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Traités et Affaires institutionnelles
Audition des commissaires désignés au Parlement européen – Alenka Bratusek, candidate recalée, se retire, tandis que les 26 autres membres désignés de la future Commission auront finalement obtenu un feu vert de principe des eurodéputés
09-10-2014


A l’issue de six journées intenses d’auditions des membres désignés de la future Commission européenne, il apparaît clairement que seule une candidate-commissaire, la Slovène Alenka Bratusek, aura finalement fait l’objet d’un rejet explicite par la majorité des eurodéputés. Alenka Bratusek avait été désignée pour être vice-présidente pour l’Union de l'énergie.

Le cas Bratusek : l’unique candidate retoquée a finalement renoncé à sa candidature

L’ancienne Première ministre slovène Alenka Bratusek a été retoquée le 8 octobre 2014 de façon très nette, puisque 112 députés ont voté contre elle, 13 lui affichant leur soutien alors que deux députés s’abstenaient.Alenka Bratusek, candidate au poste de vice-présidente et commissaire à l'Union de l'énergie lors de son audition le 6 octobre 2014 (Source : PE)

Alenka Bratusek a simplement été "très mauvaise" lors de son audition, a expliqué à la presse le président du S&D, Gianni Pitella, tandis que le président du PPE jugeait évident que la majorité des parlementaires n’avaient été convaincus ni par la performance, ni par les compétences de la candidate slovène.

Le groupe des Verts "n’était pas non plus convaincu que Mme Bratusek ait la compétence requise pour s’acquitter de ses fonctions", mais aux yeux des écologistes, il est "clair que sa candidature a échoué parce qu’elle n’était pas de la bonne famille politique". 

Pour ce qui est de la suite, l’incertitude régnait au lendemain du vote. En effet, si le Premier ministre slovène, le centriste Miro Cerar, a indiqué aussitôt après le vote qu'il proposerait un ou une nouvelle candidate "dans deux à trois jours", le porte-parole de Jean-Claude Juncker a affirmé pour sa part le lendemain qu’Alenka Bratusek restait "commissaire-désignée" et que le président pensait toujours que son équipe annoncée le 10 septembre restait "la bonne".

C’est finalement un peu plus tard dans l’après-midi du 9 octobre 2014 que le retrait de la candidature d’Alenka Bratusek a été annoncé directement par le cabinet de Jean-Claude Juncker. Une décision saluée par le futur président de la Commission dans la mesure où elle va lui permettre de " l’aider à finaliser la composition de la Commission".

Avant cette annonce, un "risque" de voir repoussée l’entrée en fonction de la nouvelle Commission, prévue le 1er novembre 2014, avait été évoqué par le porte-parole de Jean-Claude Juncker.

Une éventuelle nouvelle candidate devrait en effet être soumis à une audition qu’il pourrait sembler difficile d’organiser d’ici au 22 octobre, date à laquelle le Parlement européen est censé se prononcer en plénière sur le collège des commissaires dans son ensemble.

Pour les Verts, cette remplaçante devrait être "jugée sur sa compétence et son indépendance, et non sur son appartenance politique".

Quant au groupe S&D, il plaide avec force pour nommer une des autres personnes que le gouvernement slovène avait placées sur la liste de candidates soumises à Jean-Claude Juncker, à savoir l’eurodéputée Tanja Fajon qui est issue de ses rangs, mais aurait surtout l’avantage selon Gianni Pitella d’être bien connue et estimée de ses pairs. Ce qui aurait selon lui l’avantage de permettre une résolution rapide du problème, l’objectif du groupe S&D étant de voir une Commission forte et légitime au travail dès le 1er novembre prochain.

Une candidature soutenue aussi par le groupe PPE. Son président, Manfred Weber, a en effet aussitôt appelé le gouvernement slovène à désigner "une femme expérimentée" en précisant que Tanja Fajon, par exemple, pourrait parfaitement répondre à cette exigence.

L’ALDE, famille politique dont était issue Alenka Bratusek et qui aussi celle du Premier ministre slovène, juge en revanche "inacceptable" cette position, car la décision revient "au gouvernement slovène seul".

Le Premier ministre slovène Miro Cerar a pour sa part rejeté tout "ultimatum". Il a jugé "antidémocratique et contre les lois de l'UE" de refuser à son parti centriste la possibilité de choisir un nouveau candidat.

