"Les règles de participation ont-elles permis une mise en œuvre efficiente du 7e Programme-cadre européen de recherche et du développement (PC) ? La Commission a-t-elle réussi à simplifier les processus du 7e PC sans compromettre la qualité des dépenses? La Commission a-t-elle bien géré la mise en place des nouveaux instruments ?" Ce sont les trois questions qui ont guidé la rédaction du rapport spécial (RS n° 2/2013) que la Cour des comptes européenne a rendu public le 7 juin 2013.
Le 7e Programme-cadre européen de recherche et du développement couvre la période 2007-2013. L’audit portait sur les règles de participation, sur les processus de la Commission et sur la mise sur pied de deux nouveaux instruments. Ce rapport spécial doit notamment guider la mise en place opérationnelle du prochain programme-cadre de recherche, dit Horizon 2020, couvrant la période qui s’étend de 2014 à 2020.
Ce qui est un des plus grands programmes de recherche au monde nécessite de très importants moyens. Il occupe plus de 2 500 agents dans les huit services de la Commission. Chaque année, environ 15 000 propositions sont évaluées, 2 500 nouvelles conventions de subvention passées et 10 000 paiements effectués. Plus de la moitié est géré de manière centrale par six directions générales, les autres notamment par l’Agence exécutive pour la recherche (REA), l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA), la BEI.
Le nombre de législations et de traditions nationales avec lesquelles il faut composer pose de nombreuses difficultés. "En raison du caractère transnational du 7e PC et de la participation conjointe d’entités des milieux universitaire et industriel aux différents projets, les membres d’un même consortium peuvent être soumis à des règles différentes sur le plan fiscal, juridique, comptable ou financier", lit-on dans le rapport spécial. Ainsi, les règles doivent être flexibles mais aussi précises pour éviter qu’elles soient mal interprétées.
Dès le début du 7e PC, la Commission avait présenté des mesures simplifiant la participation au programme-cadre. Elle entendait ainsi opérer la rationalisation des conditions d’accès (grâce à un meilleur équilibre entre les risques et le contrôle), l’optimisation des méthodes de remboursement des bénéficiaires pour leurs travaux de recherche (en recourant davantage aux taux forfaitaires et en simplifiant le modèle de financement fondé sur les frais réels), l’orientation des bénéficiaires dans le dédale du programme (par l’amélioration des documents d’orientation), l’alignement des dispositions sur les pratiques des bénéficiaires (par la certification des méthodes de calcul des coûts utilisées par les bénéficiaires) et l’adoption de mesures visant à éviter les doubles emplois et les incohérences.
Pour ce qui est de l’alignement des dispositions sur les pratiques des bénéficiaires, "les bénéficiaires n’ont guère adhéré au système de certification, les méthodes de calcul des coûts moyens de personnel ont été adoptées tardivement, les bénéficiaires doivent supporter seuls le risque d’interprétation erronée des dispositions du 7e PC et ces dernières ne reflètent pas toujours la pratique générale dans le domaine de la recherche", constate le rapport. La Commission avait estimé que 350 certificats seraient délivrés. Fin mars 2012, la Commission avait accepté 71 demandes de certification des méthodes, ce qui correspond à 20 % du nombre escompté.
En termes d’évaluation cohérente de la viabilité financière, les contrôles portant sur la qualité de la sélection et du suivi des projets "fonctionnent convenablement". Entre autres causes, "les projets sont sélectionnés par des experts compétents dans le domaine en cause et qui ne sont pas confrontés à un conflit d’intérêts susceptible de nuire à leur objectivité". Cependant, le modèle de contrôle financier du 7e PC ne tient pas suffisamment compte du risque d’erreurs, différant en cela de ceux des agences nationales de financement. Il s’ensuit que les chercheurs bénéficiant du 7e PC qui présentent un risque faible sont soumis à de trop nombreux contrôles. Les délais d’engagement sont encore plus longs pour le 7e PC que pour les agences nationales de financement, où ils sont en moyenne de cinq à sept mois. Ils ont néanmoins été ramenés à neuf mois en 2012, au moyen de bonnes pratiques louées par l’audit.
La Cour des comptes européenne constate que la Commission a rationalisé les conditions posées et amélioré ses documents d’orientation "de manière satisfaisante". Elle constate aussi que depuis son dernier audit, en 2004, la Commission a mis en place plusieurs nouveaux systèmes destinés à simplifier le processus d’exécution des subventions.
La Cour constate la difficulté de lutter contre les incohérences. 51 % des bénéficiaires ont affirmé qu’ils étaient, au moins occasionnellement, soumis à un traitement différent qui n’était pas justifié au regard du cadre juridique ou des caractéristiques du programme spécifique. "Le cas du 7e PC montre à quel point il est difficile d’atteindre l’objectif de l’EER consistant à améliorer la coordination par l’harmonisation des règles. Les bénéficiaires du 7e PC sont confrontés à des différences de traitement dues à la relative autonomie dont jouissent les directions générales de la Commission et les autres entités chargées de la mise en œuvre. Par ailleurs, les agences de financement pour les Fonds structurels ou pour les programmes nationaux jouissent d’un degré d’autonomie encore plus élevé. Une harmonisation des règles sera donc très difficile à réaliser, étant donné que celle-ci n’a pu l’être complètement dans le cadre des programmes pour lesquels la Commission est en mesure de prendre les décisions."
