Dans la nuit du 26 au 27 juin 2013, les ministres des Finances de l’UE réunis pour un dernier Conseil ECOFIN sous présidence irlandaise qui avait été convoqué à l’issue de leur longue réunion du 21 juin dernier, sont parvenus à un accord sur le complexe dossier de la résolution de crises bancaires. Un dossier en discussion sur la base d’une proposition de la Commission présentée en juin 2012, il y a donc un an de cela, et qui constitue un des piliers de l’Union bancaire qui est en train d’être bâtie pierre à pierre.
L’approche générale qu’ont pu dégager les ministres au terme de longues heures de discussions va désormais servir de base à des négociations avec le Parlement européen, en vue d’un accord en trilogue escompté d’ici la fin de l’année 2013.
En parallèle, il va être question du système européen de garantie des dépôts, qui vient compléter l’architecture de l’union bancaire.
L’accord ouvre aussi le champ aux discussions sur un futur mécanisme unique de résolution qui doit aller de pair avec le mécanisme unique de supervision. La Commission doit mettre sur la table une proposition législative dans les prochaines semaines.
L’ambition du projet de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d'établissements de crédit et d'entreprises d'investissement est de rompre le lien entre banques et obligations souveraines en évitant à l’avenir que les contribuables aient à renflouer des banques en faillite, comme cela a dû être fait lors de la crise financière de 2008, avec le poids que cela a représenté pour les finances publiques de nombre de pays européens. Les actionnaires et créanciers de la banque seront désormais mis en contribution. Et un des éléments mis en avant dans le dossier est le fait que les dépôts des épargnants sont protégés jusqu’à 100 000 euros.
Le principe est de doter les autorités nationales d’outils et de pouvoirs communs pour anticiper les crises bancaires, agir à titre préventif et à un stade précoce et, si nécessaire, prendre des mesures de résolution.
Pour Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur, l’accord qui a pu être trouvé est "un compromis équilibré". Il se réjouit ainsi que les principes fondamentaux de la proposition de la Commission aient trouvé l’aval des ministres des Finances.
Son premier objectif était en effet de veiller à ce que la directive offre un cadre à la fois robuste et clair. Et il a été atteint de son point de vue puisque toutes les banques vont devoir préparer des plans de redressement en vue d’une éventuelle dégradation de leur situation financière, tandis qu’elles devront veiller à ce que toutes les étapes préventives soient bien prises en cas de faillite bancaire. Les autorités seront dotées de toute une panoplie d’instruments et de pouvoirs pour assurer que toute banque en faillite puisse être restructurée et liquidée de façon à préserver la stabilité financière et à protéger les contribuables. Des règles harmonisées seront établies pour déterminer comment les coûts de la faillite d’une banque seront répartis, à commencer par les actionnaires et les créanciers de la banque, avec le soutien en second lieu de fonds de résolution alimentés par le secteur bancaire, et non par les contribuables.
Autre cheval de bataille du commissaire dans ce dossier, le respect de l’intégrité et de l’unicité du Marché unique. Une préoccupation partagée par nombre d’Etats membres, parmi lesquels le Luxembourg. De ce point de vue, l’accord trouvé ne prévoit pas de différence fondamentale dans les règles qui encadreront les banques en difficulté des Etats membres de la zone euro et les autres. Toutes les banques de l’UE seront ainsi soumises à des dispositions harmonisées sur les modalités de résolution et de répartition des coûts, ce qui permettra d’éviter toute discrimination entre investisseurs, et de réduire la fragmentation des conditions de financement pour les banques opérant dans différents Etats membres. L’accord prévoit un certain degré de flexibilité de façon à laisser aux autorités nationales de résolution la possibilité de déroger aux règles pour certaines catégories de créanciers afin de protéger la stabilité financière. Une question qui était au cœur des dernières heures de négociations entre Etats membres et qui, selon Michel Barnier, a pu être résolue en offrant un cadre assez clair pour ne pas miner l’intégrité du marché intérieur.
La répartition des coûts d’une résolution a fait elle aussi l’objet de vives discussions lors de ce dernier round de négociations. Pour la Commission, il importait que les pertes des banques soient couvertes, dans la mesure du possible, par le secteur bancaire et les investisseurs privés. Selon le résumé que Michel Barnier a fait des dernières discussions, il existe un lien inextricable entre la capacité qu’une banque a de faire porter ses pertes à ses actionnaires et créanciers, entre la flexibilité qui est donnée pour exclure un créancier de cette contribution aux pertes, et entre le volume financier mis à disposition dans les fonds de résolution abondés par le secteur bancaire. Et le commissaire se réjouit que les négociations entre Etats membres aient permis d’aboutir à un équilibre entre ces trois paramètres.
