Les ministres en charge des Affaires européennes se sont réunis à Bruxelles le 16 décembre 2014 pour un Conseil Affaires générales qui visait surtout à préparer le Conseil européen prévu les 18 et 19 décembre 2014, qui va se consacrer principalement au plan d’investissement mis sur la table par Jean-Claude Juncker au mois de novembre dernier.
Parmi les décisions adoptées pendant ce Conseil Affaires générales, les ministres ont décidé de modifier la composition du Comité des régions de façon à se conformer au Traité suite à l’adhésion de la Croatie à l’UE : le traité prévoit en effet un nombre de 350 sièges maximum qui a été dépassé avec la venue de nouveaux membres croates.
Il a été décidé de revoir la répartition des sièges des délégations luxembourgeoise, chypriote et estonienne de façon à récupérer sur ces trois contingents les trois sièges nécessaires pour ramener le plafond des membres dans les limites prévues par le traité. C’est ce que la Commission avait proposé au mois de juin 2014, non sans susciter de vives réactions au Luxembourg qui va voir passer son nombre de sièges de six à cinq.
Le communiqué du Ministère des Affaires étrangères diffusé à l’issue du Conseil souligne toutefois qu’il a été "convenu que lors des prochains élargissements ainsi que lors de la révision du Comité des régions en 2020, de nouveaux ajustements ne se feraient pas au détriment du Luxembourg, de la Chypre et de l’Estonie".
Le Conseil a par ailleurs adopté un mandat autorisant la Commission à négocier, au nom de l’UE et de ses Etats membres, des accords d’associations avec l’Andorre, Monaco et Saint-Marin. L’objectif du Conseil dans ces négociations est une mise en œuvre aussi complète que possible des principes du marché intérieur dans ces trois pays, est-il précisé dans un rapport faisant le point sur les relations de l’UE avec les pays européens non membres de l’UE. De façon plus générale, le Conseil se félicite dans ce rapport, des "excellentes" relations entretenues avec ces trois pays, ainsi qu’avec l’Islande, la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse.
Dans le cas de la Suisse, le Conseil rappelle avoir "pris note" de l’issue de l’initiative populaire du 9 février dernier ainsi que du "concept de mis en œuvre" présenté par le gouvernement helvétique en juin 2014. "Le Conseil reconfirme la réponse négative" qu’il a faite en juillet dernier à la demande suisse de renégocier l’accord de libre circulation des personnes et "considère que la libre circulation des personnes est un pilier fondamental de la politique de l’UE et que le marché intérieur et ses quatre libertés sont indivisibles". "Le Conseil confirme sa vision selon laquelle la mise en œuvre prévue du résultat du vote menace de miner le cœur des relations UE-Suisse, à savoir les accords bilatéraux I, et jette un doute sur l’association de la Suisse à l’acquis de Schengen et de Dublin et la participation de la Suisse à certain programmes de l’UE". Le Conseil "attend de la Suisse qu’elle honore ses obligations découlant de l’Accord sur la libre circulation des personnes et des autres accords conclus avec l’UE".
Lorsqu’il s’est vu demander par un journaliste si la Suisse devait abandonner son objectif de renégociation, Sandro Gozi a souligné que la liberté de circulation était une des pierres angulaires pour l’UE, et que c’était donc à la Suisse de décider. Pour ce qui est de la mise en place d’un cadre institutionnel visant à permettre à la Suisse de participer au marché intérieur de l’UE, un sujet en négociations depuis mai 2014, le Conseil souligne qu’un tel cadre sera une précondition pour la conclusion de tout autre accord concernant la participation de la Suisse au marché intérieur. Les accords dans d'autres domaines seront en outre examinés au cas par cas.
Les ministres en charge des Affaires européennes ont par ailleurs adopté toute une série de conclusions basées sur le "paquet Elargissement" soumis par la Commission européenne en octobre dernier. Comme l’a souligné Sandro Gozi, secrétaire d’Etat aux affaires européennes de l’Italie qui présidait la réunion des ministres, les ministres se sont entendus sur un texte "solide et équilibré" rappelant les trois piliers du processus d’adhésion que sont le respect de l’Etat de droit, la gouvernance économique et la réforme des administrations publiques.
