Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG ou pacte budgétaire) vient tout juste d’entrer en vigueur après que 12 Etats membres l’ont ratifié. Or, il stipule, dans son article 13, que "le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité".
Les présidents des parlements nationaux des six pays fondateurs ont pris l’initiative de se réunir à Luxembourg le 11 janvier 2013 afin de commencer les travaux visant à mettre sur pied cette conférence. Leur objectif était d’esquisser les grandes orientations à lui donner sous la forme d’un document de travail qui sera soumis aux représentants des parlements des 27 Etats membres de l’UE, qui ont prévu de se réunir en avril prochain à Nicosie.
Les présidents du Bundestag et Bundesrat allemands, Norbert Lammert et Winfried Kretschmann, de l’Assemblée nationale française, Claude Bartolone, des deux Chambres des Etats généraux des Pays-Bas, Fred de Graaf et Anouchka van Miltenberg, et de la Chambre des représentants belge, André Flahaut, ainsi que les vice-présidents de la Chambre des députés et du Sénat italiens, Antonio Leone et Vannino Chiti, et du Parlement européen, Othmar Karas étaient présents. Laurent Mosar, président de la Chambre des députés, s’est réjoui d’avoir accueilli ses pairs à Luxembourg, et ce d’autant plus qu’ils sont parvenus à dégager un premier accord sur ce document de travail qui a été communiqué le 18 janvier 2013.
Les représentants des parlements se sont entendus sur le principe d’une réunion semestrielle de la conférence, une réunion par devant se tenir au moins une fois l’an au siège du Parlement européen à Bruxelles. La présidence de la conférence sera en principe assurée par l’Etat membre qui assurera la présidence tournante du Conseil de l’UE. Il a été décidé en effet que tous les Etats membres de l’UE seraient invités et pourraient assurer la présidence de cette conférence, et ce bien que le TSCG n’ait été signé que par 25 Etats membres de l’UE. Pour Laurent Mosar et ses pairs, c’est là une question de solidarité entre tous. Les parlements pourront aborder dans le cadre de cette conférence tous les sujets en lien avec les questions budgétaires, et ils pourront rédiger des avis qui seront toutefois non-contraignants.
Pour procéder, les représentants des parlements ont tiré les leçons de la récente mise en place de la Conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune. Sur le plan de l’organisation, il y aura donc sans doute beaucoup de points communs avec cette conférence, ainsi que l’a confié Laurent Mosar en évoquant notamment sa composition.
Comme l’a souligné André Flahaut, commencer le travail en petit groupe permet d’arriver avec une première prise de position commune, ce qui est essentiel étant donné la nécessité de trouver un accord praticable rapidement. Le président de la Chambre des représentants belge juge essentiel de rétablir la passerelle entre citoyens et institutions, et il est bien conscient que les parlements ont là un rôle à jouer pour contribuer à montrer que l’UE n’est pas une lointaine machine technocratique. Le rôle des parlements est à ses yeux de veiller au respect de la souveraineté nationale et de la dimension démocratique, sans se limiter à la dimension monétaire et financière. La conférence va offrir un espace pour discuter aussi des conséquences sociales des décisions qui sont prises, et ce sera donc une façon de revenir à l’esprit des traités, à savoir la solidarité. Côté français, on évoque la même nécessité de faire en sorte qu'il y ait un contrôle démocratique dans le TSCG, de façon à veiller, au-delà de la discipline budgétaire, à ce qu’on tienne compte de la cohésion sociale et de la croissance, deux aspects chers au gouvernement socialiste.
Les représentants des parlements ont eu au cours de la journée un échange avec le Premier ministre et président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, et ils n’ont pas manqué de s’en réjouir. André Flahaut s’est félicité notamment du "recadrage" effectué par Jean-Claude Juncker qui ne conçoit pas que la Commission puisse dire à des parlements nationaux qu’un budget n’est pas bon, mais qui juge en revanche normal qu’elle renvoie un projet de budget aux ministres, dans une relation d’exécutif à exécutif.
Lorsqu’on leur demande quelle marge laisse le TSCG aux parlements nationaux, les représentants des différents parlements affichent leurs différences. André Flahaut souligne l’existence de mécanismes pour discuter des décisions dans les parlements, mais aussi pour se concerter entre parlements, ce qui peut permettre de contrecarrer à la fois le Conseil, la Commission et l’administration. "Nous devons rester vigilants", indique cependant le député belge, conscient que les parlementaires ont des comptes à rendre. En fin de compte, il y a une marge de manœuvre selon lui : "c’est à nous d’exercer le pouvoir qui nous est donné en mettant en place l’instrument prévu à cet effet", conclut-il. Un peu plus tard, Laurent Mosar a tenu à souligner qu’avec le traité de Lisbonne, les parlements se sont vus doter de plus de compétences. Et s’il admet qu’il y avait jusque là un déficit en matière de politique budgétaire et financière, la mise en place de ce cette conférence va y remédier, pour autant que les parlements se saisissent de l’instrument qui leur est donné. Norbert Lammert, visiblement peu enthousiasmé par la question, a pour sa part clairement indiqué que le mythe de la fin de la souveraineté budgétaire était incompréhensible à ses yeux. "Avec le TSCG, nous avons décidé de fixer une limite au taux d’endettement des pays, point", a-t-il expliqué. Ainsi, pour lui, en-dehors de cette limite, les parlements disposent de toute leur marge, à savoir l’obligation d’assumer leurs responsabilités.