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Budget de l'Union européenne
Budget 2015 de l’UE – Le Conseil et le Parlement européen échouent à concilier leurs positions, contraignant la Commission à présenter un nouveau projet de budget
17-11-2014


06.12.comm-budget-2015Le budget de l’Union européenne (UE) était au cœur de l’actualité institutionnelle, le 17 novembre 2014, alors que le Conseil et le Parlement européen ont une nouvelle fois échoué, après une première tentative en comité de conciliation le 14 novembre, à s’accorder sur un paquet budgétaire complexe qui portait, outre sur le budget 2015 de l’UE, sur les budgets rectificatifs pour 2014 ainsi que sur la proposition relative aux ressources propres.

La période de conciliation de trois semaines entre les deux institutions étant désormais dépassée, la Commission devra présenter un nouveau projet de budget de l’UE pour 2015. Cela dans un contexte où, faute d’adoption du budget en janvier 2015, le principe des douzièmes provisoires serait appliqué. Ainsi les dépenses ne pourraient-elles être effectuées que mensuellement, par chapitre, dans la limite du douzième des crédits existants dans le budget de l'exercice précédent.

Le contexte

Pour mémoire, le projet de budget 2015 de l’UE, proposé par la Commission dès le mois de juin 2014, a donné lieu à l’adoption de positions très éloignées de la part du Conseil d’un côté, et du Parlement de l’autre. Selon la Commission, le budget devrait être doté de 142,1 milliards d'euros pour les paiements (dépenses réelles), soit une hausse de 1,4 % par rapport au budget de 2014, et de 145,6 milliards d'euros en termes de crédits d’engagement (dépenses prévues), une augmentation de 2,1 % par rapport à 2014.

Dans sa position adoptée en amont au Comité des Représentants permanents (COREPER) le 15 juillet, puis formellement le 2 septembre 2014, le Conseil avait de son côté proposé de réduire de 522 millions d'euros l'enveloppe de 145,6 milliards prévue pour les engagements, et de baisser de 2,1 milliards d'euros celle de 142,1 milliards destinées aux paiements. Présentée devant la plénière du Parlement le 16 septembre, cette position avait suscité des critiques acerbes des députés européens.

Le 29 septembre 2014, la commission des budgets (BUDG) du Parlement européen avait recommandé d’annuler les coupes proposées par le Conseil, une position confirmée en plénière le 22 octobre. Le Parlement souhaitait ainsi relever les crédits de paiement à 146,4 millions (+ 8.1 % par rapport à 2014) et les crédits d’engagement à 146,3 milliards d’euros (+2.6 %). Le Conseil avait alors annoncé dans un communiqué ne pas pouvoir accepter les amendements des députés européens, actant de l’ouverture d’une période de conciliation de trois semaines entre le 28 octobre et le 17 novembre 2014 à minuit entre les deux institutions.

Dans sa position sur le budget 2015, le Parlement européen avait par ailleurs prévenu qu’un accord sur des fonds supplémentaires pour 2014, les budgets rectificatifs 2014 destinés à réduire le montant des factures impayées de l’année en cours, était une condition préalable à un accord. La proposition sur les ressources propres de la Commission devant permettre aux Etats membres, en cas de circonstances exceptionnelles, d’échelonner sur un délai plus long d’éventuelles rallonges au budget communautaire – qui a fait suite à la polémique née de la révision des bases de calcul sur le revenu national brut (RNB) et la TVA qui déterminent les contributions des Etats membres au budget de l'UE 2014 –, vient compléter le paquet budgétaire.

Premier échec en conciliation le 14 novembre 2014 : le Conseil souligne ses "efforts" tandis que le Parlement dénonce l’absence de sens de l’urgence des Etats membres

Réunies le 14 novembre 2014 en comité de conciliation – qui avait pour mission de concilier les positions différentes adoptées par le Parlement européen et le Conseil sur le budget pour 2015 et sur le projet de budget rectificatif nº 2 et d’examiner les autres budgets rectificatifs sur lesquels le Conseil n’avait pas encore adopté de position –, les deux institutions ont échoué à dégager un compromis. Alors que les députés avaient fait d’un accord sur l’ensemble des projets de budgets rectificatifs pour 2014 un préalable aux discussions sur le projet de budget 2015, le Conseil réuni dans sa formation ECOFIN dédiée au budget le même jour, n’était pas parvenu à s’entendre sur les budgets rectificatifs et la proposition sur les ressources propres.

