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Le président de la Chambre des salariés, Jean-Claude Reding, conteste la pertinence des indicateurs utilisés dans le cadre de la gouvernance économique européenne
28-01-2014


csl-redingLa traditionnelle réception de nouvel an de la Chambre des salariés (CSL) se tenait le 28 janvier 2014 au Cercle à Luxembourg. Son président, Jean-Claude Reding a débuté son discours par la remise en cause de la pertinence des indicateurs économiques utilisés dans le cadre de la gouvernance économique européenne, que ce soit le Semestre européen ou la procédure de correction des déséquilibres macro-économiques. Pour cause, ces indicateurs noircissent la situation économique du pays.

Jean-Claude Reding a abordé ce thème parce que le Luxembourg va être confronté à une série de "réformes structurelles importantes" qui "viennent en partie de contraintes fixées au niveau européen", a-t-il précisé. Certes, la coordination des politiques économiques et budgétaires, est "nécessaire" mais elle est agencée de telle sorte qu’elle "a conduit à une politique d’austérité générale" et "a contribué à ce que les pays européens ne soient pas vraiment sortis de crise", a-t-il dit, regrettant que "nous nous sommes mis un étroit carcan juridique, dont nous n’arrivons pas à nous défaire".

Il a appuyé sa critique des indicateurs européens en renvoyant à la récente Note de conjoncture du service national de statistiques, le STATEC, publiée le 23 janvier 2014 qui a émis un doute sur l'approche "one size-fits-all" choisie par la Commission, "d’autant plus à la lumière du caractère particulier de l'économie luxembourgeoise, une petite économie très ouverte et un centre financier de premier plan", selon les mots de l’étude.

Ainsi, à la suite du STATEC, Jean-Claude Reding a déploré que les procédures budgétaires se basent sur l’indicateur du solde structurel, "qui n’est tout simplement pas mesurable, et qui est souvent révisé l’année qui suit". Or, au moment de cette révision, "il est trop tard, car la mauvaise politique budgétaire est déjà transposée".

Le président du CSL a souligné que la critique de cet indicateur, mais aussi d’autres, est souvent partagée par les officiels, mais reste sans suite. "Malheureusement, on se base trop souvent sur ces indicateurs pour prendre des décisions politiques. Il est important que les politiciens n’abandonnent pas ce débat aux seuls techniciens et technocrates", a-t-il dit.

La CSL a en tout cas agi en transmettant ses réflexions sur la correction des déséquilibres macro-économiques et sur d’autres dossiers européens à la Chambre des députés dans le cadre de la consultation européenne des Parlements nationaux. D’ailleurs, la CSL a mis sur pied une Commission aux affaires européennes, qui s’occupe en permanence des questions européennes, a-t-il annoncé.

Le président de la CSL recourt au PIB en valeur, comme la CSL l'avait notamment fait, en novembre 2012, dans son avis sur le budget 2013 de l'Etat, il 'avait déjà fait our signaler que la situation économique du Luxembourg fut bonne en 2013. Pour les trois premiers trimestres 2013, il y a eu officiellement 2,1 % de croissance du PIB, ce qui constitue le cinquième meilleur résultat dans l’UE. Le PIB en valeur a pour sa part augmenté de 6,6 %, soit la deuxième meilleure performance de l’UE. "Entre ces deux PIB, il y a une différence énorme au Luxembourg. Nous ne pouvons plus l’ignorer, également parce que les recettes de l’Etat sont davantage liées au PIB en valeur", a souligné Jean-Claude Reding.

Or, s’il souligne l’intérêt des situations de contraintes budgétaires pour mener "des discussions de fonds sur la politique et la société que nous voulons durant les prochaines années", il estime que ces discussions, ne doivent pas seulement être menées sur les dépenses mais aussi sur les recettes. Cela d’autant plus parce que la CSL estime que le Luxembourg n’a pas connu d’explosion des dépenses. Elles sont au contraire restées constantes par rapport au PIB des dernières années, abstraction faite d’une progression mécanique due à la crise. Jean-Claude Reding conteste le constat récemment dressé par le patronat, selon lequel le Luxembourg dépenserait trop pour son Etat social, en l’occurrence le double par habitant que la somme dépensée en moyenne dans l’UE. Il s’agit d’une "tactique politique" consistant à oublier sciemment de prendre en compte dans ces calculs, la moitié des salariés, à savoir les frontaliers, ainsi que leurs enfants.

