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Migration et asile - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration
Le Parlement européen adopte les nouvelles règles visant à assurer une meilleure protection des droits fondamentaux des migrants lors d’opérations en mer
16-04-2014


frontex-eurosur-source-frontexLes nouvelles dispositions qui visent à clarifier  la manière dont les garde-frontières de Frontex (l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne) devraient traiter les migrants en mer et qui précisent le lieu où ils devraient les débarquer, ont été approuvées par le Parlement européen lors de sa séance plénière du 16 avril 2014.

Cette décision à l'intention des Etats membres participant aux opérations Frontex prévoit des règles claires, actualisées et contraignantes à appliquer dans le cadre desdites opérations. Celles-ci visent à permettre un travail plus efficace de l’agence et à assurer une meilleure protection des droits fondamentaux des migrants en renforçant notamment les principes de non refoulement et en renforçant les procédures lorsqu’un débarquement est envisagé.

Selon diverses estimations, notamment avancées par le groupe des Verts/ALE au Parlement européen, près de 23 000 vies de migrants ont été perdues en Méditerranée depuis 2000, l’un des plus tragiques s’étant produit en 2013 au large des côtes de l’île italienne de Lampedusa, plus de 350 personnes y ayant disparus.

"Ces nouvelles dispositions permettront à Frontex de réagir de manière plus efficace et d'éviter des décès en mer, ce qui permettra d'équilibre notre besoin d'assurer la sécurité et notre devoir de protéger les droits de l'homme", déclaré le rapporteur du texte, l’eurodéputé portugais Carlos Coelho (PPE), rapporte le communiqué diffusé sur le site du Parlement européen.

Le contexte

Les eurodéputés réunis à l’occasion de la dernière séance plénière de la législature européenne à Strasbourg ont donc confirmé le compromis conclu de manière informelle en trilogue le 11 février 2014 sur le projet de règlement proposé par la Commission européenne en avril 2013 en adoptant le rapport de Carlos Coelho par 528 voix, 46 voix contre et 88 abstentions.

Le compromis avait déjà été confirmé par la décision du Comité des représentants permanents (Coreper) qui l’avait approuvé le 13 février 2014 et l’avis favorable de la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen voté une semaine plus tard. Il remplacera les précédentes règles qui avaient été contestées par le Parlement européen devant la Cour de Justice de l’UE et que les juges européens avaient annulées dans un arrêt daté du 5 septembre 2012, tout en en maintenant les effets jusqu’à ce que celles-ci soient remplacée.

Les nouvelles règles obligatoires pour les opérations de recherche et de sauvetage

Le règlement définit des "phases d'urgence" pour les opérations de recherche et de sauvetage et souligne la responsabilité des unités participant aux opérations de Frontex qui "ont le devoir de s'engager et de sauver des vies".

Le "plan opérationnel" qui gouverne les opérations de surveillance des frontières coordonnées par Frontex, doit inclure des procédures garantissant que les personnes nécessitant une protection internationale, les victimes de trafic d'êtres humains, les mineurs non accompagnés et les autres personnes vulnérables soient identifiées et reçoivent une aide adéquate. Ce n'est qu'après l'identification des migrants que d'éventuelles mesures coercitives, non obligatoires, pourront être prises.

Le respect du principe de "non-refoulement" a été renforcé: les migrants ne doivent pas être renvoyés dans leur pays d'origine ou tout autre pays dans lequel il existe un risque de persécution, de torture ou d'autres préjudices graves.

Le débarquement de personnes interceptées ou secourues dans un pays tiers sera soumis à des procédures précises concernant notamment l'identification, l'évaluation personnelle ou les informations sur le lieu de débarquement.¨

Il reviendrait au pays de nationalité du bateau effectuant l'opération et ayant secouru le migrant de le prendre en charge. Le pays leader menant l'opération Frontex et les pays participants devront coopérer avec le Centre de coordination de sauvetage responsable dans la région pour identifier l'endroit où "débarquer" les personnes recueillies.

Les opérations de "refoulement" en haute mer seront interdites. Les garde-frontières pourront uniquement donner un avertissement au navire et lui ordonner de ne pas entrer dans les eaux territoriales de l'État membre concerné.

En outre, le texte adopté par les députés précise que "le capitaine et l'équipage ne devraient pas encourir de sanctions pénales au seul motif qu'ils ont porté secours à des personnes en détresse en mer et qu'ils les ont menées en lieu sûr". En effet, diverses lois nationales prévoyaient ce genre de sanctions.  L’Italie a récemment abrogé ce type de dispositions. Avec le règlement, toute disposition de ce type est désormais censée ne plus être appliquée.

Les réactions

Si le groupe des Verts/ALE a salué les nouvelles "règles européennes contraignantes" comme "une bonne nouvelle quand on sait le flou juridique et les divergences d’interprétation qui se cachent derrière les déclarations générales sur l’obligation de respecter le principe de non refoulement et de sauver des vies", le groupe a préféré s’abstenir jugeant que "le compromis final n’est pas à la hauteur de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme".

L’eurodéputée française Hélène Flautre (Verts/ALE), membre de la commission LIBE, a ainsi souligné par voie de communiqué que "certes ces nouvelles règles reconnaissent l’extra-territorialité du principe de non refoulement et la nécessité d’une évaluation de la situation de chaque migrant. Mais son arrêt 'Hirsi Jamaa' requiert également la présence d’interprètes, de conseillers juridiques à bord et le droit à un recours suspensif. En l’absence de telles garanties, il y a vraiment de quoi être dubitatif sur l’effectivité de la procédure. Dans ces conditions, la priorité donnée au débarquement vers les pays tiers et la possibilité d’ordonner à un bateau se trouvant dans les eaux territoriales de modifier son parcours peuvent légitimement inquiéter".

"De toute évidence, cette nouvelle réglementation ne transformera pas  Frontex en agence humanitaire, mais avec son mandat, il donne à l'Agence européenne des règles claires et contraignantes sur les opérations en mer", a de son côté estimé la vice-présidente du groupe S&D, la Française Sylvie Guillaume, dans un communiqué.

"Le succès ou l'échec de ce système va maintenant dépendre de la façon dont elle est appliquée et sa mise en œuvre doit être suivie de près. Mais ne nous y trompons pas! Frontex et la surveillance des frontières ne peuvent pas être l'alpha et l'oméga de la politique migratoire européenne. Tant que l'UE et ses Etats membres préfèreront des réponses unilatérale et à court terme, et continueront d'être obsédés par la sécurité, plutôt que d'adopter une approche globale, responsable et à long terme de la migration, il faut s'attendre à ce que les migrants continuent de recourir aux voies de plus en plus dangereuses ", a-t-elle poursuivi.

Prochaines étapes

Le projet de règlement doit encore être approuvé formellement par le Conseil des ministres. Il entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l'UE et sera directement applicable dans les Etats membres.