Le 21 février 2012, au lendemain d’une longue réunion de l’Eurogroupe qui a permis de dégager un feu vert en vue du deuxième programme d’aide à la Grèce, les ministres des Finances de l’UE se sont réunis à Bruxelles pour un Conseil Ecofin qui a été marqué par les conséquences de la crise de la dette, parmi lesquelles le renforcement de la gouvernance économique en Europe.
Ainsi, le Conseil a-t-il présenté sa position en vue des négociations avec le Parlement européen sur deux projets de règlements mis sur la table par la Commission en novembre 2011 qui visent à renforcer encore la gouvernance économique dans la zone euro. Il s’agit d’un règlement en vue d'un suivi renforcé et de l'évaluation des projets de plans budgétaires des États membres de la zone euro et, plus particulièrement, de ceux faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif et d’un règlement concernant la surveillance renforcée des États membres de la zone euro confrontés à de graves perturbations financières ou sollicitant une assistance financière.
Les deux règlements introduiront des dispositions visant au renforcement du contrôle des politiques budgétaires nationales. Chaque année, les États membres seraient tenus de présenter au Conseil et à la Commission, le 15 octobre au plus tard, leur projet de budget pour l'exercice suivant. Un contrôle plus étroit s'appliquerait aux États membres faisant l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs, afin de permettre à la Commission de mieux évaluer le risque de non-respect du délai imparti pour corriger le déficit excessif. Les États membres confrontés à de graves problèmes de stabilité financière ou bénéficiant d'une assistance budgétaire accordée à titre de précaution seraient soumis à un contrôle encore plus strict que les États membres faisant l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs.
Sur la base de l'orientation générale du Conseil, qui avait eu un premier débat sur ces textes fin novembre 2011, la présidence engagera des négociations avec le Parlement européen en vue de l'adoption des règlements en première lecture.
Les ministres ont par ailleurs adopté des conclusions donnant aux Etats membres des orientations politiques pour faire face aux défis macro-économiques et budgétaires dans le cadre de l’édition 2012 du semestre européen. Des orientations qui seront soumises au Conseil européen des 1er et 2 mars prochains et qui se concentrent sur les priorités à court terme à suivre dans les plans nationaux de réforme (PNR), pour ce qui est des réformes structurelles, et les programmes de convergence et de stabilité pour ce qui relève des politiques budgétaires, deux documents que les Etats membres doivent présenter en avril 2012.
Dans leurs conclusions, les ministres saluent donc l’examen annuel de croissance mis sur la table par la Commission européenne dès le mois de novembre 2011 et affichent leur accord sur les cinq priorités identifiées dans ce document qui ouvrait la procédure du semestre européen, à savoir : la poursuite d'un assainissement budgétaire différencié et propice à la croissance, la reprise des activités normales de prêt à l'économie, la promotion de la croissance et de la compétitivité, la lutte contre le chômage et les conséquences sociales de la crise, ainsi que la modernisation de l’administration publique.
Les ministres soulignent l’urgence de trouver une réponse politique convaincante à la crise de la dette souveraine, une réponse qui doit selon combiner consolidation des finances publiques et réformes structurelles visant une amélioration des perspectives de croissance. A leurs yeux, les orientations macro-économiques et budgétaires de 2011 restent valides et doivent être mises en œuvre. Quant aux Etats membres, ils sont invités à soumettre leur PNR et leur programme de stabilité et de convergence de préférence pour la mi-avril, et, dans tous les cas, avant le 30 avril.
"La consolidation budgétaire et la réduction du ratio dette/PIB sont essentielles pour restaurer la stabilité macro-financière, comme base pour la croissance et pour assurer l’avenir du modèle social européen", notent les ministres qui insistent sur la nécessité de tenir compte des spécificités de chacun des Etats membres pour l’établissement de leurs politiques budgétaires.
