Principaux portails publics  |     | 

Entreprises et industrie - Environnement
Economie circulaire – Le Bureau européen de l’Environnement met l’accent sur les possibilités offertes par la directive Ecoconception pour parvenir à une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources
20-03-2015


Alors que la Commission européenne a confirmé le 9 mars dernier le retrait, contesté, de la proposition de l’ancienne Commission sur l’économie circulaire avec la promesse de mettre sur la table un projet plus ambitieux, le Bureau européen de l’Environnement (BEE) a publié le 20 mars 2015 un rapport dans lequel il met l’accent sur l’importance de l’écoconception, ou éco-design, pour parvenir à une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources."How Ecodesign can drive a circular economy in Europe", un rapport du BEE publié le 20 mars 2015

Le BEE rappelle dans son rapport les mises en garde du Programme des Nations Unies pour l’Environnement selon lequel, d’ici 2050, nos modèles de production et de consommation conduiraient à ce que la consommation annuelle de l’humanité en minéraux, énergies fossiles et biomasse atteigne 140 milliards de tonnes, soit le double de ce qui est consommé aujourd’hui. Cela alors que l’UE dépend largement des importations d’énergies fossiles et de métaux stratégiques pour faire marcher son économie, soulignent encore les auteurs du rapport qui rappellent que 40 % des matières premières utilisées dans l’UE ont été produites ailleurs, une proportion qui, pour certains minerais, dépasse même les 90 %.

Malgré les stratégies développées par l’Union européenne (UE) pour faire face à ce défi, le BEE relève que l’Union n’a pas réussi à mettre en place un objectif de préservation des ressources, à s’entendre sur un ensemble d’indicateurs permettant de mesurer l’utilisation des ressources en Europe ou à prendre des mesures concrètes sérieuses.

"L’écoconception pourrait pousser les producteurs à concevoir leurs produits de façon à ce qu’ils soient plus faciles à réparer, à recycler, et qu’ils durent plus longtemps"

Or, il ressort du rapport du BEE que c’est en agissant en amont de la production de produits, c’est-à-dire dès leur conception, que l’on peut agir sur la quantité de ressources utilisées. C’est en effet dès la conception que sont déterminés, entre autres,  la durée de vie d’un produit, le type de matières premières utilisées, ou encore le fait que le produit sera réparable ou recyclable.

Selon le BEE, la directive sur l’écoconception de 2005 s’est surtout concentrée sur la réduction de la consommation d’énergie des produits pendant leur durée de vie. Et les auteurs du rapport jugent considérables les économies d’énergie découlant de cette directive. Mais le BEE estime que la directive pourrait permettre de fixer des exigences améliorant aussi l’efficacité en ressources d’un produit.

"L’écoconception pourrait pousser les producteurs à concevoir leurs produits de façon à ce qu’ils soient plus faciles à réparer, à recycler, et qu’ils durent plus longtemps", estime en effet Carsten Wachholz, chargé des politiques d’utilisation des ressources au sein du BEE. "Cela aiderait à réduire les déchets et à créer des millions de nouveaux emplois à travers l’UE, ainsi qu’à réduire l’impact de notre consommation de ressources sur l’environnement", assure-t-il.

La plupart des produits couverts par la directive sur l’écoconception contiennent des matières premières critiques, qui sont bien souvent importées. Récupérer, réutiliser et recycler ces métaux pourrait, selon les experts du BEE, non seulement augmenter la productivité des ressources, mais aussi créer 2 millions de nouveaux emplois d’ici 2030, encourager l’innovation et atténuer l’impact négatif de la hausse prévisible à l’avenir de ces matières premières sur l’industrie européenne.

Le rapport met en avant trois options qui permettraient à la directive Ecoconception de produire plus de produits efficaces en ressources. Il s’agirait d’identifier les exigences de conception permettant de fabriquer des produits que l’on peut réparer et qui durent le plus longtemps possibles. Mais aussi d’assurer que les matériaux sélectionnés sont gérés de leur production à leur fin de vie, en prenant en compte des options visant à utiliser plus de produits recyclés et à faire en sorte que les produits soient plus faciles à recycler. Enfin, le BEE suggère de supprimer les substances problématiques ou dangereuses qui limitent la réutilisation potentielle de composants ou de matériaux.

Les auteurs du rapport insistent notamment sur l’impact que pourrait avoir un prolongement de la durée de vie des produits : ils estiment ainsi qu’en faisant le choix d’options de conception simples et accessibles pour prolonger la durée de vie d’ordinateurs portables, d’imprimantes et machines à laver, on pourrait économiser dans l’UE l’équivalent de plus d’un million de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, ce qui reviendrait à retirer de la circulation 477 000 voitures pendant un an.

Les auteurs du rapport soulignent aussi que, dans les processus de fabrication, les matières recyclées nécessitent moins de ressources naturelles et d’énergie que les matières premières : recycler un kilo de plastique permet par exemple d’économiser jusqu’à 70 Mégajoules, ce qui correspond à l’énergie contenue dans plus de deux litres d’essence et qui permet à une voiture standard de rouler jusqu’à 50 km. Cela vaut aussi pour les métaux, et notamment les plus précieux : l’extraction de l’or provenant de déchets électroniques permettrait d’économiser 80 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’extraction du minerai.

Enfin, les auteurs du rapport plaident aussi pour lier les exigences en matière d’écoconception avec les processus de traitement des déchets. Ainsi, imposer des exigences pour enlever les circuits imprimés et les circuits intégrés des appareils jetés avant qu’ils n’atterrissent dans un broyeur serait bien plus efficace pour récupérer les métaux précieux qu’ils contiennent, estiment les experts du BEE. Selon eux, un traitement séparé des circuits imprimés et des circuits intégrés d’une série de différents produits pourrait permettre de récupérer environ 1 300 tonnes supplémentaires de cuivre recyclé chaque année.

Le BEE insiste aussi dans son rapport sur le fait qu’en obligeant les fournisseurs à donner des informations sur les matériaux contenus dans un produit, ce qui permettrait de le réparer, de le démonter et de le traiter de façon adéquate en fin de vie, on contribuerait au développement de l’économie circulaire. Les auteurs du rapport suggèrent que ces informations pourraient être fournies avec le produit au moment de son achat, ou bien, encore mieux, être accessibles facilement dans un format standardisé de façon à faciliter le travail des utilisateurs en aval, à savoir les réparateurs, les centres de récupération ou les entreprises de recyclage.

Autant d’options que le Bureau européen de l’Environnement propose à la Commission pour établir d’ici la fin de l’année une proposition ambitieuse sur l’économie circulaire tenant compte de la conception des produits, ainsi qu’elle a annoncé qu’elle le ferait en retirant la proposition du commissaire Potocnik. Ce dernier était bien conscient de l’importance de prendre en compte la durabilité des produits dans le cadre d’une révision de la directive Ecoconception, ainsi qu’il l’avait déclaré lors d’une conférence tenue à Luxembourg à la fin de son mandat. Mais il doutait alors que ce serait une priorité pour la nouvelle Commission.