La gestion est jugée rigoureuse dans trois domaines, à savoir la conception des processus, les activités d’amélioration et les informations de gestion. Par contre, elle l'est moins en ce qui concerne les outils et les ressources. Il faudrait accorder une importance semblable à l’efficience, considère la Cour. "Celle-ci pourrait être considérablement améliorée par la mise au point de meilleurs outils de gestion des subventions, par la réaffectation de ressources humaines, par le raccourcissement des délais de traitement et par la mise en adéquation du modèle de contrôle financier avec le risque d’erreurs."
Le 7e PC a introduit deux nouveaux instruments par rapport au précédent programme. Ils "ont permis d’attirer des groupes de bénéficiaires particuliers, comme les petites et moyennes entreprises", constate la Cour des comptes.
Il y a d’abord les initiatives technologiques conjointes (ITC), qui sont des partenariats public-privé à long terme. Elles allient des investissements du secteur privé avec des financements publics européens et nationaux. Il existe des ITC bipartites entre l’UE et des associations industrielles et d’autres tripartites quand un ou des Etats membres y participent également. La contribution de l’UE pour cet instrument aura été de 3 milliards d’euros durant le 7e programme-cadre.
"Les modalités de participation montrent que les ITC ont réussi à susciter l’intérêt d’une grande variété de bénéficiaires et que leurs appels à proposition ont permis de rétablir l’équilibre entre le secteur universitaire et le secteur privé en attirant davantage de participants issus de ce dernier que ne l’ont fait les appels lancés dans le cadre du programme spécifique 'Coopération'", constate la Cour des comptes européenne.
Néanmoins, il resterait des lourdeurs administratives décourageantes. Pour cause, une ITC doit appliquer un règlement financier similaire à celui des institutions de l’UE, tandis que le statut des fonctionnaires s’applique à leur personnel. Ainsi, un certain nombre de fonctions doivent être pourvues dans chaque ITC (protection des données, sécurité informatique, coordination du contrôle interne, audit interne, comité du personnel, etc…), exigences jugées par la Cour "difficiles à satisfaire dans une entité qui emploie entre 13 et 31 personnes".
Le mécanisme de financement avec partage des risques (MFPR) est un instrument financier qui a pour but d’améliorer l’accès au financement par emprunt des investissements dans la recherche et développement, à des conditions acceptables pour les entreprises privées et les institutions publiques qui promeuvent les activités dans ce domaine. Les MFPR ont ainsi été créés pour soutenir les activités d’innovation proches du marché dans le but de stimuler la participation de l’industrie. Fin 2011, 96 opérations pour un montant total de 9,5 milliards d’euros avaient été approuvées à ce titre.
La Cour des comptes constate que "la couverture géographique du MFPR est également très diversifiée". Fin 2011, 21 pays différents étaient concernés. Mais trois États membres (Allemagne, Espagne et Suède) représentaient plus de la moitié du total.
Toutefois, d’après l’audit, la Commission n’a pas suffisamment fait la preuve que les financements octroyés par l'intermédiaire de ce mécanisme donnaient lieu à des investissements supérieurs à ceux que les bénéficiaires auraient réalisés sans aide publique.
"Le cas du 7e PC montre à quel point il est difficile d’atteindre l’objectif de l’EER consistant à améliorer la coordination par l’harmonisation des règles", conclut la Cour des comptes européenne. "Le bien-être économique à long terme de l’Europe passe nécessairement par une recherche de qualité supérieure, et la Commission va clairement dans le bon sens", a par ailleurs souligné Ladislav Balko, membre de la Cour responsable du rapport, selon le communiqué de presse diffusé le jour de la présentation du rapport. "Mais en période de pression croissante sur le budget de l'Union, la Commission doit rationaliser sa gestion du programme-cadre. En mettant en œuvre nos recommandations, la Commission peut non seulement améliorer sa propre efficience, mais aussi réduire la charge administrative qui pèse sur les chercheurs et, partant, rendre le programme-cadre plus efficace."
Le communiqué de presse résume ainsi les recommandations de la Cour des comptes européennes :
"– s’agissant des règles de participation, la Commission devrait consentir des efforts supplémentaires pour s’assurer que les pratiques des bénéficiaires peuvent être utilisées dans le cadre d' "Horizon 2020" et pour gérer le 7e PC de façon plus cohérente;
– pour améliorer la gestion des processus, la Commission devrait déployer des outils informatiques intégrant toutes les fonctionnalités et examiner le problème des déséquilibres en matière de charge de travail du personnel;
– pour raccourcir les délais de traitement, la Commission devrait veiller à ce que les processus soient automatisés et appliqués de manière uniforme dans tous ses services;
– la Commission devrait s’assurer que les contrôles qu’elle opère avant et après paiement soient davantage fondés sur une analyse des risques afin de mieux orienter ses activités de contrôle;
– le Conseil de l'UE, le Parlement européen et la Commission devraient rendre le cadre juridique des initiatives technologiques conjointes plus adapté aux effectifs de celles-ci. Afin de maximiser l'incidence du mécanisme de financement avec partage des risques, la Commission devrait démontrer qu’elle cible les bénéficiaires ayant difficilement accès au financement."