Le 8 octobre 2014 la Commission européenne a donné son feu vert au projet britannique visant à subventionner la construction et l’exploitation de deux nouveaux réacteurs de la centrale nucléaire de Hinkley Point C au Royaume-Uni. Une décision aussitôt contestée, notamment par l’Autriche qui a saisi la CJUE d’un recours en annulation contre cette décision en juillet 2015.
Le Luxembourg, qui soutient l’Autriche dans cette affaire, a déposé le 24 mars 2016 son mémoire en intervention devant la Cour de Justice de l’UE. L’occasion pour la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, de présenter devant la presse le 25 mars 2016 la position du Grand-Duché dans ce dossier aux côtés de l’ambassadeur de l’Autriche au Luxembourg, Gregor Schusterwitz, ainsi que de l’avocat Patrick Kinsch, qui défend le Luxembourg dans cette affaire.
"Nous voulons empêcher une renaissance de l’énergie nucléaire et une nouvelle orientation de la politique énergétique européenne", a expliqué Carole Dieschbourg qui craint que le feu vert à cette aide d’Etat ne crée "un précédent en matière de subventionnement du nucléaire" et n’encourage "d’autres pays à construire des centrales nucléaires si le subventionnement est autorisé". Et, de fait, sept pays, parmi lesquels la France, la Grande-Bretagne, mais aussi la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie, soutiennent la Commission devant la CJUE. Ce qui fait craindre à la ministre luxembourgeoise que de nouvelles centrales surgissent "devant notre porte". Une perspective d’autant plus inquiétante que les centrales représentent un réel danger en termes de sécurité, comme cela a été souligné, quelques jours à peine après les attentats qui ont frappé Bruxelles.
Cette affaire est importante "pour l’avenir de la politique énergétique européenne", a renchéri l'ambassadeur Gregor Schusterschitz, qui voit dans cette décision "une distorsion extrême de la concurrence". L’argument avancé par les Britanniques pour défendre l’accord sur les prix de l’énergie produite par cette centrale et la garantie apportée par l’Etat, à savoir qu’il y aurait "une défaillance du marché", n’est pas bien solide aux yeux de l’ambassadeur autrichien qui doute de la viabilité économique de la centrale sans subventionnement. "On subventionne ici une technique déjà au point qui n’aurait pas besoin de soutien supplémentaire", a-t-il dénoncé.
Un argument partagé par Carole Dieschbourg qui dénonce "une concurrence déloyale en faveur de l’énergie nucléaire et au détriment des énergies renouvelables", et ce notamment du fait que les subventions octroyées au nucléaire ne sont plus disponibles pour d’autres projets. La ministre a notamment souligné que le prix indexé de du kilowattheure (KWh) promis à EdF et Areva pendant 35 ans dépasse déjà de 1 à 2 cents celui du KWh d’énergie renouvelable.
Le principal argument défendu par les plaignants est que la décision de la Commission autorisant cette aide d’Etat ne serait compatible ni avec l’un des principaux objectifs de l’Union européenne, à savoir la protection de l’environnement, ni avec le principe de précaution inscrit dans les traités, ni avec les objectifs que s’est fixé l’Union en matière de transition vers un système énergétique sobre et durable.
Car, pour l’Autriche comme pour le Luxembourg, l’argument selon lequel l’énergie nucléaire contribuerait à la décarbonisation et serait un mode de production de l’énergie qui ne nuirait pas à l’environnement est tout simplement faux. Le caractère durable de l’énergie durable est mis en cause par la ministre luxembourgeoise qui a souligné que "l'énergie nucléaire n'est en rien comparable aux énergies réellement durables". Non seulement l’énergie nucléaire n’est pas rentable, - au point que des subventions sont nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs, - mais, à long terme, elle fait peser une charge énorme sur les prochaines générations : le démantèlement des centrales est extrêmement cher et on ne sait toujours pas quoi faire des déchets nucléaires, a-t-elle argué. Le Luxembourg n’est pas non plus convaincu par les arguments de ceux qui voient dans le nucléaire une garantie en matière de sécurité de l’approvisionnement.
La plainte est donc plus que symbolique, a poursuivi la ministre, qui s’est félicité qu’elle ait déjà eu pour effet de retarder les travaux. Elle espère qu’elle aura au moins le mérite d’ouvrir un débat sur l’avenir du nucléaire, car son issue, attendue pour 2017, reste très ouverte, comme l’a relevé l’avocat qui défend le Luxembourg dans cette affaire.