Les Etats membres sont invités à privilégier les dépenses favorables à la croissance en promouvant l’efficacité des dépenses publiques et en poursuivant la réforme et la modernisation des systèmes de pension : les ministres citent notamment "l’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite en alignant l’âge de la retraite sur l’augmentation de l’espérance de vie, en réduisant l’accès aux mécanismes de retraites anticipée, en soutenant des vies professionnelles plus longues et en harmonisant l’âge de la retraite pour les hommes et les femmes". "Tandis que les retraites publiques vont continuer de jouer un rôle important, l’épargne privée complémentaire visant à augmenter les revenus des retraités doit être encouragée si nécessaire, tout en assurant une surveillance effective des fonds de pension privés", poursuivent les ministres qui pointent aussi la nécessité de réforme les systèmes de santés en visant l’efficacité des coûts et la durabilité, tout en maintenant leur qualité.
Les Etats membres sont aussi invités à revoir, si nécessaire, leur système fiscal avec l’objectif de le rendre plus efficace et de réduire les distorsions, en supprimant les exemptions, dépenses fiscales et subventions injustifiées, en transférant certaines taxes sur le travail vers des domaines causant moins préjudice à la croissance, en améliorant l’efficacité de la collecte fiscale, en luttant contre l’évasion fiscale et en élargissant l’assiette fiscale. Les ministres relèvent aussi "le rôle que peut jouer la politique fiscale pour lutter contre le changement climatique".
Les réformes structurelles en mesure de stimuler la croissance doivent être menées en priorité selon ces orientations qui appellent à poursuivre les efforts pour améliorer le cadre réglementaire, diminuer les charges administratives et renforcer l’économie fondée sur le savoir. "Les réformes augmentant la flexibilité du marché de produits ont le potentiel de libérer les effets positifs de croissance à court et moyen termes et elles doivent être poursuivies", prescrivent encore les ministres qui insistent aussi sur la nécessité de doter le marché unique de son plein potentiel.
Les ministres appellent aussi les Etats membres à mener en priorité les réformes en mesure d’améliorer la productivité et ils indiquent que, pour promouvoir la compétitivité, les réformes doivent se concentrer sur le marché du travail, et notamment sur les mécanismes de fixation des salaires afin d’assurer "un ajustement efficace des coûts du travail". "Des mécanismes de fixation des salaires adéquats contribuent aussi à réduire le chômage en promouvant la mobilité professionnelle et en facilitant la réaffectation du travail d’un secteur à l’autre, mais aussi géographiquement", est-il encore indiqué dans ces orientations qui pointent aussi la nécessité de réformer les systèmes d’imposition et d’allocation afin d’encourager la création d’emplois ainsi que les législations de protection de l’emploi trop rigides afin de faciliter l’accès au marché du travail, notamment des jeunes gens.
Les ministres des 23 Etats membres participant au Pacte Euro Plus (c’est-à-dire les 27 membres de l’UE à l’exception de la Hongrie, de la République tchèque, du Royaume-Uni et de la Suède) ont quant à eux adopté des conclusions insistant sur le lien entre ce pacte et la procédure du semestre européen.
Dans leurs conclusions, les ministres soulignent ainsi la responsabilité première des Etats membres pour faire face à la crise, et ce en concrétisant dans leurs programmes nationaux de réformes et programmes de stabilité et de convergence les réformes et mesures d’assainissement décidées au niveau européen. Les membres participant à ce pacte se sont notamment engagés à entreprendre des réformes visant à encourager la compétitivité et l’emploi, à contribuer à la soutenabilité des finances publiques et à renforcer la stabilité financière.
A l’été 2011, ils avaient présenté ces engagements sous la forme d’une centaine de mesures. En décembre 2011, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient fait le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces mesures et s’étaient entendus pour que le point soit fait dans les prochains PNR. Les ministres plaident désormais pour que les engagements pris dans le cadre du Pacte Euro Plus soient évalués en profondeur et pour que soient identifiés toutes lacunes dans leur mise en œuvre. Ils insistent pour que le pacte soit utilisé comme un instrument complémentaire efficace du semestre européen et pour que les engagements pris dans son cadre soient ancrés dans le semestre européen, soient inscrits dans les programmes nationaux, et fassent l’objet du suivi et de l’évaluation dans le cadre de la surveillance économique que permet le semestre européen.
