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Agrocarburants – La commission parlementaire de l’Environnement plaide pour introduire le facteur de changement indirect d’affectation des sols dans la directive relative à la qualité des carburants et la promotion des énergies renouvelables
11-07-2013


biofuels source: commissionLe 11 juillet 2013, la Commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen s’est positionné visant à réorienter la politique en matière production d’agrocarburants.

Par 43 voix pour, 26 contre et une abstention, la commission ENVI a adopté son avis sur la proposition de directive relative à la qualité des carburants et la promotion des énergies renouvelables. Elle introduit notamment l’application du facteur CASI, prenant en compte le changement indirect d’affectation des sols, à la fois dans la directive " Qualité des carburants " à partir de 2020 et dans les critères de durabilité de la directive " Énergies renouvelables ".

Le facteur CASI

Présentée par la Commission européenne, le 17 octobre 2012, cette proposition a pour but de modifier les directives "qualité des carburants" (98/70/CE) et "Énergies renouvelables" (2009/28/CE) afin de limiter la conversion de terres en cultures destinées à la production de biocarburants. Lors de l'adoption du paquet Climat en décembre 2008, l'Union européenne s'était fixé l’objectif de porter à 10% la part d'énergies renouvelables dans le secteur des transports d’ici 2020. Par sa proposition, la Commission européenne entendait limiter les agrocarburants dits de première génération, produits à base de cultures alimentaires (blé, maïs, betteraves, colza), en plafonnant leur part dans le secteur des transports à 5 %, afin de favoriser les agrocarburants dits de seconde génération, produits notamment à partir d’algues et de déchets.

La proposition de directive entendait ainsi prendre en compte les nuisances pour le climat provoquées par la production d’agrocarburants de première génération, à base de cultures alimentaires. La conversion de forêts, capteuses de CO2, en terres arables peut ainsi abolir une partie des effets positifs des biocarburants. Le facteur CASI, pour changement indirect d’affectation des sols, mesure cet effet contre-productif. Sa prise en compte conduit notamment à attribuer au biodiesel un très mauvais indicateur environnemental.

Dès  l’adoption du Paquet Climat, le Parlement européen avait demandé à la Commission européenne un rapport vérifiant l’impact des changements indirects d’utilisation des sols sur les émissions de gaz à effet de serre et l’avait initiée à chercher des moyens de minimiser cet impact.

La proposition de la Commission européenne repose sur une étude réalisée par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Elle avait à l’époque provoqué, aussi bien sur la scène européenne que luxembourgeoise, une levée de boucliers immédiate de la part des industriels qui contestaient la validité scientifique de l’étude.

Une clause de flexibilité pour les Etats membres

En charge de l’avis définitif, qui sera soumis au vote des eurodéputés lors de l’assemblée plénière de septembre 2013, la commission ENVI entend introduire l’application du facteur CASI dans le calcul des réductions d'émissions de gaz à effet de serre fois dans la directive "Qualité des carburants" à partir de 2020 et dans les critères de durabilité de la directive "Énergies renouvelables".

Son paquet de mesures se veut un compromis avec les positions défendues par la Commission Industrie (ITRE). Elle propose de limiter à 5,5 % la part des agrocarburants de "première génération", utilisables dans les transports d'ici à 2020, taux compris entre celui imaginé par la Commission européenne et celui retenu par la commission parlementaire ITRE (6 %). La part des biocarburants de seconde génération devra atteindre au moins 2 %. A la nuance près que "ce développement ne devra ni priver d'autres secteurs de matières premières, ni déstabiliser la politique européenne en matière de déchets, de forêts, ni avoir un impact négatif sur la biodiversité", lit-on dans le communiqué de presse du Parlement européen.

"Maintenant les négociations vont débuter avec la commission ITRE en vue du vote du Parlement prévu lors de la première session plénière de septembre. Je serai attentive à ce que l'industrie ait le temps pour s'adapter, et je proposerai des compromis dans ce sens en session plénière", a déclaré Corinne Lepage.

Le rapport adopté par la Commission ENVI prévoit une clause de flexibilité pour les Etats membres qui n'arriveraient pas à 10 % d'énergies renouvelables. "Ceux qui sont à 3 % peuvent travailler avec ceux qui sont à 6 %. Le plafond n'est pas un absolu, on peut produire plus, mais pas dans les mêmes conditions. (…) Il faut trouver un juste milieu entre le sérieux vis-à-vis de l'environnement et le sérieux vis-à-vis des industriels qui ont investi", a dit encore Corinne Lepage, ainsi que le rapporte l’Agence Europe

Réactions diverses

A l’issue du vote de la commission parlementaire de l’environnement, les premières réactions d'industriels furent critiques. Dans un communiqué de presse, le premier producteur européen de biodiesel, le français Sofiprotéol s’est inquiété "des conséquences sociales et industrielles" de ce vote. Il conteste le facteur CASI qui "ne repose actuellement sur aucun consensus scientifique. Il s'appuie essentiellement sur une étude américaine, celle de l'Ifpri, contestée par de nombreux scientifiques et dont l'auteur lui-même a récemment souligné la fragilité".

Néanmoins, Corinne Lepage estimait en amont de la réunion de la Commission Environnement, qu’il n’était pas possible d’ignorer le facteur CASI au vu des intérêts financiers en jeu : "Ignorer ce problème risque de saper la crédibilité de l’Union européenne dans la lutte contre le changement climatique et la légitimité de l’aide financière à l’industrie", de dix milliards d’euros, avait-elle dit. Du côté des ONG, les réactions sont partagées, comme le rapporte l’Agence Europe. Ainsi, la WWF, par la voix de son experte en énergies renouvelables, Imke Lübbeke, juge que, "en décidant d'appliquer à deux directives la pleine prise en compte des impacts climatiques des émissions de biocarburants liées aux changements d'affectation des terres, les députés ont donné au marché les incitants adéquats pour qu'ils produisent des biocarburants plus propres".

"Le vote est loin de ce qu'il faudrait pour donner un coup de frein à la demande croissante de biocarburants permettant une politique expansive, vouée à l'échec puisqu'elle alimente la faim et l'accaparement des terres dans les pays pauvres. Dans un monde où presque 900 millions de gens vont se coucher la faim au ventre, le soutien aux biocarburants devrait être éliminé", a estimé pour sa part Marc-Olivier Herman, expert en biocarburants du bureau d'Oxfam auprès de l'UE.

Au niveau national, des ONG luxembourgeoises avaient adressé, le 7 juin 2013, au ministre de l’Économie, au ministre délégué au Développement durable et aux six eurodéputés luxembourgeois, une lettre ouverte estimant "urgent d’agir pour arrêter l’expansion de la production d’agrocarburants qui n’apportent que peu ou pas de bénéfices pour la protection du climat, tout en mettant une pression supplémentaire sur la production des denrées alimentaires".