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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Henri Sterdyniak : "Les politiques d'austérité prouvent que la Commission ne sait pas gérer la zone euro"
10-10-2012


Le 10 octobre 2012, la Chambre des salariés (CSL) invitait l'économiste français, Henri Sterdyniak, directeur du Département Economie de la Mondialisation de l’Observatoire français des Conjonctures économiques. Henri Sterdyniak est également connu en tant que coprésident du groupe des économistes "atterrés". C'est à ce titre qu'il a cosigné le dernier ouvrage publié sous l'égide de ce mouvement : "L'Europe maltraitée". Le livre s'intéresse précisément au sujet de la conférence qu'il a tenue devant une centaine de personnes et qui s'intitulait : "Crise de la zone euro : Faut-il ce traité budgétaire ?"

csl-sylvain-hofmannDans sa courte introduction, le directeur-adjoint de la Chambre des salariés, Sylvain Hoffmann, n'a pas fait mystère de ce qu'il pense du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, communément baptisé Pacte budgétaire (Fiskalpakt en allemand). "Ce texte s'inscrit dans un mouvement d'affaiblissement du modèle social européen et exercera par le biais des finances publiques un effet non négligeable sur la vie des citoyens et des travailleurs dans les années à venir", a-t-il en effet déclaré. " La recette de mise au régime du public pour prétendument assainir les bases de développement et retrouver un équilibre sur le marché privé ne fonctionne guère et ignore superbement les origines des crises que vit l'Union européenne. Ce ne sont pas les déficits publics qui ont causé la crise mais la crise a conduit aux déficits."

Les divergences entre Etats de la zone euro s'étaient creusées avant la crise

Poursuivant sur cette remise à jour de la chronologie des événements, Henri Sterdyniak a expliqué que la crise a, plutôt que révélé les excès budgétaires des Etats, mis en lumière "tous les défauts de l'organisation de la zone euro" depuis sa création.

De 1999 à 2007, les déséquilibres entre les Etats membres s'étaient creusés en Europe, sans que les instances européennes aient été capables de mettre en œuvre "une stratégie cohérente" pour contrecarrer cette tendance fâcheuse. Elles étaient trop captivées par leur "seule obsession", le Pacte de stabilité et de croissance, consistant à "imposer aux pays des politiques budgétaires rigoureuses".

csl-henri-sterdyniakAvant la crise, les divergences étaient déjà là. Les pays du Nord étaient embarqués dans des "stratégies de recherches de compétitivité, de stagnation des salaires et de la protection sociale", qui leur ont certes permis d'amasser des excédents extérieurs importants mais qui ont également bridé la croissance de l'ensemble de la zone, en raison du maintien de leur demande interne à un niveau très faible. Les pays du Sud ont pour leur part bénéficié de taux d'intérêt très bas et ont connu une croissance portée par des bulles immobilières provoquant des déficits extérieurs importants.

De ce test de la zone euro opéré par la crise, le bilan est pour Henri Sterdyniak "catastrophique" et se caractérise par la perte de neuf points de PIB d'activité par rapport à la tendance qui existait avant la crise. Les perspectives de croissance s'en trouvent affaiblis (– 0,5 % en 2012 et autour de zéro en 2013) tandis que le taux de chômage dépasse 11 %.

Dans le premier temps de la crise, le Pacte de croissance et de stabilité a été oublié. Tous les pays ont eu des déficits publics extrêmement importants. Mais dès 2009, la Commission a repris la main, sans se poser la question de la relance. D'un côté, elle cherche à imposer à tous les pays de pratiquer des politiques d'austérité basées sur la réduction des dépenses publiques et sociales. Et de l'autre, "elle veut profiter de la crise pour étendre son influence sur les politiques budgétaires pour priver les pays de la possibilité de mener des politiques autonomes". Ce qu'elle aurait commencé avec l'introduction de l'euro, à savoir "imposer des réformes structurelles d'inspiration libérale", elle le poursuivrait de manière opportuniste après la crise.

Pendant ce temps, la zone euro s'est montrée incapable de remédier aux spéculations contre sa monnaie et sur les taux d'intérêt insoutenables exigés des pays du Sud.