Dans ses conclusions diffusées par son service de presse le 14 novembre, le Conseil soulignait avoir mené "un débat approfondi pour favoriser une position commune sur l'ensemble des budgets rectificatifs 2014, en vue d'ouvrir la voie à un accord avec le Parlement sur le budget de l'UE". Si les discussions étaient jugées "constructives", le Conseil prenant acte de "progrès accomplis sur les différents aspects du paquet", les conclusions soulignaient que les deux institutions avaient "convenu que des efforts supplémentaires étaient nécessaires pour trouver un compromis global sur le budget de l'UE 2015 et sur certains amendements au budget 2014 qui serait satisfaisant pour toutes les parties". En conséquence, les discussions avaient été suspendues "pour permettre la Présidence italienne de poursuivre ses travaux" et reprendre les négociations le 17 novembre 2014, date limite de la conciliation, lit-on. Après deux journées supplémentaires de négociation au sein du COREPER, le Conseil a finalement annoncé avoir adopté sa position le matin du 17 novembre.

De son côté, dans un communiqué diffusé le soir du 14 octobre 2014 par son service de presse, le Parlement européen avait déploré qu’à l’approche du terme de la période de conciliation, "le Conseil ignore encore l'urgence de fournir un budget pour l'Europe" alors qu’il est "trop occupé par ses propres conflits relatifs aux contributions RNB des Etats membres pour 2014". Selon le texte du Parlement, les groupes politiques demandent "unanimement" d’assurer le financement des promesses politiques antérieures et de "ne pas laisser tomber les citoyens européens en ne payant pas les factures qui arrivent à la suite des engagements pris". Par conséquent, le Parlement veut d’abord "stabiliser la pile sans cesse croissante de factures impayées qui causent des difficultés aux bénéficiaires sur le terrain".

Aux yeux des parlementaires, la facture "la plus importante", soit 4,7 milliards d’euros au titre du projet de budget rectificatif nº 3, doit être payée en 2014 en recourant à "l’aubaine inespérée" que constituent les quelque 5 milliards d’euros supplémentaires résultant d’amendes en matière de concurrence. Cette "manne ne doit pas être redistribuée aux Etats membres", lit-on dans le communiqué diffusé par le service de presse du Parlement. Pour précisions, le budget rectificatif nº 3 vise à augmenter les crédits de paiement dans le budget 2014 de l'UE de 4,7 milliards d’euros afin de couvrir les factures en attente. La Commission avait proposé de les financer en mobilisant la "marge pour imprévus" du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 à hauteur de 4 milliards d’euros, ce que plusieurs Etats membres (Allemagne, Suède, Finlande, Autriche, Pays-Bas, Danemark) avaient contesté lors du débat en session publique au Conseil ECOFIN le 14 novembre. Cette marge d’urgence est un nouveau mécanisme de flexibilité prévu par le règlement sur le CFP 2014-2020 en tant qu’instrument de dernier recours. Son effet est d'augmenter le plafond des paiements de l'année en cours et il est compensé par une diminution correspondante des plafonds de paiement des années suivantes.

Selon le Parlement européen, accepter l'approche du Conseil aurait signifié que "les étudiants bénéficiant des subventions Erasmus +, les petites et moyennes entreprises participant aux programmes de l'UE, les chercheurs qui travaillent à relancer la croissance et les personnes bénéficiant de l'aide humanitaire de l'UE seraient laissés sans soutien". Et de souligner que "l’effet boule de neige de la dette, qui vise toujours à remettre le règlement des factures à l'année prochaine, doit cesser maintenant". Si les 4,7 milliards d’euros de factures urgentes n’étaient pas payés d’ici la fin de l’année, l'UE débuterait 2015 avec une dette cumulée de 26 à 28 milliards d’euros selon les chiffres de la Commission, relève encore le communiqué. Le Parlement souhaitait en conséquence voir une feuille de route établie avec un calendrier précis pour la réduction de la montagne de factures impayées, réclamant une solution à long terme pour régler les revendications en suspens. Pour 2015, le Parlement insiste en outre sur un budget qui soit "en mesure d'injecter du capital si nécessaire dans des projets qui génèrent de la croissance". "Les Etats membres, qui plaident pour davantage d'investissements dans l'économie, doivent traduire leurs paroles en actes et ne devraient pas réduire le financement pour le budget d'investissement de l'UE", lisait-on dans le communiqué du 14 novembre.

Nouvel échec le 17 novembre : la Commission devra proposer un nouveau projet de budget 2015

Réunis en comité de conciliation le 17 novembre 2014 à partir de 17h00, les négociateurs des deux institutions, qui avaient jusqu’à minuit pour dégager un compromis, se sont quittés sur un constat d’échec. Dans un communiqué diffusé dans la nuit du 17 au 18 novembre par son service de presse, le Conseil souligne ainsi que lui-même et le Parlement européen ont "pris note de la nécessité de discussions supplémentaires" en vue de marquer un accord.