Autre sujet qui découle des conséquences de la crise, financière cette fois, le Conseil a adopté un règlement sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d'échange sur risque de crédit, qui prévoit des exigences communes au niveau de l'UE en matière de transparence et harmonise les pouvoirs dont peuvent disposer les autorités de régulation dans des situations exceptionnelles représentant une menace grave pour la stabilité financière.
L'adoption de ce règlement, sur lequel le Royaume-Uni s'est abstenu, fait suite à l'accord intervenu en première lecture avec le Parlement européen le 18 octobre 2011, et à l'approbation du règlement par le Comité des représentants permanents, le 10 novembre 2011. Le Parlement européen s’était prononcé en faveur de ce texte le 15 novembre 2011. La proposition de la Commission avait été présentée en septembre 2010.
En 2008, au plus fort de la crise financière, plusieurs États membres avaient adopté des mesures d'urgence pour limiter ou interdire la vente à découvert de certaines valeurs mobilières ou de l'ensemble d'entre elles, afin d'empêcher que ne s'aggrave la spirale à la baisse du prix des actions, qui pouvait engendrer des risques systémiques.
L'Union n'ayant pas de cadre de réglementation commun concernant les questions de vente à découvert, les États membres avaient adopté des mesures divergentes. Cette approche fragmentée limitait actuellement l'efficacité des mesures adoptées et conduisait à des arbitrages réglementaires. Elle risquait aussi de créer la confusion sur les marchés et d'imposer aux participants au marché des coûts supplémentaires.
Le règlement vise à résoudre ces problèmes, tout en reconnaissant le rôle de la vente à découvert pour garantir le bon fonctionnement des marchés financiers, en particulier pour assurer la liquidité du marché et contribuer à l'efficacité du processus de formation des prix.
Il englobe tous les types d'instruments financiers tout en apportant une réponse proportionnée aux risques potentiels qui sont liés à la vente à découvert des différents instruments. Plus particulièrement, pour les actions des sociétés cotées en bourse dans l'UE, il crée un modèle à deux niveaux pour la publication des positions courtes nettes importantes: à partir du seuil le plus bas, les positions doivent faire l'objet d'une notification privée aux autorités de régulation; au-delà du seuil plus élevé, elles doivent être publiquement portées à la connaissance du marché.
S'agissant de la dette souveraine, par contre, la notification privée des positions courtes nettes d'un montant important liées à des émetteurs dans l'UE serait systématiquement requise. Le régime proposé prévoit également la notification des positions importantes sur des contrats d'échange sur risque de crédit relatifs à des émetteurs souverains de l'UE.
Afin de prendre en compte les risques accrus qui sont liés aux ventes à découvert non couvertes, la proposition prévoit que toute personne effectuant une vente à découvert est tenue d'avoir, au moment de la vente, soit emprunté les instruments concernés, soit conclu un accord d'emprunt portant sur ces instruments, soit pris d'autres dispositions en vue de garantir qu'ils pourront être empruntés de sorte que le règlement puisse être effectué. Néanmoins, ces restrictions ne s'appliquent pas à la vente à découvert de dette souveraine si la transaction sert à couvrir une position longue sur les titres de créance d'un émetteur. De plus, si la liquidité de la dette souveraine devient inférieure à un certain seuil, les restrictions applicables à la vente à découvert non couverte peuvent être temporairement levées par l'autorité compétente.
En cas de situation exceptionnelle menaçant la stabilité financière ou la confiance des marchés dans un État membre ou dans l'Union, le règlement prévoit que les autorités compétentes devraient disposer temporairement de pouvoirs leur permettant d'exiger une plus grande transparence ou d'imposer des restrictions à la vente à découvert et à la conclusion de contrats d'échange sur risque de crédit ou de limiter les possibilités pour des personnes physiques ou morales de procéder à des transactions portant sur un produit dérivé.
