La commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen s’est prononcée en faveur de règles contraignantes claires en matière d’opérations de recherche et de secours et de débarquement de migrants lors d'opération en mer en approuvant, le 20 février 2014, le rapport de l’eurodéputé portugais Carlos Coelho (PPE) par 35 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.
Cette décision à l'intention des États membres participant aux opérations Frontex (l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne) prévoit des règles claires, actualisées et contraignantes à appliquer dans le cadre desdites opérations. Celles-ci sont donc censées permettre un travail plus efficace de Frontex ainsi que d’assurer une meilleure protection des droits fondamentaux des migrants en renforçant notamment les principes de non refoulement et en renforçant les procédures lorsqu’un débarquement est envisagé.
"Nos principaux objectifs ont été atteints: nous disposons de mesures contraignantes sur les opérations de recherche et de secours ainsi que sur l'identification des migrants interceptés en mer. Le "renvoi" en haute mer n'est également plus possible et nous avons renforcé le principe de "non-refoulement". Ces nouvelles dispositions permettront à Frontex d'agir de manière plus efficace et d'empêcher de nouveaux décès en mer", a affirmé le rapporteur Carlos Coelho, selon un communiqué diffusé sur le site du Parlement à l'issue du vote.
La décision de la commission LIBE fait suite à celle du Comité des représentants permanents (Coreper) qui avait approuvé le 13 février 2014 le compromis conclu de manière informelle entre les négociateurs du Parlement et du Conseil deux jours plus tôt sur un projet de règlement proposé par la Commission européenne. En avril 2013, celle-ci avait présenté un texte établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex, afin de remplacer un texte annulé par la Cour de Justice de l’UE.
Pour mémoire, suite à l’appel lancé par le Conseil européen d’octobre 2009, le Conseil avait adopté la décision 2010/252/UE afin de renforcer les opérations de surveillance des frontières coordonnées par Frontex et avait édicté des règles d’engagement claires pour les patrouilles communes et pour le débarquement des personnes interceptées ou sauvées en mer.
Or cette décision faisait l’objet de diverses difficultés, notamment d’interprétation juridique (la décision intégrait des dispositions en vigueur du droit de l’Union et du droit international). Plusieurs États membres, des eurodéputés, des organisations de défense des droits de l’homme et des universitaires avaient, par ailleurs, émis des doutes concernant le respect des droits fondamentaux et des droits des réfugiés pendant les opérations en mer coordonnées par Frontex, surtout en haute mer.
Du point de vue technique, le Parlement européen avait à l’époque en outre considéré que la proposition aurait dû être adoptée conformément à la procédure législative ordinaire et non via la procédure de comitologie choisie par la Commission européenne. Il avait, dès lors, saisi la Cour de justice de l'UE d’un recours en annulation de ce texte contre le Conseil et les juges européens avaient annulé la décision tout en en maintenant les effets jusqu’à ce que celle-ci soit remplacée.
Le texte adopté définit des "phases d'urgence" pour les opérations de recherche et de sauvetage et place clairement la responsabilité sur les unités participant aux opérations de Frontex de s'engager et de sauver des vies. Les mesures concernant les opérations de recherche et de sauvetage et le débarquement de migrants couvriront uniquement les opérations coordonnées par Frontex. Elles devraient contribuer à dissiper l'ambigüité qui règne en raison des interprétations divergentes des pays de l'UE concernant le droit international et les différentes pratiques, estiment les députés dans le communiqué diffusé à l’issue du vote.
Le "plan opérationnel" qui gouverne les opérations de surveillance des frontières coordonnées par Frontex prévoirait des procédures garantissant que les personnes nécessitant une protection internationale, les victimes de trafic d'êtres humains, les mineurs non accompagnés et les autres personnes vulnérables soient identifiées et reçoivent une aide adéquate. Ce n'est qu'après l'identification des migrants que d'éventuelles mesures coercitives pourraient être prises. En effet, selon le texte, les règles d'identification sont obligatoires, alors que les mesures de mise en application sont optionnelles.
Les députés ont renforcé le texte afin de garantir le respect du principe de "non-refoulement": "les migrants ne doivent pas être retournés dans leur pays d'origine ou tout autre pays dans lequel il existe un risque de persécution, de torture ou tout autre préjudice sérieux", relève le communiqué du Parlement.
Les garde-frontières qui envisagent de débarquer les personnes interceptées ou secourues dans un pays tiers devront suivre certaines procédures. Les personnes interceptées ou secourues devront être identifiées et leur situation personnelle évaluée. Elles devront par ailleurs être informées, de manière appropriée, du lieu de débarquement et se voir offrir la possibilité d’expliquer les raisons pour lesquelles un débarquement dans le lieu proposé serait, selon elles, contraire au principe de non-refoulement. Les actions des gardes-frontières seront soumises à un contrôle.
"Même si aucun migrant n'a, jusqu'à présent, été débarqué dans un pays tiers dans le cadre d'une opération coordonnée par Frontex, il est important de fixer des règles strictes pour garantir que, le cas échant, cela soit fait en respectant pleinement le principe de non-refoulement et les droits fondamentaux des migrants concernés", a encore affirmé le rapporteur.
Une disposition permettant des opérations de "renvoi" en haute mer a par ailleurs été supprimée du texte. La seule possibilité restante est "de donner un avertissement au navire et de lui ordonner" de ne pas entrer dans les eaux territoriales de l'État membre concerné.
En outre, un paragraphe ajouté par les députés affirme que "le capitaine et l'équipage ne devraient pas encourir de sanctions pénales au seul motif qu'ils ont porté secours à des personnes en détresse en mer et qu'ils les ont menées en lieu sûr".
Comme demandé par les députés, le texte rappelle que les États membres confrontés à une pression migratoire importante peuvent activer plusieurs instruments de solidarité (notamment des ressources humaines, techniques et financières) en cas d'afflux soudain de migrants.
Pour pouvoir entrer en vigueur, le projet de règlement doit encore être approuvé formellement par le Parlement et le Conseil. Il sera mis aux voix lors de la séance plénière d'avril du Parlement européen.