Un des enjeux de cette nomination sera notamment le poste de vice-présidente de la Commission que Jean-Claude Juncker avait proposé à l’ancienne Première ministre slovène.

Les derniers commissaires candidats qui ont obtenu le feu vert des parlementaires à l’issue d’un vote

Le 8 octobre 2014, cinq autres candidats ont fait l’objet d’un vote en commission, et ont obtenu un vote favorable, à savoir Arias Cañete commissaire désigné pour l’Action pour le climat et énergie, Valdis Dombrovkis, Vice-président désigné pour l’Euro et dialogue social, Jonathan Hill, commissaire désigné pour la Stabilité financière, services financiers et union des marchés de capitaux, Jyrki Katainen, Vice-président désigné pour l’Emploi, croissance, investissement et compétitivité et Pierre Moscovici,  commissaire désigné pour les Affaires économiques et financières, fiscalité et Union douanière.

Le conservateur espagnol Arias Cañete qui avait été mis sur la sellette au cours de son audition en raison de conflits d’intérêt potentiels, a visiblement pu remporter le soutien des eurodéputés après avoir répondu aux questions de la majorité des eurodéputés puisqu’il a été obtenu 83 voix en faveur de sa désignation comme commissaire contre 42, tandis que 77 eurodéputés l’ont jugé apte à exercer les fonctions qui lui ont été confiées contre 78.

"Défaite écrasante pour les Verts, les communistes, les anti-UE et l'extrême-droite", a commenté dans un tweet un porte-parole du PPE au sujet de ce vote qui n’a pas manqué de susciter de vives critiques de la part des parlementaires opposés de façon virulente à cet ancien ministre espagnol.

"Notre groupe estime que M. Arias Cañete n’a pas réussi à lever les doutes autour des conflits d’intérêts qui pèsent sur lui et sa famille et qu’il reste donc totalement inadapté au poste de Commissaire européen en charge de la politique énergétique et climatique de l’UE", déclarait ainsi le groupe des Verts dans un communiqué diffusé après le vote. Pour l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, il est "triste de voir que les groupes S&D et PPE ne sont pas prêts à séparer les conflits d’intérêts de la politique européenne", et ce malgré "le bon travail" fait par les Verts pour attirer l’attention sur ce problème.

Le groupe GUE/NGL déplore que le groupe S&D ait finalement donné son soutien au PPE et dénonce "le bipartisme qui règne en Europe comme dans nombre d’Etats membres". Le groupe de la gauche reste opposé à la nomination d’Arias Cañete en raison d’un risque de conflit d’intérêt qui reste selon eux patent malgré le rapport "superficiel" de la commission JURI. Autre grief contre le désormais très vraisemblable futur commissaire, le bilan de son mandat de ministre dont les eurodéputés de la Gauche retiennent la limitation de la production d’énergie renouvelable, la défense du fracking ou de l’exportation de sables bitumineux canadiens.

Le groupe S&D, sans le soutien duquel Arias Cañete n’aurait pu être retenu et dans les rangs duquel plusieurs voix avaient été virulentes à l’encontre du candidat commissaire, s’est finalement félicité d’avoir obtenu la création d’un portefeuille horizontal dédié au développement durable qui sera confié au premier vice-Président de la Commission, Frans Timmermans.

Le conservateur britannique Jonathan Hill, lui aussi controversé, avait dû passer une deuxième audition qui a eu lieu le 7 octobre 2014. Il a finalement passé la barre avec 45 voix contre 13.

Pour les Verts, il reste "des points d’interrogation sur la compétence et l’indépendance de Lord Hill".  "Sera-t-il en mesure de superviser le secteur des services financiers et de l’union des marchés des capitaux ?", se demandent les Verts qui regrettent aussi  que sa candidature ait été "approuvée à la hâte".

Quant au socialiste français Pierre Moscovici, qui avait l’objet d’une attaque en règle de la part d’eurodéputés conservateurs et libéraux peu convaincus de sa capacité à juger avec impartialité des finances françaises, il a pu voir sa désignation comme commissaire approuvée par 44 voix contre 12, tandis que 32 députés l’ont jugé apte à assurer le portefeuille aux Affaires économiques, 15 ont voté contre et 12 se sont abstenus.

La désignation du conservateur finlandais Jyrki Katainen a été approuvée par 123 voix contre 40.

