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Commerce extérieur
Conseil Affaires étrangères Commerce – Les ministres saluent "un véritable pas en avant" sur la réforme de l’ISDS et appellent la Commission à intensifier le travail en vue de conclure le TTIP
07-05-2015


De gauche à droite: le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, et son homologue belge, Didier Reynders, lors du Conseil Commerce du 7 mai 2015 (source: Conseil)Les ministres européens en charge du Commerce extérieur se sont retrouvés à Bruxelles, le 7 mai 2015, à l’occasion d’un Conseil Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) réuni dans sa formation consacrée au "Commerce". A l’ordre du jour, les ministres ont notamment fait le point sur l’état d’avancement des négociations en cours avec les USA sur le "Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement" (PTCI ou TTIP en anglais) avec une attention particulière accordée  au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etat (RDIE en français ou ISDS en anglais).

Enfin, en marge du Conseil, les ministres ont participé à la toute première réunion ministérielle du Partenariat oriental sur le commerce où ils ont échangé avec leurs homologues de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Biélorussie, de la Géorgie, de la Moldavie et de l'Ukraine. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, compétent pour le Commerce extérieur, y représentait le Luxembourg.

Le Conseil salue "un véritable pas en avant" sur la réforme de l’ISDS

Le Conseil a tout d’abord fait le point des négociations en cours avec les USA sur le TTIP, alors que neuf tours de négociations ont eu lieu, dont la dernière à New-York, du 20 au 24 avril 2015. Les ministres se sont dans ce contexte penchés plus particulièrement sur le mécanisme ISDS, à la lumière des idées de réforme soumises par la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström.

De manière générale, le Conseil a réitéré ses encouragements à la Commission européenne à maintenir ses efforts en vue d’atteindre des "progrès significatifs" d’ici juillet 2015 concernant les trois volets sur lesquels l’accord est censé s’articuler, lit-on dans les conclusions diffusées à l’issue de la rencontre. Il s’agit de l'accès au marché, des questions liées à la réglementation et aux barrières tarifaires et des règles. "Cela permettra aux négociateurs d'aborder les questions politiques plus délicates par la suite", poursuivent les conclusions.

Dans le même contexte, le Conseil a "répété son appel à davantage de transparence et à ce qu’un accès approprié soit donné aux Etats membres concernant les documents de négociation", a de son côté précisé le ministre letton des Affaires étrangères, Edgars Rinkēvičs, lors de la conférence de presse organisée à l’issue du Conseil.

Pour ce qui relève plus particulièrement du mécanisme ISDS, les ministres du Commerce étaient donc appelés à débattre du document de réflexion élaboré par la commissaire Malmström en vue de réformer ce dispositif. Pour rappel, ce document diffusé à l’intention des Etats membres, du Parlement européen et du grand public le 5 mai et présenté aux eurodéputés de la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen le lendemain, prévoit notamment de renforcer le droit des Etats à légiférer dans l’intérêt public et de se diriger, à moyen terme, vers la mise en place d’une cour permanente pour remplacer le système d’arbitrage ad hoc.

Les ministres ont à cet égard "félicité la commissaire" pour son travail sur ce sujet "qui est l’un [de ceux] sur lesquels nous avons quelques préoccupations", a souligné le ministre letton, notant que le Conseil a considéré cette proposition comme "un véritable pas en avant". Selon Edgars Rinkēvičs, "la plupart de ces préoccupations figurent dans le document de réflexion", mais les ministres attendent désormais des projets de propositions "plus concrets" en vue de définir "une position plus formelle du Conseil". Les conclusions précisent à ce sujet que la Commission "publiera un document plus détaillé sur un ISDS réformé dans le TTIP avant les vacances d'été 2015", soit après que le Parlement européen aura adopté ses recommandations sur le TTIP, ce qui est prévu en juin 2015.

Enfin, le Conseil a "exhorté" la Commission à intensifier son dialogue avec les parlements nationaux et la société civile, de même que la planification et la communication relatives aux travaux préparatoires sur l'ISDS. "Cela permettra à la Commission d'engager pleinement les discussions avec les États-Unis le plus tôt possible", précisent les conclusions des ministres européens du Commerce. "La définition d'une position commune sur l'ISDS nous permettra d'injecter un nouvel élan au TTIP", a encore commenté Edgars Rinkēvičs alors que la Cecilia Malmström a indiqué devant la presse que la Commission "espér[ait] rouvrir ce dossier d'ici l'automne quand nous aurons une bonne proposition européenne".

