Le 10 février 2012, l’eurodéputé luxembourgeois Charles Goerens (ALDE) adressait au commissaire en charge du développement, Andris Piebalgs, un courrier dans lequel il s’inquiétait des conséquences de l’accord ACTA sur l’accès aux médicaments dans les pays en développement. Le commissaire interpellé s’est adjoint son collègue en charge du commerce extérieur, Karel De Gucht, pour répondre à l’eurodéputé dans une lettre datée du 20 mars 2012 que Charles Goerens publie sur son site Internet.
"Le traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) doit, entre autres, protéger le marché des médicaments des contrefaçons", rappellent les deux commissaires en soulignant que le traité ne s'applique pas seulement aux médicaments, "mais également à toutes les autres catégories marchandises imaginables ainsi qu'aux infractions aux autres droits de propriété intellectuelle que les brevets, tels que les droits des marques, les droits d'auteur, les dessins et modèles, les indications géographiques, etc".
Andris Piebalgs et Karel De Gucht soulignent que "les brevets, et donc également les brevets pharmaceutiques, sont exclus du champ d'application d'ACTA pour ce qui est des mesures aux frontières - tels que les contrôles et saisies - et les sanctions pénales". En outre, ajoutent-ils, "l'application du chapitre "procédures civiles" d'ACTA est facultative en ce qui concerne les brevets".
"Les mesures préconisées par ACTA existent déjà en droit communautaire, et sont appliquées quotidiennement dans l'Union européenne par les autorités compétentes, sans qu’on ait pu établir un impact sur l’accès aux médicaments", poursuivent les deux commissaires. Ils expliquent aussi que, dans le cas d’un possible impact, la Commission européenne est intervenue auprès des administrations douanières nationales. Ainsi, racontent Andris Piebalgs et Karel De Gucht, "il y a trois ans, il y a eu quelques incidents où les autorités douanières néerlandaises ont saisi des médicaments génériques qui étaient en transit entre l'Inde et certains pays africains. Il s'agit d'incidents regrettables dus à une interprétation incorrecte de la législation applicable (Règlement 1383/2003). Dès que la Commission a été mise au courant de ces incidents, des mesures ont été prises pour qu'ils ne puissent plus se reproduire. En particulier, la Commission a adopté des nouvelles instructions pour les autorités douanières des Etats Membres afin d'assurer la mise en œuvre correcte du Règlement 1383/2003". "Cette question a également été discutée dans le cadre de nos négociations de libre échange avec l'Inde, dans le même but", précisent encore les commissaires.
"Pendant les négociations d'ACTA, l'UE s'est assurée que le texte d'ACTA comprenne les dispositions et les mesures de garantie nécessaires pour que ACTA ne puisse pas être appliqué de façon à ce que l'accès aux médicaments soit directement ou indirectement affecté", assurent Karel De Gucht et Andris Piebalgs qui soulignent que référence y est faite à la Déclaration de Doha sur la propriété intellectuelle et la santé publique, ainsi qu’au principe d'équilibre contenu dans l'article 8 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Sans compter les garanties générales contenues dans le Traité ACTA afin de garantir un juste équilibre des droits et d'empêcher les abus de droit.
Pour les commissaires, "l'accord ADPIC y compris ses acquis en termes de flexibilités n'est pas remis en cause par ACTA". "Un processus de concertation a d'ailleurs déjà été engagé par la DG TRADE dans le cadre de travail du Conseil des ADPIC à l'Organisation Mondiale du Commerce afin de clarifier les objectifs précis d'ACTA et pour rassurer nos partenaires sur les garanties concernant les flexibilités", expliquent-ils.
Andris Piebalgs et Karel De Gucht affirment ainsi ne pas disposer d'éléments qui pourraient consolider les craintes soulevées par Charles Goerens quant à une diminution possible d'accès aux médicaments. "La vigilance sera cependant fondamentale et la Commission européenne fera ce qui est nécessaire afin que les procédures prévues par ACTA - qui existent d'ailleurs déjà au niveau de l'Union – ne puissent pas faire l'objet d'abus par rapport aux médicaments génériques", assurent-ils en rappelant que la Commission a décidé de saisir la Cour européenne de Justice afin de s'assurer de la compatibilité d'ACTA avec les Traités de l'Union européenne, et en particulier la Charte des droits fondamentaux.