Le Letton Valdis Dombrovskis a été confirmé par 73 voix contre 25.

Pour le groupe ALDE, ces quatre commissaires auditionnés par la commission ECON sont des "Européens compétents et engagés", mais les libéraux estiment que Jean-Claude Juncker "n’a pas su clarifier les tâches de l’équipe ni de ses membres" suite à la demande qu’ils avaient faite en ce sens avant le début des auditions. Après réception de la réponse de Jean-Claude Juncker, deux questions restent en suspens selon l’ALDE : Qui est responsable des décisions dans les domaines de la coordination et de la surveillance des politiques économiques et budgétaires des Etats membres ? Qui va représenter la Commission européenne à l’Eurogroupe, à l’Ecofin et lors des réunions internationales ?

Auparavant, le conservateur hongrois Tibor Navracsics, dont l’audition avait été houleuse, avait lui aussi fait l’objet d’un vote en commission dont il ressortait que le candidat a été avalisé comme commissaire, mais que son portefeuille devait être revu : l’ancien ministre de la Justice de Viktor Orban pourrait ainsi se voir privé du ressort de la citoyenneté.

Les réactions des groupes politiques

Les commentaires des groupes politiques à l’issue de ces votes sont assez révélateurs.

La placidité du PPE, qui se félicite d’avoir vu le rôle du Parlement européen pris au sérieux, et dont la priorité est désormais de veiller à ce que la nouvelle Commission soit prête à travailler au 1er novembre, témoigne de sa satisfaction.

Au contraire, le groupe S&D, qui n’a de cesse d’insister sur ce qu’il a pu obtenir au cours des négociations, semble dévoiler qu’il a fallu faire des concessions. Sans doute pour assurer la candidature d’un Pierre Moscovici présenté comme "point de force en charge d’un portefeuille sensible jusqu’ici aux mains de faucons de la rigueur budgétaire". Le président du groupe a fort de rassurer les journalistes en assurant que les vice-présidents avec lesquels Pierre Moscovici va devoir travailler, connus pour leur rigueur, n’auront qu’une fonction de coordination et pas droit de veto, il est intéressant de voir que certains d’entre eux se sont justement félicités de voir "Cañete sous tutelle" avec la création d’un portefeuille au développement durable confié au Premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, dont Gianni Pitella a bien souligné qu’il serait le seul vice-président à avoir un droit de veto. Autres "victoires" revendiquées par Gianni Pitella, le fait que le commissaire hongrois n’aura vraisemblablement plus à s’occuper de la citoyenneté et que les compétences sur les médicaments seront partagées entre les DG SANCO et Entreprise, et non plus seulement exercées par cette dernière ainsi que le prévoyait le projet de Jean-Claude Juncker.

La déception du groupe des libéraux, l’ALDE, se laisse deviner dans un communiqué annonçant que le groupe ne se sentait pas en mesure de juger de la composition de cette Commission  en raison des "incertitudes" qui subsistent pour ce qui est de la répartition des tâches au sein des différents portefeuilles relevant des Affaires économiques et monétaires. Mais aussi dans l’indignation suscitée par ce que les libéraux considèrent comme du "harcèlement" à l’égard du gouvernement slovène suite à la démission d’Alenka Bratusek et à l’insistance des groupes PPE et S&D pour que soit nommée à sa place la socialiste Tanja Fajon.

Quant aux Verts/ALE, ils dénoncent "un accord préalable entre les plus grands groupes du Parlement européen" ayant permis "aux candidats problématiques d’obtenir le feu vert". "Malgré la théâtralisation des votes d'hier soir, leur issue était en réalité connue d'avance, étant donné l'accord conclu au préalable entre les deux plus grands groupes politiques", racontaient ainsi Philippe Lamberts et Rebecca Harms au lendemain du vote. "Concrètement, face aux différents candidats qui faisaient l'objet de lourdes questions (notamment en termes de conflits d'intérêts) ou qui n'avaient pas réussi à convaincre quant à leurs compétences, les députés des grands groupes ont donc adopté l'approche dite des "trois singes": ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire", rapportent les deux co-présidents du groupe. Ils déplorent un résultat qui est "un mauvais signal pour la démocratie européenne et sape la crédibilité du Parlement européen en tant que pilier de la démocratie chargé de vérifier et d'équilibrer les autres institutions".