Plus généralement, la commissaire en charge du Commerce s’est félicitée d’avoir obtenu "un large soutien des ministres" et tout spécialement leur "accord en faveur de la mise en place d'une cour permanente – ce serait l'objectif principal – d'abord sur une base bilatérale, qui pourrait être étendue au niveau multilatéral". "J'essaie de réformer le mécanisme ISDS, de combler certaines lacunes de l'ancien dispositif et de trouver une solution moderne pour résoudre les problèmes pour protéger les investissements contre les expropriations, les abus et les pratiques discriminatoires, mais en le faisant de manière transparente et en introduisant une plus grande légitimité", a-t-elle ajouté.

Interrogée par ailleurs sur l'absence de progrès en matière d'indications géographiques (IG) et de marchés publics, Cecilia Malmström, a dit espérer que le projet de loi visant à octroyer des pouvoirs accrus au président américain pour conclure des accords commerciaux dans le cadre de la procédure accélérée dite Fast Track, le Trade promotion authority, soit adopté à l'automne 2015 pour donner aux négociateurs américains une base de négociation. "Sur les IG, nous avons un excellent accord avec le Canada et nous attendons la même chose avec les États-Unis. Sur les marchés publics, nous attendons un accès plus large aux marchés publics américains, mais ces discussions n'ont pas encore commencé et j'espère que nous pourrons trouver des solutions créatives d'ici l'automne", a-t-elle précisé.

L’ISDS, un mécanisme polémique

Pour mémoire, les mécanismes ISDS visent à protéger les investisseurs étrangers d'un traitement inéquitable de la part d'un pays hôte en permettant le recours à des tribunaux d’arbitrages ad hoc pour régler les litiges potentiels. Le système fait polémique car nombre de syndicats et d’ONG redoutent qu’il permette à une multinationale qui s'estimerait lésée par une politique publique de poursuivre un Etat – comme le fait Vatenfall avec l’Allemagne, en vertu d’un autre traité, dans le contexte du retrait de la production nucléaire par ce pays –, ce qui pourrait avoir un effet dissuasif sur les Etats souhaitant réglementer en matière sociale, environnementale et sanitaire.

Confrontés à une inquiétude grandissante sur ce sujet, plusieurs Etats membres ont exprimé leur scepticisme quant à l’utilité d’un tel système. Ainsi, l’Allemagne a-t-elle estimé que les USA offraient une protection juridique suffisante aux investisseurs européens devant leurs tribunaux nationaux et vice-versa, suivie dans cette analyse par le Luxembourg. La Commission européenne rappelle pourtant régulièrement que ce sont bien les pays de l’UE qui lui ont demandé d’inclure l’ISDS dans le TTIP, tout en soulignant que l’UE a modernisé les règles relatives à ce mécanisme, notamment au sein de l’accord de libre-échange UE-Canada (dit CETA). Quatorze Etats membres lui ont d’ailleurs réitéré leur soutien.

C’est dans ce contexte que la Commission avait décidé de geler, dès mars 2014, le chapitre sur la protection des investissements dans les négociations, le temps de mener une large consultation publique sur le sujet. Ses résultats, publiés en janvier 2015, ont confirmé "l’existence d’un énorme scepticisme par rapport à l’instrument ISDS", avait alors reconnu la Commission. Sur cette base, le 18 mars 2015, la commissaire Malmström avait soumis à la commission INTA du Parlement ses idées préliminaires sur une réforme du système pour tenir compte des préoccupations soulevées, qu’elle a désormais formalisées dans un document de réflexion.

Négociations de Doha

Le Conseil a par ailleurs fait le bilan des négociations menées dans le cadre du programme de Doha pour le développement de l'OMC, et en particulier des négociations multilatérales en cours sur un accord relatif aux biens environnementaux.

Pour mémoire, le Forum de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique s'étant engagé en 2012 à réduire les droits de douane sur 54 biens environnementaux, l'UE et treize autres membres de l'OMC ont lancé en juillet 2014 des négociations en vue de libéraliser au niveau mondial le commerce des biens environnementaux. L'objectif est de créer un "accord évolutif" capable de prendre en compte les nouvelles technologies et auquel de nouveaux produits pourront être ajoutés à l'avenir.

La prochaine conférence ministérielle de l'OMC se tiendra à Nairobi du 15 au 18 décembre 2015, avec pour objectif de conclure le programme de Doha pour le développement (PDD). Un délai a été fixé au mois de juillet 2015 pour dégager un accord sur un programme de travail faisant suite à la dernière conférence ministérielle, qui s'est tenue à Bali en décembre 2013, rappellent les conclusions diffusées à l’issue du Conseil.

