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Commerce extérieur
Viviane Reding et Paul-Michael Schonenberg ont fait un état des lieux du projet d’Accord sur le commerce des services (TiSA) à la lumière des relations américano-luxembourgeoises
20-04-2015


L'eurodéputée Viviane Reding lors de la conférence sur le TiSA organisée par le Bureau d'information du Parlement européen le 20 avril 2015 à LuxembourgLe 20 avril 2015, le Bureau d’Information du Parlement européen au Luxembourg a invité les parties prenantes et la société civile à participer à un débat intitulé "l’Accord Commercial sur les Services (TiSA) - Défis et opportunités pour le Luxembourg et l'Europe?". Viviane Reding, députée européenne luxembourgeoise (PPE) et rapporteure sur TiSA, et Paul-Michael Schonenberg, président de l’American Chamber of Commerce du Luxembourg, sont intervenus pour faire un état des lieux de l’accord, négocié actuellement par 24 membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont l’Union européenne, et ont présenté l’impact de ce projet pour l’Europe, le Luxembourg et les Etats-Unis, alors qu’en 2013, la part des services dans le PIB luxembourgeois était de 87,5 %.

Le TiSA permettra d’instaurer une concurrence plus loyale, a estimé Viviane Reding

Viviane Reding a débuté son exposé en rappelant que le commerce extérieur serait l’un des "gros morceaux" de la politique européenne pour les années à venir.  Si l’accord bilatéral entre l’Union européenne et les Etats-Unis (TTIP) est dans tous les esprits actuellement en Europe et au Luxembourg, il ne faut pas oublier l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA) dont les négociations se sont terminées en septembre 2014, ni l’accord multilatéral de commerce sur les services, le TISA, a-t-elle indiqué. A l’heure du marché global, où la moitié des produits transformés en Europe le sont avec du matériel importé de l’extérieur de l’Europe, à l’heure où de plus en plus de gouvernements ont pris des mesures protectionnistes après la crise de 2008, il est nécessaire des créer des standards en créant des alliances avec d’autres pays, a poursuivi l’eurodéputée.

Pour définir le TISA, Viviane Reding a indiqué qu’il s’agissait d’un projet déjà bien avancé dans les négociations, ce qui semble échapper à la plupart des gens, aussi bien dans le monde des affaires que dans le monde industriel. Négocié par 24 participants (dont l’Union européenne) qui représentent 70 % du commerce mondial en matière de services, le TISA est un accord multilatéral dont "l’idée est de laisser ces négociations ouvertes pour que d’autres puissent nous rejoindre", a expliqué l’eurodéputée. "Au moment où il y aura 90 % du commerce international, on pourra estimer que cet accord couvre le monde entier" a encore indiqué Viviane Reding, qui a rappelé que la Commission négocie sur la base d’un mandat octroyé par le Conseil des ministres en mars 2013 et d’une résolution du Parlement européen de juillet 2013.

Viviane Reding a ensuite poursuivi en détaillant le contenu du futur accord : "l’accès des Européens aux marchés des autres et la baisse des tarifs pour que cet accès puisse se faire". Il s’agirait en somme d’avoir une "concurrence plus loyale" entre les pays signataires. Des "standards internationaux", qui mettent sur un pied d’égalité toutes les entreprises, ne devraient pas non plus faire défaut à l’accord. Ces règles seront également très intéressantes pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME), a encore indiqué l’eurodéputée, car celles-ci "n’ont pas les moyens de s’adapter aux règles divergentes dans les autres pays et cela représente pour elles un manque à gagner".

Mais il existe également des lignes rouges qui, si elles se retrouvaient dans le texte, empêcheraient un vote positif du Parlement, a mis en garde Viviane Reding. Seront par exemple exemptés de libéralisation les services culturels, les services publics (justice, sécurité, éducation, eau), tout comme les droits fondamentaux (droit à des conditions de travail justes et équitables ou droit à la vie privée) ne seront pas touchés ou encore le droit à réguler (professions réglementées, artisanat, transport routier, mouvement des personnes).