Quatre chapitres de négociations d’adhésion ont été ouverts le jour même avec le Monténégro, tandis que pour l’Albanie, l’ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM), le Kosovo et la Serbie, les conclusions pointent une liste des progrès à faire. Interrogé par une journaliste macédonienne sur le processus d’adhésion de l’ARYM, Sandro Gozi, a souligné que "le rapidité de rapprochement d’un pays de l’UE dépendait des décisions de l’Etat en question". Dans le cas de la Serbie, la présidence italienne qui désirait pouvoir ouvrir les premiers chapitres de négociation n’a pas pu réunir l’unanimité mais a bon espoir que cela puisse être fait dans les prochains mois.
Les conclusions adoptées par les ministres au sujet de la Turquie, "pays candidat et partenaire clef pour l’UE", font explicitement référence aux "récents raids de la police" et à "la détention de journalistes et représentants des médias" qui "remettent en question le respect de la liberté des médias, qui est un des principes essentiels de la démocratie". Federica Mogherini, la Haute représentante de l’UE, avait déjà dénoncé l’arrestation le 14 décembre dernier d’une vingtaine de journalistes, ce à quoi le président turc Recep Tayyip Erdongan avait rétorqué que l’UE devait "se mêler de ses affaires".
Pour Sandro Gozzi, la réaction du président Erdogan aura été "très surprenante". "Nous sommes préoccupés car dans un processus commun comme le processus d’élargissement, c’est notre affaire que d’être préoccupé", a réagi le secrétaire d’Etat italien en soulignant que "nous ne pouvons pas nous taire" dans la mesure où "nous nous sentons engagées dans le processus d’élargissement". Le Conseil, qui "presse la Turquie de travailler à des réformes qui devraient permettre un équilibre des pouvoirs garantissant pleinement la liberté", adresse "un message fort aux autorités", a-t-il expliqué à un journaliste turc qui lui demandait si l’UE appelait les autorités turques à libérer les journalistes arrêtés.
Le Conseil s’est par ailleurs entendu sur des conclusions visant à assurer le respect de l’Etat de droit, un sujet qui avait été discuté lors du CAG du 18 novembre dernier et qui comptait parmi les priorités que la présidence italienne s’était fixée. L’idée est de permettre "des discussions préventives sur des sujets susceptibles d’avoir un effet sur l’effet de droit", a expliqué Sandro Gozi, visiblement satisfait du résultat, à l’issue du Conseil.
Il s’agit d'établir sur une base annuelle "un dialogue politique entre tous les États membres pour promouvoir et sauvegarder l'État de droit" et de compléter ainsi le mécanisme "Etat de droit" présenté par la Commission en mars 2014 et qui vise à prévenir les atteintes aux droits fondamentaux dans les Etats membres. L’enjeu est d’éviter un recours à l’article 7 du Traité qui prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension des droits de vote d’un pays au Conseil.
Dans leurs conclusions, les ministres soulignent que le dialogue politique doit être mené sur une base non partisane, reposer sur des faits et ne pas porter atteinte au respect des identités nationales ni aux structures politiques et constitutionnelles d'un pays.
Les ministres ont trouvé un consensus sur des conclusions sur la programmation multi-annuelle et la planification législative avec pour objectif un renforcement de la coopération inter-institutionnelle et la mise en place d’un processus législatif plus rapide et plus efficace.
Dans ce contexte, les ministres ont aussi eu un échange de vue sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2015. Interrogé à ce sujet par plusieurs journalistes, Sandro Gozi a insisté sur le soutien apporté par le Conseil à la Commission dans ses choix. En soulignant le rôle "moteur" de la Commission, le représentant du Conseil a insisté sur le fait que la Commission devait "se concentrer sur les propositions qui peuvent faire la différence au niveau européen". "Nous voulons lancer un nouveau cycle politique", a-t-il souligné, ce qui peut impliquer une certaine forme de "discontinuité".
Le secrétaire d’Etat italien a toutefois aussi indiqué que les ministres avaient discuté de la proposition sur l’économie circulaire, la qualité de l’air et les déchets, que la Commission veut retirer et que 11 ministres de l’Environnement veulent défendre, ainsi qu’ils l’ont exprimé par un courrier envoyé le 1er décembre dernier à Jean-Claude Juncker. "Nous sommes préoccupés", a admis Sandro Gozzi qui a assuré à la presse avoir "demandé formellement à la Commission de mieux considérer cette décision» dans la mesure où il pense que "l’UE pourrait apporter une valeur ajoutée".