"Tactique politique" autour des dépenses sociales luxembourgeoises

En termes de dépenses sociales, avec 23 % du PIB, le Luxembourg se situe au contraire en dessous de la moyenne européenne en 2013 et des dépenses effectuées par ses voisins que sont la France (33 %), l’Allemagne (26 %) et la Belgique (33 %). L’Etat social est garant de la cohésion, a rappelé Jean-Claude Reding avant de mettre en garde contre le concept de sélectivité sociale. Un bon Etat social ne doit pas seulement être là pour les plus pauvres mais aussi en soutien à la classe moyenne, au contraire de ce qui fut décidé pour les aides financières aux études supérieures, a-t-il dit. Le président de la CSL a rappelé une alerte lancée récemment par le sociologue de l’Université du Luxembourg, Louis Chauvel, selon laquelle les classes moyennes se polarisent en un groupe riche et un groupe pauvre et qu’à terme elles risquent la disparation.

En termes de recette, Jean-Claude Reding souhaite que la "capacité contributive" revienne au centre de la politique fiscale. Il faudrait plutôt miser sur une réforme fiscale globale qui réduise les injustices durables du  système fiscal, entre ménages et entreprises, salaires et capital,  et à l’intérieur des ménages. Ce serait par exemple une question de "justice élémentaire" de taxer, à l’avenir, davantage les très hauts salaires. Au contraire, il ne convient pas d’augmenter "l'antisociale TVA", comme l'envisage le gouvernement. Cette hausse pénaliserait davantage les moins fortunés. Selon les premiers éléments d’une étude commandée par la CSL à l’Institut allemand de recherche économique à Berlin, elle ponctionnera 1 % du revenu net des ménages appartenant au groupe des 10 % les moins fortunés. Pour les 10 % qui à l’inverse, jouissent du plus de revenu, l’impact sera limité à 0,6 %. Il a par ailleurs souligné que si cette hausse de la TVA devait se concrétiser, elle ne devrait pas intervenir avant la prochaine tranche d’indexation des salaires qui doit intervenir en octobre 2014, faute de quoi elle l’annulerait. Le président de la CSL a, dans ce contexte, prévenu que la manipulation de l’indexation des salaires se prolonge au-delà de 2014. "Dans la situation économique actuelle, il n’y a aucune raison pour [la] poursuivre."

Le président de la Chambre des députés, Mars Di Bartolomeo, a expliqué que lors d’une récente entrevue avec le président de la CSL, il fut décidé de "systématiser" la collaboration entre les deux Chambres dans tous les dossiers, mais principalement les dossiers européens.

En s’occupant très tôt des dossiers sensibles préparées dans l’UE, il est possible d’influer sur les décisions européennes et ainsi « court-circuiter l’idée courante dans l’opinion publique que les mauvaises choses viennent de Bruxelles et que nous ne pouvons rien y changer", a-t-il dit, en soulignant les nouveaux instruments apportés par le traité de Lisbonne pour ce faire.

"Nous voulons le faire particulièrement dans les dossiers sociaux, car il y a un peu plus d’esprit social actuellement au niveau européen, et au nom de la recherche de la crédibilité", a-t-il ajouté en soulignant que les pays disposant d’un bon système social sont ceux qui sont le mieux sortis de la crise.

csl-bettelConcluant les discours, le Premier ministre, Xavier Bettel, a dessiné le défi économique auquel est confronté le Luxembourg, fait "de problèmes financiers, d’une dette de l’Etat exceptionnellement haute, d’un chômage élevé". A politique inchangée, la dette atteindrait 15 milliards d’euros en 2016. Le gouvernement entend donc "réformer là où c’est nécessaire, économiser là où c’est possible",a-t-il déclaré. Pour mener cette tâche à bien, le gouvernement a besoin d’un "soutien de la population et des partenaires sociaux". Ces derniers sont invités à des "discussions sans tabous".

En termes de réforme, le Premier ministre a expliqué que le gouvernement entendait flexibiliser les contrats de travail à durée déterminée, flexibilisation par laquelle "manifestement de nouveaux emplois créés". Ce n’est "pas une menace pour les syndicats ni une carte blanche pour le patronat", a-t-il fait savoir. Le gouvernement ne se situe ni d’un côté, ni de l’autre, a-t-il expliqué. "Nous ne sommes pas pro-syndicats ou pro-patronat. Nous sommes pro-population et nous sommes contre le chômage."