L’accord trouvé dans la nuit du 26 au 27 juin prévoit notamment quatre mesures principales de résolution, à savoir, la vente de tout ou partie de l’établissement, la mise en place d’un établissement-relais qui consiste à transférer temporairement les bons actifs de la banque à une entité contrôlée par les autorités publiques, une séparation des actifs qui consiste à transférer les actifs douteux à une structure de gestion des actifs et enfin des mesures de renflouement interne, ce que l’on a appelé souvent le "bail-in" au cours des discussions, et qui consiste à imposer des pertes, selon un ordre de priorité, aux actionnaires et aux créanciers ordinaires.
L’instrument de renflouement interne va permettre aux autorités de résolution d’annuler ou de convertir en participations les titres des actionnaires et créanciers d’institutions en défaut ou sur le point de l’être. L’accord trouvé au Conseil prévoit que les dépôts des personnes physiques et des PME, ainsi que les engagements à l’égard de la BEI seront prioritaires sur les titres des créanciers ordinaires non-prioritaires et sur les dépositaires de grandes entreprises. Le système de garantie des dépôts, qui protège les dépôts jusqu’à 100 000 euros, aura un rang privilégié par rapport aux dépôts éligibles.
Certains instruments financiers sont exclus de cet instrument de renflouement interne, à savoir les dépôts couverts, les passifs garantis, qui comprennent les obligations sécurisées, les engagements envers les employés de l’établissement en défaut, les engagements provenant d’une participation à un système de paiement ayant une maturité inférieure à 7 jours, les dettes commerciales en lien avec des biens ou des services nécessaires au fonctionnement quotidien de l’établissement, et les engagements interbancaires d’une maturité initiale de moins de 7 jours.
Par ailleurs, les autorités nationales de résolution auront la possibilité d’exclure à titre discrétionnaire de cet instrument de renflouement interne tout ou partie de certains engagements dans plusieurs cas de figure : s’ils ne peuvent être libérés dans un délai raisonnable, s’il est nécessaire d’assurer la continuité de certaines fonctions critiques, pour éviter une contagion ou enfin pour éviter une destruction de valeur liée aux pertes portées par d’autres créanciers. Les pertes passeraient alors à créanciers suivants, tant qu’aucun créancier ne se retrouve avec des pertes pires que dans une procédure d’insolvabilité normale, bien les pertes seraient compensées par une contribution du fonds de résolution.
La directive prévoit que les Etats membres mettent en place des fonds de résolution ex-ante afin d’assurer que le bon fonctionnement des instruments de résolution. Ces fonds de résolution nationaux devront atteindre, d’ici 10 ans, un niveau équivalent au moins à 0,8 % des dépôts couverts de tous établissements de crédit autorisés dans leur pays. Pour atteindre cet objectif, les établissements de crédit devront faire des contributions annuelles basées sur leurs engagements, desquels sont exclus les fonds propres.
La directive prévoit une dérogation à cette règle afin de permettre aux Etats membres d’établir leur propre mécanisme de financement par des contributions obligatoires, sans mettre en place un fonds distinct. Mais les Etats membres devront toutefois lever dans ce cas la même somme et faire en sorte que ces fonds soient disponibles immédiatement sur demande de leur autorité nationale de résolution.
Les Etats membres sont libres de fusionner ou bien de séparer leur fonds de résolution et leur système de garantie des dépôts. Quel que soit leur choix, le volume combiné de ces deux fonds soit atteindre l’objectif fixé, en sachant que les Etats membres s’étaient entendus en juin 2011 pour que le système de garantie des dépôts atteigne l’équivalent 0,5 % des dépôts couverts. Les prêts entre fonds de résolution nationaux seront aussi possibles sur une base volontaire.
Les fonds de résolution seront disponibles pour apporter un soutien temporaire à des établissements en cours de résolution par des prêts, des garanties, l’achat d’actifs, ou du capital pour des établissements-relais. Ils peuvent aussi servir à compenser les actionnaires ou créanciers si leurs pertes en cas de renflouement interne dépassent les pertes qu’ils auraient subies selon une procédure normale d’insolvabilité.
Par ailleurs, le compromis arraché au Conseil prévoit une marge de flexibilité qui permet aux autorités nationales de résolution d’exclure, selon des critères stricts et uniquement à titre exceptionnel, des engagements et d’utiliser le fonds de résolution pour absorber des pertes ou recapitaliser une institution.
Cette possibilité est offerte à partir du moment où 8 % au moins des pertes sont assumées par les actionnaires et créanciers, ou bien, dans certaines circonstances, 20 % des actifs pondérés en fonction du risque d’une institution, si le mécanisme de résolution a à sa disposition des contributions ex ante qui atteignent au moins 3 % des dépôts couverts.
La contribution du fonds de résolution est par ailleurs plafonnée à 5 % maximum des engagements de l’établissement.
Dans les circonstances extraordinaires où ce plafond serait dépassé et où tous les engagements ordinaires et non prioritaires autres que les dépôts éligibles auraient contribué au renflouement, l’autorité de résolution pourrait chercher des financements alternatifs. Les commentaires qui ont suivi cet accord évoquent comme possibilité un ultime recours à l’ESM.