Les péchés originels de l'euro

Pour bien cerner la situation de la zone euro et notamment la logique des attaques spéculatives sur les dettes publiques de pays en difficulté, il faut remonter aux "six péchés originels de l'euro", désignés par Henri Sterdyniak. La démonstration explique notamment pourquoi l'Espagne, malgré un déficit (égal à 68,5 % du PIB en 2011) plus faible que celui des Etats-Unis (101% en 2011) s'endette à un taux d'intérêt bien supérieur (6,5 % contre 1,5 %).

La création d'une monnaie unique entre différents pays qui pratiquent une politique budgétaire autonome est un défi qui exige une véritable coordination des politiques budgétaires. Or, on s'en est remis au seul pacte de stabilité : "On pensait que les Etats allaient converger mais ils ont divergé. Les excédents des uns se sont accrus, les déficits des autres également", relève-t-il.

Les mécanismes de coordination évoqués par l'économiste atterré n'ont rien à voir avec les "règles stupides", dénoncées jadis par Romano Prodi, c'est-à-dire des règles numériques telles l'interdiction d'un déficit supérieur à 3 % du PIB, mais consistent en des mécanismes qui s'adaptent à la conjoncture, des politiques économiques qui se négocient entre pays. Et hier comme aujourd'hui, "le problème est que les Allemands restent rivés à l'idée qu'il faut des normes numériques, auxquelles les pays doivent obéir".

Un autre péché, "l'un des plus graves" énumérés par l'économiste, est que les traités ont refusé à la BCE le droit de financer les Etats membres et interdit la solidarité financière entre ces derniers. Cette décision fut une rupture historique. "Depuis 1940, ce qui permet aux Etats d'avoir une dette publique sans risques, acceptée par les marchés à des taux, c'est précisément que les Etats ont une banque centrale qui garantit la dette publique, prêteur en dernier ressort."

Ceci explique que la Grande-Bretagne, le Japon et les USA peuvent s'endetter à un taux très bas bien qu'ils aient des dettes plus importantes. Les banquiers achèteraient leurs dettes parce qu'ils savent que ces pays ne feront jamais défaut car si nécessaire, la Banque centrale financera le gouvernement. L'absence d'une telle garantie dans la zone euro n'a plus échappé aux marchés financiers à partir de 2009. En l'absence de garantie par la banque centrale, "les dettes publiques sont devenues des actifs risqués, soumis à la spéculation ".

"Peut-on accepter que l'Italie va donner à terme 4,5 points de PIB par an pour remercier les marchés financiers d'accepter de détenir une dette publique italienne qui en réalité est sans risque?", interroge l'économiste, sous-entendant une réponse négative. Pour "faire rentrer le dentifrice dans le tube", à savoir convaincre les marchés financiers que les dettes publiques des pays de la zone euro sont effectivement équivalentes, il faudrait restituer coûte que coûte l'unité des dettes, que ce soit par la création des eurobonds ou en permettant enfin à la BCE de financer directement les Etats.

Pacte budgétaire : "Il ne faut pas respecter ce qui n'est pas respectable"

Cependant, le pacte budgétaire ne contient pas de garantie de dettes par la BCE ou ne prévoit pas des eurobligations, pas plus qu'il ne propose d'objectif en termes de croissance ou d'harmonisation fiscale. C'est ce que l'économiste nomme les "articles manquants".

"Ces politiques d'austérité prouvent que la Commission ne sait pas gérer la zone euro"

Au lieu de cela, la Commission et le Conseil misent sur une austérité contre-productive, qui mènerait tout droit à des conséquences redoutables. Cette option est aux yeux de Henri Sterdyniak absurde. La situation de déficit et d'endettement des Etats de la zone euro ne le justifierait d'aucune manière. Déjà, avant la crise, il n'y avait "pas vraiment d'indiscipline budgétaire". Le déficit moyen dans la zone euro s'élevait à 1,5 % du PIB sur les trois années d’avant crise (2004-07), tandis que les Etats-Unis avaient un déficit de 2,8% du PIB, le Royaume-Uni de 2,9% et le Japon de 3,6%.

Certes, la Grèce avait un problème, mais c'était un problème "spécifique". Et il a servi d'alibi "pour masquer la responsabilité de la crise financière dans le gonflement des déficits". Et après la crise financière, c'est l'austérité qui à son tour ferait gonfler la dette, en ruinant toute perspective de croissance.