Dans une telle situation, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) jouerait un rôle de coordination essentiel afin d'assurer la cohérence entre les autorités compétentes et de garantir que celles-ci ne prennent des mesures qu'à condition qu'elles soient nécessaires et proportionnées. L'AEMF elle-même serait habilitée à prendre des mesures lorsque des répercussions transfrontières sont à craindre.
Le Conseil Ecofin a aussi établi ses priorités pour le budget 2013 de l’UE. Les conclusions adoptées à ce sujet serviront de base aux négociations avec le Parlement européen et la Commission dans les semaines et les mois à venir. Le Parlement vient tout juste d’adopter une résolution sur ce budget 2013 .
Les conclusions des ministres soulignent la nécessité de tenir compte des contraintes économiques et budgétaires au niveau national et de maintenir la discipline budgétaire à tous les niveaux. Les ministres appellent ainsi à trouver l’équilibre entre assainissement budgétaire et la nécessité de poursuivre les investissements afin de respecter les engagements déjà pris, mais aussi d’éviter d’entraver les efforts faits pour surmonter la crise. Pour les ministres, cet équilibre est à trouver dans la prioritarisation des objectifs et l’allocation des ressources aux actions les plus à même de contribuer à la croissance et à l’emploi. Ces conclusions sont donc aussi un appel à toutes les institutions à "collaborer de façon constructive pour permettre un bon fonctionnement de la procédure budgétaire et l’établissement du budget 2013 dans les délais".
Le premier élément clef avancé par le Conseil, c’est le respect des plafonds établis par les perspectives financières 2007-2013. Les ministres soulignent aussi la nécessité de laisser assez de marge de manœuvre pour pouvoir faire face à des circonstances imprévues.
Autre point défendu par le Conseil, "la nécessité d’un budget réaliste respectant le principe d’une bonne gestion financière". A cette fin, ils appellent la Commission et les Etats membres à poursuivre leurs efforts pour fournir de meilleures prévisions, mais ils invitent aussi la Commission à livrer régulièrement des informations sur l’exécution du budget à toutes les étapes de la procédure budgétaire. "Ce suivi rigoureux est essentiel pour éviter les expériences passées de sous-exécution importante de certains fonds et de reports injustifiés ou pour justifier tout besoin supplémentaire de crédits ou tout redéploiement de ressources existantes", expliquent les ministres qui entendent limiter autant que faire se peut le recours aux outils de correction budgétaire. Le Conseil fait ainsi part de son inquiétude quant au volume d’engagements restant à liquider, à savoir 207 milliards d’euros fin 2011.
Les conclusions appellent aussi les administrations nationales à optimiser l’usage de ressources limitées : il s’agit d’augmenter l’efficacité administrative et préférer le redéploiement et la re-prioritarisation à des demandes de nouveaux crédits.
Le Conseil salue l’initiative de la Commission de réduire de 1 % le nombre de postes pour 2013 et il appelle toutes les institutions et les agences à suivre une approche similaire. Les ministres font aussi part de ses préoccupations quant à l’évolution des crédits destinés aux pensions et à son impact sur les dépenses administratives à l’avenir.
Les ministres pointent aussi la surbudgétisation récurrente de certaines agences et ils appellent donc la Commission à tenir compte des crédits inutilisés par les agences lors de l’établissement du projet de budget.
Le Conseil a par ailleurs adopté une directive visant à exempter les très petites entreprises des obligations d'information financière et comptable qui leur incombent.
Les nouvelles dispositions sont susceptibles de réduire significativement les charges administratives auxquelles doivent faire face les entreprises ne dépassant pas les limites de deux des critères suivants : un total du bilan de 350 000 euros, un montant net du chiffre d'affaires de 700 000 euros et un nombre moyen de dix salariés au cours de l'exercice.
La directive autorisera les États membres de l'UE à exempter les micro-entreprises de l'obligation de publier leurs comptes annuels. Cette exemption éventuelle doit être compatible avec les obligations nationales de tenir des registres faisant apparaître les transactions commerciales et la situation financière des sociétés