentiellement de personnes des communautés rom et bosniaque. Un phénomène équivalent est observé dans l’ARYM, la Macédoine, selon le ministre serbe qui considère la question rom comme "un problème européen" auquel il convient de remédier par des efforts pour l’inclusion des Roms.

Quelles mesures pour lutter contre ce phénomène ?

La Serbie entend prendre les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes liés à cet afflux de demandeurs d’asile avec les pays concernés, parmi lesquels le Luxembourg.

Parmi les mesures évoquées, le ministre serbe a notamment cité des mesures de contrôle des frontières extérieures, mais aussi des mesures de sensibilisation à la problématique par le biais notamment de rencontres avec les communautés concernées. La Serbie examine enfin tous les moyens possibles de lutter contre des organisations profitant du transfert de migrants illégaux de la Serbie vers l’Europe.

Ivica Dačić a expliqué que la Serbie examinait la possibilité de priver temporairement les personnes ayant fait un recours abusif au droit d’asile de leur passeport, ou de ne pas leur en délivrer de nouveau. Certaines personnes n’hésitent pas en effet à introduire des demandes d’asile dans plusieurs pays.

Pour faire montre de la bonne volonté de son pays, le ministre de l’Intérieur serbe a relaté une opération de police conduite "la nuit dernière" qui a conduit à l’arrestation de 24 personnes, dont 16 étaient des policiers et dont d’autres travaillaient dans l’administration publique. Parmi les chefs d’accusation, la délivrance de faux documents qui ont pu servir au recours abusif à ce droit à la libre circulation.

Nicolas Schmit compte sur "l’effet dissuasif" de la procédure accélérée qu’il espère pouvoir appliquer si la Chambre adopte le projet de loi 6278

Ivica Dačić a encore expliqué, citant l’exemple de la Norvège, qu’en abrégeant les procédures, en supprimant les aides financières octroyées et en réduisant l’octroi du statut de demandeurs d’asile, le nombre de demandeurs d’asile peut être très sensiblement réduit.

Sur la question de la rapidité des procédures d’examen des demandes d’asile, Nicolas Schmit a fait part de son espoir que la Chambre des députés adopte dans l’après-midi le projet de loi 6278. En introduisant à la loi de 2006 la possibilité d’un recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, ce texte devrait permettre de pouvoir appliquer la procédure accélérée qui est prévue dans treize cas, et notamment quand le demandeur d’asile est originaire d’un pays considéré comme "sûr". Nicolas Schmit compte sur "l’effet dissuasif" qu’aura l’application de cette procédure accélérée.

Nicolas Schmit a lui aussi insisté sur la nécessité de bien informer les citoyens serbes des conditions qui président à la libre circulation, comme par exemple la nécessité de pouvoir subvenir à ses besoins, et sur le fait que ce droit de pouvoir voyager librement n’est pas synonyme de droit au statut de demandeur d’asile. Pour le ministre luxembourgeois, l’encouragement au retour peut aussi permettre de résoudre les difficultés rencontrées. Ce retour doit être, si possible volontaire, sinon, le rapatriement sera envisagé dès que la procédure sera appliquée. Et cela pourra signifier pour les personnes concernées l’interdiction de voyager pendant cinq ans dans l’espace Schengen.

Ivica Dačić s’est réjoui quant à lui du fait que selon Frontex, le nombre de demandeurs d’asile avait baissé de 35 % par rapport à décembre 2010. Nicolas Schmit a noté lui aussi une baisse sensible des flux ces dernières semaines, qu’il impute aux efforts tant du Luxembourg que de la Serbie.

"Dans un souci de bonne collaboration et de reconnaissance des efforts de la Serbie", le ministre luxembourgeois a répondu favorablement à l’invitation qui lui a été faite par Ivica Dačić de se rendre à Belgrade pour y rencontrer notamment les représentants des communautés concernées par ce phénomène. Nicolas Schmit entend étudier en Serbie les possibilités pour le Luxembourg de contribuer au développement de programmes visant à améliorer les perspectives d’emploi et d’éducation au sein de la communauté rom. Mais il entend surtout plaider, le 19 mai prochain, à l’occasion d’un Conseil EPSCO consacré à la question, pour que les actions d’intégration des Roms qu’entend mener l’UE ne valent pas seulement pour les Etats membres, mais qu’elles soient étendues aux pays, comme la Macédoine et la Serbie, qui ont vocation à rejoindre l’UE.