La Commission exige que les pays doivent rentrer dans les clous en prenant des mesures pour se diriger vers l'équilibre des soldes publics. Mais, cela se fait au prix d'efforts très importants. Pour la période de 2010 à 2013, l'effort se chiffre à 25% du PIB pour la Grèce, à 15 % pour le Portugal, 13 % pour l'Irlande et l'Espagne. La France doit dès 2013 consacrer 2 points de PIB, soit 40 milliards d'euros par an. Or, "comme tous les pays font des efforts, l'impact sur le PIB est extrêmement négatif."

A l'échelle européenne, ces efforts représentent un impact négatif de 2,5 % sur le du PIB pour 2012-13. Au final, au lieu d'avoir une croissance de sortie de crise de 2 %, l'Europe se retrouvera avec une croissance négative de 0,5 %. L'austérité se traduit par une chute de la croissance, des perspectives extrêmement mauvaises et l'entrée dans un "cercle épouvantable" : "Le pays fait des efforts budgétaires, sa croissance chute, ses rentrées fiscales diminuent, l'amélioration en termes de solde publique est très faible, on lui demande de nouveaux forts et les marchés financiers s'attaquent à lui de plus belle."

A travers son exposé, Henri Sterdyniak rappelle que l'économie est affaire de politique et d'approche. La Commission européenne est obnubilée par l'équilibre des comptes publics, érigé en seul objectif, pour faire passer un programme d'origine néolibérale, tandis qu'une approche keynésienne se donne pour but le plein emploi et la croissance. L'économiste atterré, héritier de la deuxième école, considère que la bonne stratégie consiste à faire des plans de relance, justement en période de récession. L'effort serait cette fois porté par les pays qui ont des marges, les pays du Nord. La transition écologique à préparer donne le terrain sur lequel lancer "un plan rooseveltien". "Il y a des milliers de chômeurs en Espagne qui étaient dans la construction qui pourraient travailler dans la rénovation urbaine, dans l'isolation des bâtiments..." Au lieu de cela, l'Espagne réduit les prestations familiales alors que son taux de fécondité est déjà très bas. On y augmente la TVA qui réduit pourtant le pouvoir d'achat et on y diminue le nombre de fonctionnaires avec pour résultat la réduction de la qualité de l'enseignement et de la santé… En bref, "on met en péril le modèle social européen".

"Ces politiques d'austérité prouvent que la Commission ne sait pas gérer la zone euro", conclut Henri Sterdyniak en soulignant que l"objectif caché" n'est "pas de relancer l'activité mais de réduire les dépenses publiques et sociales".

Le résultat de deux offensives

Henri Sterdyniak considère que le Pacte budgétaire ne rajoute pas grand-chose à ce qui "avait déjà été décidé en secret, déjà été ratifié par les pays" : six pack, two pack, Europlus et autres directives. "C'est pour cela que Daniel Cohn-Bendit a pu dire : 'Ce n'est pas la peine de s'affoler, ça existait déjà. Les pays l'ont déjà accepté.' Le problème c'est que les peuples ne s'en sont pas bien rendu compte", ironise l'économiste.

Ce Pacte budgétaire est à ses yeux le résultat de deux offensives : celle de la Commission qui "profite de la crise pour accentuer son emprise sur les politiques budgétaires nationales" et "pousser ce projet de politique budgétaire entièrement automatique" ; et celle des libéraux "qui n'ont jamais accepté l'enseignement keynésien selon lequel la politique budgétaire doit soutenir l'activité".

Le Pacte budgétaire ne remédierait pas aux pêchés originels de l'euro et l'exposition des pays les plus endettés aux spéculations des marchés financiers. Il ne s’attaquerait pas plus aux causes de la crise financière : "l’aveuglement et l’avidité des marchés financiers, l’éclatement des bulles financières et immobilières induites par la financiarisation, le gonflement des inégalités de revenus permis par la concurrence effrénée entre pays favorisée par la mondialisation ".

L'article 1 du traité plaide bien le renforcement de la coordination mais on ne trouve rien qui y ressemble dans le texte. Au contraire, sont proposées des règles automatiques qui ne tiennent absolument pas compte de la situation conjoncturelle à laquelle répond la concertation.

Le but énuméré dans l'article 3 reste un objectif numérique : "La situation budgétaire des administrations publiques est dite en équilibre ou en excédent si le déficit structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 % du PIB." Les Etats sont de surcroît chargés de "converger rapidement" vers le quasi-équilibre des finances publiques.

