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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Le Sommet tripartite social a révélé de manière feutrée les grands désaccords entre la Commission, les représentants des employeurs et les représentants des salariés qui restent néanmoins unis par leur adhésion au projet européen
20-03-2014


sommet-social-140320Comme c’est l’usage avant le Conseil européen de printemps, le Sommet tripartite social s’est réuni le 20 mars 2014 à Bruxelles. Il a réuni le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ainsi que le Premier ministre grec, Antonis Samaras, en sa qualité de représentant de la présidence grecque du Conseil, les représentants des employeurs et des travailleurs européens à travers la Confédération européenne des syndicats (CES), BusinessEurope, le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) et l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME).

Selon la Commission, "les participants au Sommet se sont accordés sur le besoin de collaborer davantage au profit d’une croissance économique durable, tout en garantissant la cohésion sociale et la qualité de l’emploi."

Après avoir fait le point sur les actions passées, ils se sont penchés sur les prochaines étapes du semestre européen et sur le rôle des partenaires sociaux dans la consolidation de la dimension sociale de l’union économique et monétaire comme dans l’élaboration et l’application effective des réformes à l’échelon national et européen. Il a aussi été question des priorités économiques communes pour l’année à venir et, plus particulièrement, de la compétitivité industrielle, mais également des enjeux énergétiques et climatiques.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a déclaré qu’il "est primordial d’associer les partenaires sociaux nationaux et européens à la prise de décisions économiques pendant le semestre européen pour la coordination des politiques, de manière que nos décisions bénéficient d’un large soutien." Dans un climat social difficile dans l’UE qui est dû à la crise et aux politiques de consolidation budgétaire, il estime que "nous devons travailler ensemble pour restaurer la confiance et relancer nos économies."

sommet-social-barroso-beyrer-140320u cours de la conférence de presse qui a suivi la réunion, le président de la Commission européenne a déclaré que "les questions sociales sont une des toutes premières priorités de la Commission". Les réformes qu’elle a préconisées ont selon lui augmenté la compétitivité, mais le chômage reste une grande préoccupation: "Nous ne sommes pas sortis de la crise car il y a un drame social qui se joue encore pour tant de familles dans l’UE". Pour lui, il s’agit de lutter contre les causes du chômage. La Commission veut relancer la croissance par de nouveaux fonds industriels et d’investissements. La Commission organise par ailleurs le 8 avril à Bruxelles une conférence pour discuter de la manière de dépenser les 6 milliards de l'initiative "Garantie Jeunesse". Finalement, elle passera en revue les objectifs pour la stratégie Europe 2020 et organisera une consultation dans ce sens. Il s’est réjoui du soutien des partenaires sociaux au paquet énergie-climat et a aussi évoqué le projet de la Commission pour une renaissance industrielle de janvier 2014. Mais ce qui importait avant tout au président de la Commission, c’était que "les Etats membres continuent à mettre en œuvre les grandes politiques décidées".

Pour le directeur-général de BusinessEurope, Markus Beyrer, "le reste du monde ne nous attend pas". Il a estimé au cours de la conférence de presse que l'Europe est à la traîne, et que l'UE avait perdu 6 millions d'emplois, alors que les États-Unis et le Japon n'en ont perdu qu'un million. Son intervention au cours de la conférence de presse a été une charge contre les impôts que doivent payer les entreprises et les règles auxquelles elles doivent se conformer. La question du prix de l'énergie a aussi surgi. Selon Markus Beyrer, ils sont bien plus élevés dans l'UE que dans d'autres parties du monde. En outre, la part de l'UE dans les flux des investissements directs à l'étranger a baissé entre 2000 et 2012 de 40 %, un chiffre alarmant selon BusinessEurope, car en baisse de 16 %. A cela, les gouvernements des Etats membres devraient réagir en mettant en œuvre chez eux les réformes et recommandations que la Commission européenne a adressées à tous les pays. Mais, a-t-il affirmé, une étude de BusinessEurope a montré que seulement 23 % des 150 recommandations spécifiques par pays ont été correctement mises en œuvre, ce qui n’est pas satisfaisant à ses yeux.

Il a salué l’accord sur le MRU, et abordant la question du paquet énergie-climat, il a mis en avant la nécessité de l’UE de réduire la dépendance énergétique de l’UE. Pour cela, il faudrait faire en sorte que ce que l'UE propose soit en lien avec ce que le reste du monde propose, sous-entendu pratiquer une politique de réduction de la consommation et des émissions qui ne désavantage pas les entreprises européennes et qui soit liée à un accord global. Par ailleurs, a-t-il déclaré, "il faut limiter notre dépendance énergétique en se concentrant sur l'efficacité énergétique et les renouvelables et en réévaluant la position de certains sur le gaz de schiste". Finalement, il a salué comme "un bon signal" la communication de la Commission sur une nouvelle approche de la politique industrielle.

sommet-social-segol-140320La secrétaire de la CES, Bernadette Ségol a défini son approche de constructive "pour faire passer un message du monde du travail dans un monde où ces messages sont aisément oubliés". Un message est peut-être passé, à savoir celui que la crise est « derrière nous », mais pas pour les 26 millions de chômeurs que compte l’UE. En fait, "la crise n’est pas derrière nous, tant que le chômage est toujours là et la qualité de l’emploi n’est pas revenue".

Bernadette Ségol, a critiqué les résultats des politiques conduites dans le cadre du Semestre européen et relevé que dans 18 pays il y a une baisse des salaires réels. Elle souhaite une croissance qui promeuve l’emploi, mais se demande où sont les moyens. Les objectifs de la stratégie Europe 2020 n’ont pas été atteints et ne pourront pas être atteints si on continue avec les mêmes politiques du semestre européen, comme l’a préconisé le président de la Commission. Pour elle, le Semestre européen, c’est plus de chômage, plus de précarité, une baisse des protections sociales et souvent des attaques sur les négociations collectives. Cela n’est pas conciliable avec les objectifs de la stratégie Europe 2020, d’autant plus que la pauvreté et l’inégalité ont augmenté dans l’UE. Elle a appelé les responsables politiques à ne pas ignorer cette dimension à quelques semaines des élections européennes. "Un discours affirmant que tout doit continuer dans la même direction ne peut pas être compris", a-t-elle lancé.

En ce qui concerne le paquet énergie-climat, Bernadette Ségol a regretté l'absence d'objectifs fixés sur l'efficacité énergétique, alors que celle-ci peut créer des emplois et de la croissance dans l’UE. L'objectif de 27 % d'énergies renouvelables n'est pas suffisamment ambitieux, selon elle. Elle préconise de manière plus générale "un projet européen d'investissement" pour y arriver que la CES a proposé le 19 mars, à l’issue d’un sommet syndical, un programme d’investissement de 250 milliards d’euros sur 10 ans qui pourraient générer 11 millions de nouveaux emplois.

Elle a critiqué la communication sur la "renaissance industrielle", dans la mesure où "on nous la promet par le biais des baisses d’impôts, de la  dérégulation, de la baisse des salaires". Pour la secrétaire générale de la CES, ce n’est pas ainsi que l’on va produire de la  croissance. Elle va même baisser s’il n’y a pas dans l’UE une hausse des salaires et du pouvoir d’achat des salariés. Cette compétitivité vers le bas est une fausse route pour la syndicaliste qui estime que les pays qui ont le mieux réussi leur sortie de crise sont ceux qui ont misé sur une compétitivité vers le haut. Mais malgré les difficultés actuelles, la CES reste attachée au projet européen, a-t-elle insisté.