L’utilisation des huiles alimentaires pour la production d'agrocarburants aurait un impact non négligeable sur l’évolution des prix alimentaires selon une étude du Centre commun de recherche (CCR) de l'UE, publiée le 5 septembre 2013.
Présenté à la veille d'un vote sur le sujet au Parlement européen, le travail du laboratoire de recherche scientifique et technique de la Commission européenne met en évidence un aspect peu évoqué de l’impact de la politique de l’UE en faveur du développement des agrocarburants, déjà controversés en raison des changements d’affectation des sols dont ils sont à la base (la déforestation ou l’utilisation de cultures vivrières pour fabriquer des agrocarburants): celui de son impact sur les prix des produits alimentaires.
L’utilisation d’huiles végétales (palme, colza ou soja notamment) et également de cultures céréalières dans le domaine de la production d'agrocarburants, conduirait en effet à une plus faible disponibilité de ces produits pour l’alimentation, et par ricochet, mènerait à une hausse de leurs prix, estiment les auteurs du rapport. Ceux-ci ont établi trois scénarios fictifs, qu’ils ont comparés avec un scénario de base, à politique inchangée, pour évaluer les évolutions potentielles d’ici à 2020.
Alors que l’objectif de l’UE est d’atteindre l’objectif d’au moins 10 % de sa consommation finale de carburants dans les transports avec des énergies renouvelables (électricité verte et biocarburants) en 2020, le premier scénario table sur une limitation de la part des agrocarburants dans les transports à 8 %. Le second, qui se base sur la proposition actuelle de la Commission européenne, prévoit de limiter l’utilisation des agrocarburants de première génération (DEFINIR) à 5 %, et enfin le dernier scénario prévoit l’abandon de toute politique de soutien.
Dans les trois scénarios, l’impact sur l’utilisation des cultures céréalières dans la production d'agrocarburants n’est pas négligeable: elle diminuerait d’environ 10 % dans le premier scénario, de 25 % dans le second et jusqu’à 50 % en l’absence de politique de promotion, estiment les auteurs. L’effet sur les prix est cependant jugé très limité par le rapport qui souligne que, même à politique inchangée, la part des cultures céréalières dans la production d'agrocarburants ne dépasserait pas 6 à 8 % en 2020.
En revanche, l’impact sur le coût des huiles végétales serait très important. Le CCR a en effet calculé que, dans le scénario de référence, en 2020, plus de la moitié des huiles végétales consommées dans l’UE seraient consacrées aux agrocarburants. Dès lors, "le moindre recul dans la production de biodiesel se répercutera fortement sur le marché des huiles végétales", écrivent les auteurs.
Dans le premier scénario, le recours aux huiles végétales pour la production de carburants serait ainsi inférieur de 15 %, de 28 % dans le deuxième et même de 75 % dans le cas d’absence de soutien politique. Les prix déclineraient ainsi fortement par rapport à ceux du scénario de base, respectivement de 8 %, 17 % et 48 % selon les trois scénarios fictifs. Dans le reste du monde, le coût des huiles végétales connaîtrait aussi une baisse importante (8 % si les propositions de la Commission européennes sont retenues, 15 % dans le cas du troisième scénario), bien que significativement moins importante qu’en Europe. En effet, au niveau mondial, à peine 17 % des huiles végétales consommées sont consacrées à produire des agrocarburants, constate le rapport.
Ces résultats sont cependant contestés par de précédentes études, en particulier du côté des producteurs. Une étude réalisée pour ePURE, l'association européenne des producteurs d'éthanol renouvelable, publiée en août 2013, indique ainsi que "les conséquences historiques de la demande de l'UE en biocarburants jusqu'en 2010" ont seulement fait grimper les prix des céréales "d'environ 1 à 2 %, sans limitation de la production de biocarburants d'origine agricole, et pourraient donner lieu à une nouvelle hausse de 1 % d’ici 2020".
En matière de changement d’affectation des sols indirect (CASI), l’étude du CCR précise encore qu’en l’absence de politique de promotion des agrocarburants, en 2020, près de 6 millions d’hectares pourraient être consacrés à d’autres productions qu’à celle des agrocarburants. Dans le cas des propositions de la Commission (scénario 2), ce sont quelque 2,8 millions d’hectares qui seraient épargnés en 2020, et enfin, dans le premier scénario, il y aurait environ 1,8 million d’hectares de cultures en moins.
Le 11 septembre 2013, le Parlement européen votera sur la question.