Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Union bancaire - Dans un entretien qu’il a accordé au Lëtzebuerger Land, Yves Mersch fait le point sur les préparatifs en cours en vue de mettre en place le mécanisme unique de supervision
21-06-2013


Dans son édition datée du 21 juin 2013, l’hebdomadaire d’Lëtzebuerger Land publie un entretien qu’Yves Mersch, ancien président de la BCL désormais membre du directoire de la BCE, a accordé à la journaliste Michèle Sinner.d'Land

Il y fait le point de façon détaillée sur la future Union bancaire, et notamment sur le mécanisme de supervision unique qui est en train d’être mis en place et dont la BCE va avoir la responsabilité. Mais il ne perd pas de vue les autres piliers de cette future Union bancaire, à savoir un futur mécanisme de résolution et un système européen de garantie des dépôts.

La mise en place du  mécanisme unique de supervision : incertitudes de calendrier et préparatifs en cours

Premier point abordé, le calendrier de mise en place du futur MSU. Yves Mersch explique en effet à la journaliste qu’il n’y a pas encore de certitude quant à la date à laquelle le Parlement européen va donner son feu vert au mécanisme. Pour rappel en effet, le Parlement européen s’est prononcé le 22 mai dernier en faveur de l’accord trouvé en trilogue en mars sur le futur MSU, mais il a réservé sa ratification formelle en la conditionnant à un renforcement de la responsabilité démocratique de la BCE par le biais d’un accord institutionnel. Dans ce contexte, les parlements nationaux doivent exprimer leur opinion, et Yves Mersch indique que si le Bundestag s’est prononcé récemment sur la question, le Bundesrat ne le fera pour sa part que le 5 juillet, soit au lendemain de la date à laquelle le Parlement européen pourrait voter en plénière avant l’été. Si le vote devait être reporté à septembre, le travail ne pourrait commencer effectivement qu’un an plus tard, soit en septembre 2014, imagine Yves Mersch.

Yves Mersch rapporte que les préparatifs battent leur plein, et ce notamment au sein du groupe de haut niveau présidé par Mario Draghi et auquel participent les représentants au plus haut niveau des instances de surveillance. Il y a aussi une task force qui a identifié les principaux domaines et a constitué cinq différents groupes de travail sur ces sujets.

Union bancaireIl s’agit ainsi par exemple de cartographier le système bancaire de la zone euro afin d’établir quelles banques la BCE va devoir superviser directement, et donc comment le contrôle des 6000 établissements bancaires de la zone va se répartir entre la BCE et les autorités nationales de supervision. Yves Mersch évoque plusieurs critères qui vont servir à établir cette cartographie : la quantité des actifs, avec des seuils fixés à 30 milliards d’euros ou à 20 % du PIB du pays, le fait d’être dans la liste des trois banques les plus importantes dans un pays, ou encore le fait d’avoir bénéficié d’une aide de l’ESM.

D’autres groupes de travail ont pour mission d’approfondir les questions juridiques, de développer le modèle de surveillance, ou encore de coordonner l’évaluation des institutions de crédit. Si la protection des consommateurs, les dispositions en matière de lutte anti-blanchiment vont rester aux mains des autorités nationales de surveillance, c’est la BCE qui va en effet est compétente pour surveiller le respect des règles en matière de capital et liquidité. Yves Mersch imagine toutefois que les autorités nationales de supervision auront une certaine marge de manœuvre pour se montrer plus actives, en matière de shadow-banking par exemple. Au Luxembourg, on s’assure que les fonds d’investissements respectent les règles européennes, note par exemple l’ancien président de la BCL. Mais, relève-t-il, la relation entre fonds et banque dépositaire peut être éventuellement source de risques pour la stabilité, et on ne sait pas clairement à ce stade s’il reviendra à la BCE ou aux autorités nationales de la surveiller. Il plaide pour sa part pour que l’autorité nationale s’en occupe dans un premier temps.

Un des enjeux des travaux est ainsi de parvenir à définir un modèle unique de surveillance en Europe, souligne encore Yves Mersch. En effet, jusqu’ici, certains ont pu procéder à une supervision plutôt quantitative, quand d’autres menaient une surveillance plus qualitative. Dans certains pays, personne ne met les pieds dans une banque, alors que dans d’autres, les personnes chargées de la surveillance sont sur le terrain tout au long de l’année, raconte Yves Mersch.