Concernant l’intérêt de l’accord pour le Luxembourg, Viviane Reding a rappelé que si l’Europe est aujourd’hui l’espace économique le plus ouvert au monde, le Grand-Duché constitue le pays le plus ouvert dans cet espace, grâce à ses barrières tarifaires "relativement basses" notamment. Mais ce qui est difficile, ce sont les barrières non tarifaires dans les autres pays, qui sont "très élevées" (15 % pour le Canada, 16 % pour le Japon, 25 % pour la Corée du Sud, 44 % pour la Turquie, 66 % pour la Chine), a encore ajouté l’eurodéputée. S’il y a un pays qui a intérêt à ce que les coûts non tarifaires baissent, c’est bien le Luxembourg", a-t-elle fait savoir.

Enfin, Viviane Reding a conclu son allocution en exposant clairement sa position : "oui à un TISA ambitieux mais équilibré. Mieux vaut un petit TISA qu’un TISA plus grand qui démembrerait les règles en vigueur en Europe", a-t-elle indiqué. Le TISA est une "chance pour le Luxembourg, à condition qu’il ne remette pas en cause le modèle social, écologique, économique et culturel". Pour conclure, l’eurodéputée a appelé à plus de réciprocité et de constitutionnalité et à la défense des intérêts luxembourgeois.

Viviane Reding souhaiterait que le vote du Parlement européen ait lieu avant la fin de l’année 2015.

Paul-Michael Schonenberg a mis en garde sur le fait que les négociations "prendront du temps"

Paul-Michael Schonenberg lors de la conférence sur le TiSA organisée par le Bureau d'information du Parlement européen le 20 avril 2015 à LuxembourgPaul-Michael Schonenberg, Président de l’American Chamber of Commerce du Luxembourg, a ensuite pris la parole pour exposer sa vision des choses. Il a commencé par rappeler que la coopération économique mondiale ne fait qu’augmenter de nos jours et que les relations bilatérales entre les USA et l’Europe, "exceptionnellement fortes", sont en développement constant depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Pour preuve, les USA et l’Union européenne échangent chaque jour 3 milliards de dollars entre commerce de biens et de services, a-t-il rappelé. Par ailleurs, les Etats-Unis constituent chaque année le plus grand investisseur en Europe, et vice-versa.

Au sujet du projet d’accord, Paul-Michael Schonenberg a rappelé que le TISA était un traité très important car 80 % du commerce entre les USA et l’Europe concernent les biens et les services. Et d’indiquer que le Congrès américain avait fait une proposition de loi concernant le TISA la semaine précédente sous l’impulsion de la majorité républicaine. Cette proposition repose sur 13 objectifs allant de l’accès aux marchés, en passant par l’amélioration de la croissance économique et la compétitivité, la promotion du plein emploi, la préservation de l’environnement, des droits des travailleurs et des droits des enfants ou encore le renforcement de la bonne gouvernance et de la transparence. Paul-Michael Schonenberg a indiqué à ce titre espérer que l’Europe et le Luxembourg partagent ces objectifs, tout en mettant en garde sur le fait que les négociations "prendront du temps et ne seront pas faciles".

L’ISDS est "un fruit empoisonné", a jugé Viviane Reding

Interrogée au sujet de l’absence de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (ISDS), Viviane Reding a répondu qu’il s’agit de l’un des thèmes les plus débattus et qu’environ 200 amendements sur cette question avaient été déposés au Parlement. L’eurodéputée s’est d’ailleurs estimée soulagée que la question ne se soit pas posée pour le TISA car l’ISDS est "un fruit empoisonné" et qu’il valait mieux, pour avoir une chance de voir l’accord se réaliser, de ne pas avoir d’ISDS. Si aucun ISDS n’est prévu dans le TISA, Viviane Reding est d’avis qu’il faut donner aux investisseurs un système juridique qui fonctionne, et plaide pour l’institution d’une Cour internationale avec des juges professionnels. Cela résoudrait aussi le problème des PME pour qui l’ISDS est trop cher, a-t-elle ajouté. Au contraire, Paul-Michael Schonenberg est d’avis que la mise en place d’une cour internationale est un projet qui prendrait trop de temps, alors que les entreprises veulent avoir de la prévisibilité et pouvoir régler leurs différends au plus vite. "Un mécanisme de règlement des différends est quelque chose de plus en plus courant de nos jours et permet de régler les conflits immédiatement", a-t-il encore indiqué.