Cette norme de 0,5 % qui remplace l'ancienne de 3 % serait de surcroît un non sens économique. L'économiste rappelle une autre règle d'or, celle dite des finances publiques, découverte par l'économiste français Paul Leroy Beaulieu au XIXe siècle. Elle considère que le déficit public peut être égal à l'investissement public, en considérant comme légitime que le coût d’un investissement soit réparti sur l’ensemble des périodes où celui-ci sera utilisé, les générations futures bénéficiant elles aussi des investissements réalisés. Selon cette règle, la France pourrait se permettre un déficit de 2,4 % de son PIB.

Divergences de calcul du déficit structurel

L'économiste soulève les problèmes méthodologiques qui entourent la définition du "déficit structurel". Le déficit structurel est le déficit corrigé du déficit conjoncturel. Ainsi, on retranche du déficit effectif la part du PIB impactée par la conjoncture économique. Par ses calculs, Henri Sterdyniak pense que l'écart de production actuel (entre la production potentielle et effective) s'élève à près de 9 % du PIB. La Commission jure de son côté que c'est 2,5 %. Pour cause, selon le point de vue de la Commission, quand il y a un ralentissement économique, cela affecte fortement la croissance potentielle dont elle révise l'estimation, faisant par là même chuter l'écart de production. C'est le résultat d'une vision braquée sur le déficit public. Le point de vue keynésien avance au contraire que la croissance potentielle est celle qui assure le plein emploi et se trouve donc nécessairement plus élevée.

Les estimations de la Commission varient ainsi beaucoup dans le temps. Au printemps 2008, par exemple, elle estimait que la France était à son niveau de croissance potentielle (1,9 % du PIB). Trois ans après, elle a rétroactivement révisé ces chiffres, en considérant que la crise avait affaibli autant la production potentielle que la production effective, exigeant donc par là même des efforts budgétaires plus conséquents et déconsidérant la nécessité d'une relance. Par conséquent, elle a finalement estimé qu'en 2007 la France était en excès, en surchauffe de 2,5 % du PIB.

Par ce genre de calcul, les Etats membres auront donc des efforts plus conséquents à faire pour ne pas voir le mécanisme automatique de correction s'activer. Le fonctionnement même de ce mécanisme serait un retrait d'autonomie de plus, puisque le mécanisme (hausse de TVA, hausse des cotisations sociales...) doit être agréé par la Commission et que des institutions indépendantes doivent être mises en place dans chaque pays. "Une politique budgétaire automatique interdit les politiques discrétionnaires alors qu'on en a eu besoin pendant la crise. Quand il y a un problème il faut pouvoir aider les banques, les secteurs en difficulté. Théoriquement avec cet accord, c'est interdit ", fait remarquer l'économiste. Toutefois, de la même manière que le Pacte de stabilité et de croissance a pu être allègrement violé, le Pacte budgétaire pourrait l'être tout autant. L'économiste n'est pas loin de penser que c'est un devoir : "On ne peut pas respecter des règles qui ne sont pas respectables. Le Pacte budgétaire n'est pas respectable. L'idée que les pays auront durablement des déficits nuls n'est pas cohérent avec les besoins de la croissance. La priorité est de faire comprendre aux peuples, aux syndicats, aux partis politiques, qu'il faut changer l'Europe et se donner un projet pour l'Europe."

La preuve que la Commission ne réfléchit pas à la relance serait apportée dans les articles 9 à 11 dans lesquels il est consigné que la promotion de la croissance ne doit se faire que grâce "au renforcement de la convergence et de la compétitivité" et non pas par la relance de l'investissement. "On demande aux pays de se battre par la compétitivité mais on n'érige pas de vraie stratégie de croissance", déplore l'économiste.

Ce dernier s'élève également contre une autre norme : l'obligation d'avoir un endettement inférieur à 60 %. L'endettement n'est pas forcément la traduction d'une politique dispendieuse. L'Italie et la Belgique ont depuis longtemps une dette avoisinant les 100 %, le Japon les 200 %, parce dans ces pays, les ménages épargnent beaucoup. Réduire cet endettement n'est donc pas forcément aisé, puisqu'il consisterait entre autres à rendre les ménages plus dépensiers. De même, la contraction de l'activité peut avoir un effet inverse. Avec la chute de l'activité, "le ratio dette sur PIB peut très bien augmenter au lieu de baisser", situation dans laquelle se trouvent notamment la Grèce et l'Espagne.