Dans ce contexte, le Conseil, qui avait adopté des conclusions et des directives de négociation en mai 2014 relatives à une initiative multilatérale sur les "biens écologiques" afin de guider la Commission dans le cadre des négociations au nom de l'UE,  "a réitéré la nécessité d'un programme de travail complet, réaliste, faisable et équilibré". Il a encore "salué les efforts de libéralisation des échanges qui se poursuivent en parallèle aux négociations du PDD, en particuliers les négociations plurilatérales sur un accord concernant les biens environnementaux", lit-on dans les conclusions.

Réunion ministérielle du Partenariat oriental

En marge du Conseil Affaires étrangères en formation "Commerce", les ministres ont participé à la toute première réunion ministérielle du Partenariat oriental sur le commerce où ils ont échangé avec leurs homologues de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Biélorussie, de la Géorgie, de la Moldavie et de l'Ukraine. Ils ont ainsi pu discuter "des réalisations du Partenariat oriental dans le domaine du commerce, ainsi que les opportunités et les défis pour la poursuite du développement d'une dimension commerciale fructueuse du Partenariat oriental", lit-on dans la déclaration commune adoptée par la Présidence lettonne du Conseil de l’UE et la Commission européenne à l’issue de la rencontre.

Dans ce contexte, la Commission et la Présidence "ont souligné l'importance du commerce comme faisant partie intégrante de la politique de Partenariat oriental", de même que "la nécessité d'œuvrer pour le développement économique inclusif et durable". Les participants ont par ailleurs reconnu l'importance du commerce et de l'augmentation des opportunités de marché pour la création de croissance et d'emplois, lit-on dans la déclaration conjointe.

Les ministres se sont également félicités du début de la mise en œuvre des accords d'association avec la Géorgie, la République de Moldavie et l'Ukraine, "exhortant à poursuivre le processus de réforme". Ils ont à cet égard noté positivement l'augmentation des échanges entre l'UE et la Géorgie ainsi qu’avec la République de Moldavie, depuis l'application de l’accord de libre-échange (ALE) complet et approfondi et souligné attendre "avec impatience l'application provisoire de l'ALE approfondi et complet avec l'Ukraine à partir du 1er janvier 2016", indique encore la déclaration commune.

"Afin de faciliter cela nous allons poursuivre nos discussions [sur base trilatérale avec la Russie, ndlr] pour trouver des solutions pratiques", a précisé la commissaire au Commerce en conférence de presse, indiquant qu’une réunion technique s’était déroulée "il y a quelques semaines" et qu’une réunion politique au niveau ministériel aurait lieu le 18 mai 2015. "Nous essayerons alors de voir si nous pouvons utiliser les flexibilités de l’ALE pour trouver des solutions aux préoccupations soulevées par la Russie mais il a été répété unanimement que l’accord devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016", a ajouté Cecilia Malmström qui a encore précisé que "Ce n’[était] pas à la Russie de décider". Plusieurs sources communautaires, la Russie a demandé une extension du report de la mise en œuvre de l'accord au 1er janvier 2017, pour prolonger les discussions. Lors du sommet UE-Ukraine du 27 avril 2015, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait lui-même fortement insisté sur une application à la date du 1er janvier 2016.

Pour mémoire, l’accord d'association avec l’UE, signé par le Conseil européen en juin 2014 et entériné par le Parlement européen en septembre suivant, a établi avec l’Ukraine une association politique étroite ainsi qu'une zone de libre-échange (ZLE). Il a été conclu dans le contexte particulier des événements qui ont déstabilisé l’ex-République soviétique à la suite de l’échec du sommet de Vilnius, des manifestations de la place Maïdan ainsi que de la dégradation des relations avec la Russie suite à l'annexion de la Crimée et au conflit armé séparatiste dans l’Est de l’Ukraine.

Afin de répondre aux préoccupations russes qui redoutait une arrivée sur son marché de produits fabriqués dans l'UE via l'Ukraine au détriment de sa production nationale, un compromis trilatéral trouvé au niveau ministériel le 12 septembre 2014 avait repoussé l’application effective de l'accord de libre-échange UE-Ukraine de 15 mois, à savoir au 1er janvier 2016. La poursuite de ces consultations trilatérales sur l'impact de l’accord pour l'économie russe fait également partie de l'accord de paix de Minsk du 12 février 2015.