"Malgré d'importantes divergences entre les positions de départ du Conseil et du Parlement, les discussions ont été constructives et se sont avérées utiles pour la recherche d'un terrain d'entente", lit-on dans le communiqué. Le Conseil insiste par ailleurs sur "des ouvertures majeures" de sa part à l’adresse du Parlement sur les "questions clés" des impayés de 2014. Ainsi, "en dépit des graves contraintes budgétaires auxquelles les Etats membres sont actuellement confrontés au niveau national, le Conseil s’est écarté du principe selon lequel la marge d'urgence ne doit pas être utilisée pour financer les paiements en suspens", lit-on dans son communiqué. Le Conseil a en effet proposé de mobiliser cette marge à hauteur de plus de 2 milliards d'euros.

Pour ce qui relève du budget 2015 de l’UE, le communiqué précise que le Conseil a proposé de "mettre le niveau des crédits en ligne avec les contraintes budgétaires des Etats membres et de mettre un accent sur les mesures favorisant la croissance et l'emploi". Selon la dernière position du Conseil, le montant total des paiements serait porté à 140,55 milliards d’euros (contre 140 milliards proposés précédemment), "soit une augmentation de 3,7 % par rapport au budget 2014 tel qu’adopté", le Conseil soulignant par ailleurs dans son communiqué qu’il a suggéré "d'augmenter les paiements pour des activités telles que la recherche, l'innovation et l'éducation à hauteur de 26,6 % ou de 3 milliards d’euros". Le total des engagements serait en revanche abaissé à 144,11 milliards (contre 145,08 milliards proposés au départ), soit une "hausse de 1 % par rapport à 2014", relève encore le Conseil. "L'offre du Conseil limiterait la différence entre les crédits d’engagements et les crédits de paiements à 3,6 milliards d’euros [ce qui] mettrait l’évolution des engagements et des paiements sur une voie plus durable et éviterait une accumulation similaire de paiements à l'avenir", lit-on encore dans le communiqué diffusé par le Conseil.

Pour leur part, les députés qui négociaient avec le Conseil au nom du Parlement européen ont regretté que la proposition très tardive du Conseil ne fasse qu’"aggraver la crise des paiements", lit-on dans un communiqué diffusé par le service de presse du Parlement à l’issue du comité de conciliation. "Le Parlement ne pouvait accepter la position du Conseil, qui aurait réduit de moitié la somme la Commission demandait pour payer les factures les plus urgentes, afin d'arrêter la boule de neige de factures impayées. La Commission a déclaré à plusieurs reprises que les 4,7 milliards d’euros demandés étaient le strict minimum nécessaire à cette fin", poursuit le communiqué. Alors que le Parlement voulait utiliser en ce sens les recettes exceptionnelles des amendes en matière de concurrence (5 milliards d’euros), "les Etats membres ont déclaré qu'ils préféreraient récupérer cette manne dans leurs budgets nationaux".

"Nous devons avoir une réponse concrète au problème insupportable de factures impayées qui s’accumulent sur les bureaux de la Commission. Cela compromet la crédibilité de l'autorité de l'UE et alimente les arguments des europhobes ", a estimé le chef de la délégation parlementaire Jean Arthuis (ALDE, Français), cité dans le communiqué. "Quelle est la crédibilité d’une UE qui dit à ses Etats membres de contrôler leurs dépenses publiques et pourtant met les entrepreneurs, les chercheurs et les étudiants Erasmus en difficulté en ne respectant pas ses engagements?", s’est-il en outre interrogé. Par ailleurs, les députés reprochent au Conseil d’avoir fait connaître sa position de négociation "le dernier jour d'une période de trois semaines, qui aurait pu servir à concilier les positions divergentes afin de parvenir à un budget réaliste pour l'Union", lit-on dans le communiqué du Parlement, Jean Arthuis dénonçant des pourparlers souffrant "d'hémiplégie, de sorte que la moitié du corps budgétaire n'a pas fonctionné".

La période de conciliation de trois semaines entre les deux institutions étant désormais dépassée, la Commission devra présenter un nouveau projet de budget de l’UE pour 2015. Cela dans un contexte où, faute d’adoption du budget en janvier 2015, le principe des douzièmes provisoires serait appliqué. Ainsi les dépenses ne pourraient-elles être effectuées que mensuellement, par chapitre, dans la limite du douzième des crédits existants dans le budget de l'exercice précédent.