Le 20 novembre 2013, en soirée, le Parlement européen a débattu brièvement de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, en réponse à la publication d’une Communication de la Commission européenne, le 2 octobre 2013, en faveur de son renforcement. Le commissaire européen, en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Laszlo Andor, a notamment répondu aux huit questions qui lui furent adressées le 14 novembre 2013 dans le cadre d’une 'question avec demande de réponse orale' posée par Pervenche Berès (S&D), au nom de la commission de l'emploi et des affaires sociales.
Auparavant, Pervenche Berès a souligné dans l’hémicycle que la prise en compte de la dimension sociale de l’UEM, notamment par la communication de la Commission, pour laquelle le commissaire Andor a dû selon de nombreuses sources batailler dans son collège, marquerait le "début du rééquilibrage nécessaire entre les politiques économiques et sociales". Il s’agit pour elle de "tenir compte de la réalité des divergences non seulement en termes macro-économiques, de dettes mais aussi en termes de situations sociales lesquelles sont tout aussi insoutenables pour l’avenir de la zone euro". Or, pour cerner les situations sociales de manière exhaustive, il faudrait disposer d’un large nombre d’indicateurs qui incluraient par exemple également l’accès à la santé et au logement, a-t-elle dit.
L’eurodéputée a également mis l’accent sur les stabilisateurs automatiques, qui, depuis 2010, auraient été "fragilisés", en particulier dans la zone euro. Elle estime qu’il y aurait lieu d’en créer de nouveaux à l’échelle européenne, dans le sillage de la Garantie pour la jeunesse, afin de se diriger vers une véritable sécurité sociale européenne. Un salaire social minimum serait un "élément essentiel de la dimension sociale", a-t-elle notamment dit. Le 9 juillet 2013, la commission de l'emploi et des affaires sociales avait d’ailleurs organisé une audition publique ayant pour thème "La dimension sociale de l'Union économique et monétaire: un régime européen d'indemnisation du chômage", pour étudier la nécessité de stabilisateurs automatiques au niveau de la zone euro.
En réponse à la commission de l'emploi et des affaires sociales, László Andor a rappelé que la Commission européenne envisageait la création d’un tableau de bord contenant cinq indicateurs : le taux de chômage général, le taux de chômage des jeunes, les revenus disponibles, le taux de pauvreté et les inégalités de rémunération. Ceux-ci devraient lui suffire pour identifier les problèmes sociaux et d’emploi les plus sérieux "à un stade précoce", avant que le pays ne s’écarte trop de ses résultats passés ou de la moyenne de l’Union. Elle envisage ainsi des seuils d’alerte dès une certaine ampleur dans les fluctuations des indicateurs par rapport aux périodes antécédentes et donc à une tendance historique, mais aussi en fonction de la différence entre les résultats nationaux et la moyenne européenne. Si elle juge ces cinq indicateurs suffisants, la Commission européenne s’est néanmoins dite ouverte à tenir compte de l’avis du Parlement européen.
Interrogé sur sa manière de voir le développement de l’UEM, László Andor a fait savoir que la Commission envisage à moyen terme l’objectif d’assurer une meilleure coopération entre marchés de l’emploi. A long terme, elle imagine un budget autonome de l’Union pour aider les Etats membres à absorber les chocs, de chômage notamment. Des mesures sur les indemnités de chômage sont envisagées mais elles nécessiteraient une modification constitutionnelle, a-t-il fait savoir. Quant à la question plus précise de la pertinence de créer un stabilisateur automatique européen, la Commission continue son examen de la question.
Le lendemain du débat, le Parlement européen, réuni en plénière, a adopté la proposition de résolution faite par la commission des affaires sociales et de l’emploi, moyennant néanmoins quelques changements. "Les groupes PPE et ADLE ont tranché net dans toutes les tentatives qui visaient à demander plus d'ambition au Conseil européen qui doit se pencher sur la question en décembre", rapporte l’Agence Europe, tout en rappelant que le groupe PPE avait initié des modifications importantes dans la proposition lors de son passage en commission.
La résolution, dans laquelle les eurodéputés constatent que la communication de la Commission constitue "une première étape" vers la mise en place d'une véritable dimension sociale de l'Union économique et monétaire, souligne en introduction la persistance des écarts entre les États membres laquelle se traduit par une polarisation rapide des taux de chômage, tandis que, dans certains pays, ces écarts augmentent également entre les régions et les groupes sociaux. Le taux de chômage moyen pour la périphérie de la zone euro a ainsi atteint 17,3 % en 2012, contre 7,1 % au centre de la zone. En 2012, 22,4 % des jeunes étaient au chômage à la périphérie de la zone euro contre 11,4 % au centre.
Dans ce contexte, les eurodéputés estiment que le débat sur les déséquilibres sociaux devrait être mis sur le même pied que celui portant sur les déséquilibres macroéconomiques. Par contre, il n’est plus fait mention, dans la résolution, des effets des "mesures d’austérité" qui, dans la version originale, "ont compromis la qualité de l'emploi, la protection sociale et les normes sanitaires et de sécurité". "La situation économique dans quelques États membres a compromis la qualité de l'emploi, la protection sociale et les normes sanitaires et de sécurité", affirment finalement les eurodéputés dans le texte adopté.
Les eurodéputés ont aussi supprimé un alinéa qui déplorait que "l'évaluation des risques menée dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques ne prenne pas suffisamment en compte les conséquences sociales de l'interdépendance économique entre les États membres".
Par 302 voix pour, 242 contre et 6 abstentions, un amendement a été introduit pour déclarer que la mise en œuvre de la dimension sociale est "soumise au principe de subsidiarité et la meilleure façon de procéder consiste à appliquer les meilleures pratiques et une méthode d'examen par les pairs au niveau européen". Mais, la résolution conserve toutefois la revendication que des propositions plus spécifiques sont nécessaires pour faire en sorte que la gouvernance économique respecte la dimension sociale.
De même, la version finale de la résolution estime que les cinq indicateurs proposés par la Commission européenne et énoncés par Laszlo Andor la veille, constituent "une façon possible de couvrir de manière complète la situation de l'emploi et la situation sociale dans les États membres". A l’origine, il était prévu que les eurodéputés regrettent que "les indicateurs proposés ne suffisent pas à couvrir de manière complète" cette situation.
Par contre, les eurodéputés continuent de proposer "l'intégration d'indicateurs supplémentaires dans le tableau de bord, relatifs notamment au niveau de pauvreté des enfants, à l'accès aux soins de santé et au phénomène des sans‑abri, ainsi qu'un indice du travail décent". Ils demandent d’ailleurs "des repères concrets, sous forme de "planchers" pour la protection sociale européenne, dans le but d'encourager la convergence par le haut et le progrès sociaux". Le suivi de l'évolution de l'emploi et de la situation sociale doit viser "à réduire les écarts sociaux entre États membres ainsi qu'à empêcher tout dumping social", disent-ils. Les eurodéputés estiment aussi qu’il y aurait lieu, parallèlement à l’observation de ces indicateurs, de faire des évaluations d'impact et le suivi des réformes politiques.
Le dernier changement réalisé par le Parlement européen, aura consisté à biffer la mention d’un "pilier social" que le Conseil européen de décembre 2013 était invité à intégrer à l'UEM "suivant la méthode de l'Union" pour ne l’inviter plus qu’à "définir les mesures afin de progresser sur la voie du renforcement de l'aspect social de l'UEM"…