Le 4 décembre 2013, la Commission européenne a présenté une proposition de recommandation relative à un cadre de qualité pour les stages. Elle y propose des lignes directrices visant à permettre aux stagiaires "d’acquérir une expérience professionnelle de haute qualité, dans des conditions sûres et équitables, et à augmenter leurs chances de trouver un bon emploi", comme on le lit dans le communiqué de presse diffusé à cette occasion.
"Les stages sont essentiels pour améliorer la capacité d'insertion professionnelle des jeunes et leur permettre de passer en douceur de l'école au monde du travail. Il est inadmissible que certains stagiaires soient actuellement exploités comme main-d’œuvre gratuite ou bon marché", a déclaré dans ce contexte László Andor, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion.
Demandé par Parlement européen en juin 2012, puis par le Conseil européen dans ses conclusions de juin 2013, qui avait affirmé que "le cadre de qualité pour les stages devrait être mis en place au début de 2014", cette initiative avait aussi été mentionnée comme une des douze mesures prévues dans le Rapport 2013 sur la citoyenneté de l’Union, présenté en mai 2013.
Cette recommandation s’inscrit clairement dans la lutte contre le chômage des jeunes, le stage étant considéré une "porte d’accès majeure des jeunes au marché du travail". La Commission européenne avait d’ailleurs affiché sa volonté d’agir à ce sujet dans le cadre du "Paquet emploi jeunes", qu’elle a présentée en décembre 2012. Elle avait en effet lancé à cette occasion une deuxième phase de la consultation des partenaires sociaux européens au sujet de ce cadre de qualité pour les stages, après une première phase lancée le 18 avril 2012 dans le cadre de sa communication intitulée Vers une reprise génératrice d’emplois.
Le cadre de qualité se veut aussi un soutien à la mise en place d’une Garantie pour la Jeunesse, adoptée en avril 2013, que les Etats membres sont actuellement tenus de mettre en place. Cette Garantie pour la jeunesse désigne le stage comme une des quatre mesures "de qualité" que chaque Etat membre est dans le devoir de fourni à un jeune de moins de 25 ans dans les quatre mois qui suivent sa sortie de l'école ou son inscription au chômage. Elle "figure parmi les réformes structurelles les plus importantes et les plus urgentes que les États membres doivent mener à bien pour enrayer le chômage des jeunes et faciliter leur passage du système éducatif au monde du travail", rappelle d’ailleurs la Commission européenne dans son document. L’initiative pour l’emploi des jeunes encouragera pour sa part les stages dans le contexte de la garantie pour la jeunesse, en ciblant les jeunes des régions de l’Union les plus touchées par le chômage des jeunes.
Le cadre de qualité des stages doit aussi développer la mobilité des stagiaires. Le nombre de stages transnationaux reste "très faible", d’autant plus au regard du "taux de mobilité très élevé" parmi les étudiants, notamment via le programme Erasmus. "Il y a là une belle occasion manquée de réduire le chômage des jeunes par la mobilité", constate le document. Ce développement des stages transnationaux et soutiendrait par ailleurs l'extension d'EURES aux stages, comme l’a demandé le Conseil européen dans ses conclusions de juin 2012, signale également la Commission européenne.
La recommandation prévoit en réponse l’application du cadre de qualité pour les stages avant la fin de 2014. Il ne s'applique pas aux stages qui font partie d'un cursus universitaire ou qui sont obligatoires pour accéder à une profession spécifique
Les consultations, menées à partir d’avril 2012 puis décembre 2012, ont permis de relever deux problèmes majeurs : le contenu d’apprentissage insuffisant et de mauvaises conditions de travail. Une enquête Eurobaromètre publiée le 26 novembre 2013 a par ailleurs révélé qu’ "un stage sur trois présente une qualité inférieure aux normes en matière de conditions de travail ou de contenu d'apprentissage", souligne la Commission européenne. On apprenait également dans cette enquête que près de six stagiaires sur dix (59 %) n'ont eu droit à aucune indemnité lors de leur dernier stage ou encore que moins de la moitié des stagiaires rémunérés considèrent que les sommes versées suffisaient à couvrir leurs frais de subsistance.
Les conditions règlementaires varient néanmoins beaucoup "d’un type de stage à l'autre et d’un État membre à l’autre", comme dit la Commission dans sa proposition. "D'un côté, lorsque la réglementation existe, elle prescrit des éléments qualitatifs et des modalités d’application différents; de l'autre, les stages sont encore largement non réglementés dans certains États membres et secteurs d’activité. Une part non négligeable des fournisseurs de stages se sert des stagiaires comme d’une main-d’œuvre bon marché, voire non rémunérée, une pratique souvent liée à l’absence d’un cadre ou d’un instrument réglementaires ou à l’opacité concernant les conditions de travail des stagiaires et le contenu d’apprentissage des stages."
Les lignes directrices permettraient d'accroître la transparence des conditions dans lesquelles sont réalisés les stages. Il serait ainsi possible d’exiger que ceux-ci soient régis par une convention écrite, décrivant le contenu de l’apprentissage (objectifs pédagogiques, supervision) et les conditions de travail (durée limitée, temps de travail). Des clauses devraient indiquer si les stagiaires recevront une rémunération ou une autre forme d'indemnisation et s'ils bénéficieront de la sécurité sociale). Le stage devrait également avoir une durée qualifiée de "raisonnable".
La proposition de recommandation souligne l’intérêt qu’il y a lieu à améliorer la qualité des stages. Les aspects contre-productifs, notamment en termes sociaux, de ces stages de mauvaise qualité sont en effet nombreux : "Des coûts socioéconomiques surviennent lorsque les stages (notamment à répétition) se substituent aux emplois à part entière, en particulier pour les postes de premier échelon généralement réservés aux jeunes. En outre, les stages de mauvaise qualité, et plus particulièrement ceux à faible contenu d’apprentissage, n’entraînent pas de gain de productivité significatif et ne produisent pas d’ 'effet de signal' positif. Le coût social se traduit aussi par le fait que les stages non rémunérés risquent de limiter les possibilités de carrière des personnes issues de milieux défavorisés", lit-on dans le texte.