Le 15 mai 2015, sur invitation du ministre des Affaires étrangères de la Grèce, Nikos Kotzias, le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, a effectué une visite de travail à Athènes. Lors de la visite qui a notamment porté sur la situation économique et sociale de la Grèce, la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, et l’actualité politique internationale, le ministre Asselborn a été reçu par le Premier ministre de la République hellénique, Alexis Tsipras, et a rencontré, en plus de son homologue grec, Nikos Kotzias, le ministre délégué aux Affaires européennes, Nikolaos Chountis, ainsi que la Présidente du Parlement hellénique, Zoe Konstantopoulou, comme le rapporte le communiqué de presse diffusé le même jour par le ministère des Affaires étrangères et européennes.
Les ministres ont notamment abordé en profondeur la situation économique et sociale du pays et les contraintes auxquelles le gouvernement grec est confronté.
Pour mémoire, lors de l’Eurogroupe du 11 mai 2015, les discussions avaient notamment porté sur les négociations en cours avec les autorités grecques, qui n’ont toujours pas abouti depuis l’accord provisoire trouvé en février 2015, pour prolonger de quatre mois le programme d’aide à la Grèce, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mois de juin prochain, afin de laisser au nouveau gouvernement grec le temps de s’entendre avec les institutions créancières sur la liste de réformes précises qu’il entend mettre en œuvre en contrepartie. Le ton y était nettement apaisé par rapport aux discussions difficiles qui avaient eu lieu à Riga quelques semaines auparavant.
Tout en soulignant les lourds sacrifices consentis par la population grecque afin de remettre le pays sur les rails, le ministre Jean Asselborn a affirmé que la Présidence luxembourgeoise du Conseil fera de son mieux pour accompagner les discussions dans le cadre de l'Eurogroupe afin d'aboutir à une solution soutenable et a encouragé les autorités grecques à poursuivre la mise en œuvre de réformes structurelles. Jean Asselborn a également fait part de son espoir que le plan d’investissement stratégique proposé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pourra rapidement prendre forme et que la Grèce puisse rapidement en bénéficier.
Les discussions ont ensuite porté sur les grands dossiers de l’agenda européen et les préparatifs liés à la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au deuxième semestre 2015 ainsi que sur l’actualité politique internationale. Jean Asselborn et les autorités grecques ont fait état d’un large consensus sur la plupart des dossiers clés que l’UE devra faire avancer dans les mois à venir, lit-on encore dans le communiqué de presse.
Le Luxembourg et la Grèce veulent œuvrer pour la relance de la croissance économique et la stimulation de la création d’emplois, mais aussi donner un nouvel élan à la dimension sociale de l'UE. "L’Europe est un projet de paix mais se doit également d’être un projet de paix sociale" a souligné Jean Asselborn. "Convaincu du fait que les politiques d’investissement social vont de pair avec l’objectif de l’UE de créer une économie durable et inclusive, le ministre luxembourgeois a affirmé que la future Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE apportera son plein soutien à l’objectif de lancer ‘une Europe triple A social’, tout en créant de nouvelles opportunités pour les citoyens et l'économie, notamment en développant un véritable marché unique du numérique", lit-on encore. Dans ce cadre, les ministres ont également eu un échange de vues sur le potentiel de réforme de l’Union économique et monétaire.
Les ministres ont également abordé la situation régionale, en s’entretenant des relations entre la Grèce et la Turquie, tout comme de la question chypriote. Ils ont enfin traité de l’actualité politique internationale, en faisant plus particulièrement le point sur la situation en Ukraine, sur les relations entre l’UE et la Russie ainsi que sur le Partenariat oriental. Ils ont enfin eu un échange de vues sur la lutte contre le terrorisme et la problématique liée aux combattants étrangers, tout comme sur les récents événements tragiques en Méditerranée.
Dans une interview donnée au journaliste Dhiraj Sabharwal, publiée le 16 mai 2015 par le Tageblatt, le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, estime que les médias "ne montrent pas assez les problèmes en Grèce". "Nous nous réjouissons de tous les touristes, mais au cours de ce beau séjour, on ne voit pas la souffrance de nombreux Grecs", a-t-il encore indiqué. "Je souhaite que l’on pense à l’avenir de l’Europe", a-t-il poursuivi, soulignant qu’on ne peut "réduire l’Europe à des sanctions, des notes et des chiffres". A ses yeux, l’UE a besoin d’une "vision" et d’une "pensée stratégique", qui tiennent compte "des conséquences du long terme".
"L’Europe de l’égalité n’existe plus", regrette en outre le ministre grec. "A travers la crise financière et économique, des structures parallèles ont été créés, qui ont apporté des normes et des critères pour l'Europe impliquant que les chiffres et le poids de l’économie sont passés au premier plan", explique Nikos Kotzias. Dans ce contexte, le ministre grec met en garde contre les dangers d'un racisme culturel économique en Europe, selon lequel "quand son propre modèle d'affaires est bon, tout le monde devrait l'utiliser". A ses yeux, il est impossible de "transformer toutes les économies du monde en des économies excédentaires", car "si quelqu'un a un excédent, il y a aussi un perdant".
Quant à la question de savoir si la Grèce faisait toujours partie de l’Europe, Nikos Kotzias a répondu que selon la mythologie grecque, l'Europe est née en Grèce. "Comment peut-on expulser de l’Europe quelqu'un qui est né en tant qu’Europe et a contribué à la naissance d'autres", a demandé le ministre grec, indiquant qu’un Grexit équivaudrait à "nier à une mère la capacité d'être une mère".
"On nous oblige à faire des choses qui vont non seulement à l’encontre de notre programme, mais aussi de l'Europe", a souligné Nikos Kotzias en réponse à la question de savoir si le parti Syriza pouvait dans les conditions actuelles mettre en œuvre son programme électoral. "Nous avons évoqué trois points dans les négociations sur lesquels nous ne pouvons pas céder", a indiqué le ministre. L'un a trait au droit aux conventions collectives : "De quel droit la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international ou la Commission européenne peuvent-ils se permettre d’exiger de nous d’en finir avec les conventions collectives", qui "font partie de la Charte sociale européenne", s’est demandé le ministre grec. "Si l’on fait échouer ce gouvernement, il faut se demander ce qui s’ensuivra", a conclu Nikos Kotzias, faisant référence aux dangers du nationalisme grec.