Yves Mersch évoque une réunion qui a rassemblé récemment les autorités nationales et les banques centrales et qui a été l’occasion de discuter des différentes procédures qui sont d’usage dans la pratique : dans certains pays, les experts-comptables externes ont un rôle important, d’autres surveillent plus les processus ou la méthodologie, quand d’autres encore se concentrent sur les contrôles de certains portefeuilles ou classes d’actifs. Au Luxembourg par exemple, on est convaincu que la proximité avec les banques est un élément important de la supervision, confie Yves Mersch.

Le constat est donc celui d’une grande hétérogénéité dans les pratiques. Or, il faut parvenir à trouver un moyen de surveiller les banques de la même façon, trouver un modèle dans lequel chacun s’y retrouve et qui tient compte des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Pour le moment, rapporte le membre du directoire de la BCE, la seule certitude en la matière est que des équipes de surveillance conjointes (JTS, pour Joint supervisory teams) vont être mises en place, et que leur coordinateur sera basé auprès de la BCE.

Des tests de résistance vont être menés afin d’évaluer la qualité des actifs bancaires avant les stress-tests que conduira l’Agence bancaire européenne (EBA), explique par ailleurs Yves Mersch. Reste aux Etats membres à déterminer quelles mesures seront prises pour les banques qui échoueraient à ces tests.

Un fonds de résolution devra être effectif aux côtés du MSU, et, en attendant, il faut trouver un accord sur la directive sur la résolution bancaire laissant aussi peu de marge que possible pour des exceptions dans les Etats membres

Et c’est pour cette raison qu’Yves Mersch juge essentiel d’avoir un fonds de résolution commun effectif dès que le mécanisme de supervision unique sera en place. La Commission doit soumettre une proposition dans ce sens dans les prochaines semaines. Pour Yves Mersch, une modification des traités ne serait pas nécessaire, comme l’avance le ministre allemand des Finances.

En attendant, pour pouvoir traiter les cas hérités du passé, il insiste sur la nécessité impérative d’arriver à un accord sur la directive sur la résolution bancaire, un dossier en souffrance au Conseil Ecofin qui n’est pas parvenu à dégager un accord lors de sa réunion du 21 juin.

Ce projet de directive vise à mettre en place un mécanisme de résolution bancaire et à établir l’ordre dans lequel les différentes parties doivent contribuer à un bail-in en cas de liquidation. Pour Yves Mersch, il doit y avoir une hiérarchie claire, et aussi peu de marge que possible pour des exceptions dans les Etats membres. Car si le résultat des âpres discussions qui divisent le Conseil doit être que chacun fait comme il l’entend, il y a un risque qu’il n’y ait pas assez d’argent en cas de faillite bancaire. Et le risque de devoir recourir aux fonds de résolution nationaux serait encore plus grand.

Le membre du directoire de la BCE souligne toutefois le consensus qu’il y a sur le fait que les actionnaires et détenteurs d’actions ordinaires sont en première ligne d’une part, et d’autre part sur la protection des épargnants détenteurs de moins de 100 000 euros. Entre ces deux catégories, il y a les actionnaires privilégiés et les épargnants ayant un dépôt supérieur à 100 000 euros, souligne Yves Mersch. Du point de vue de la BCE, les dépôts bancaires doivent avoir priorité sur les actions, ce qui revient à impliquer en dernier lieu les dépôts de plus de 100 000 euros, explique Yves Mersch à la journaliste. Tout simplement parce que les dépôts sont aussi sûrs et liquides que de l’argent en espèce et qu’ils peuvent donc être vendus à d’autres banques sans problème.

Quant au troisième pilier de la future Union bancaire, à savoir la garantie des dépôts, Yves Mersch le juge moins urgent si les deux autres piliers sont bel et bien mis en place, car le risque de devoir avoir recours aux fonds de garantie des dépôts nationaux en serait réduit. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les Etats membres n’ont pas besoin de fonds de garantie des dépôts, précise-t-il toutefois, en soulignant que le Luxembourg n’en est pour l’instant pas doté par exemple.