L'article 5, prévoyant qu'un pays indiscipliné puisse être soumis à une "Procédure de déficit excessif " n'est qu'un moyen amplifié pour la Commission de poursuivre son "objectif caché". L'Etat, en pareil cas, devrait soumettre son budget et un programme de réformes structurelles à la Commission et au Conseil, qui devront l’approuver et en suivre le mettre en place. L'objectif serait là aussi "d'imposer aux pays de mettre en œuvre des réformes libérales". Ces mesures ne nécessiteraient pas des trésors d'imagination. "Bien sûr ce qu'on appelle des réformes structurelles, c'est la remise en cause des marchés du travail, des services publics. Ce n'est jamais réduire l'importance des marchés financiers, imposer aux banques de faire du crédit aux entreprises qui créent de l'emploi, au lieu de spéculer sur les marchés financiers", avance Henri Sterdyniak.

L'article 7 laisserait peu de chances aux Etats d'échapper aux propositions de la Commission qui seraient automatiquement adoptées sauf si se dégageaient contre elles une majorité qualifiée, "le pays en question ne votant pas". Autrement dit un tiers des voix du Conseil suffirait. Pour que l'Italie s'exécute, par exemple, l'accord de l'Allemagne, de la Finlande et des Pays Bas serait suffisant.

Un Pacte pour la croissance égal à un dixième de l'effort de désendettement et un MES qui favorise la spéculation

Quant au pacte pour la croissance et pour l'emploi négocié par le président Hollande, il ne fait que promettre "55 milliards d'euros" déjà décidés, à côté de 60 milliards de prêts de la BCE. L'insignifiance du montant en jeu, égal à 120 milliards d'euros sur cinq ans, se révèle dans la comparaison avec la somme des mesures d'austérité équivalentes à 2 % du PIB européen par an, soit 240 milliards d'euros.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) ne trouve pas plus grâce aux yeux de l'économiste, d'autant plus dans sa version première. Pour être aidé, il faut adhérer et respecter le pacte budgétaire et donc s'engager à faire des réformes structurelles dont l'économiste a déjà dénoncé auparavant les effets.

Par ailleurs, les créances du MES sont déclarées prioritaires par rapport aux créances privées, assorties de surcroît d'une clause d'action collective. Selon cette dernière clause, le pays pourrait négocier avec ses créanciers une modification des conditions de paiement, applicable à tous dès qu'une majorité de créanciers accepte ses propositions. L'ensemble aurait pour conséquence que la dette des pays de la zone euro deviendrait spéculative puisqu'elle ne serait pas regardée comme sans risque par les institutions financières. Cette "rupture complète très dangereuse" semble toutefois remise en cause par la décision temporaire du Conseil européen du 29 juin 2012, selon laquelle le MES pourrait finalement intervenir pour recapitaliser les banques européennes, renoncer à ce statut de créancier privilégié et aider un pays qui a fait les efforts nécessaires, mais continue d’être attaqué, par un simple mémorandum d’accord.

"Si l'Allemagne a un excédent, elle est responsable du déficit en Espagne. Soit elle fait une politique plus expansionniste, soit elle investit en Espagne"

A la fin de ce réquisitoire, Henri Sterdyniak a résumé la solution qu'il entrevoit, devant une assistance qui allait ensuite, par ses questions, montrer sa perplexité vis-à-vis des contradictions qu'il a mises à jour : "Le problème de la zone euro est que perpétuellement on se refuse de prendre les mesures fortes qui permettraient de briser la spéculation des marchés, a-t-il déclaré. Si on veut que la zone euro continue, il faut que la dette publique redevienne ce qu'elle était auparavant, des actifs sans risque. Il ne faut pas que les gouvernements n'aient à craindre les marchés financiers quand ils prennent des décisions, que leur dette soit garantie par la BCE et qu'en période de récession la BCE maintienne des taux d'intérêts inférieurs aux taux de croissance. Enfin, il faut mettre en place une coordination économique poursuivant l'objectif du plein emploi. (…) Si l'Allemagne a un excédent, elle est responsable du déficit en Espagne. Soit elle fait une politique plus expansionniste, soit elle investit en Espagne." Il faut "militer pour une rupture en Europe, qui doit se donner pour objectifs l'emploi, le développement du modèle social européen et la préparation de la transition écologique."