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Énergie - Environnement
Cinq ans après Fukushima, Claude Turmes tire à boulets rouges sur le Programme indicatif nucléaire (PINC) que la Commission s’apprête à publier
11-03-2016


#REMEMBERFUKUSHIMA sur le site du groupe des Verts au Parlement européenL’eurodéputé  Claude Turmes (Verts /ALE) a invité la presse luxembourgeoise le 11 mars 2016, cinq ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, afin de faire part de ses commentaires au sujet du prochain Programme indicatif nucléaire (PINC) que la Commission est sur le point de publier dans les prochaines semaines.

Ce document, régulièrement publié par la Commission en vertu de l’article 40 du traité Euratom, vise à fournir des informations sur la part de l'énergie nucléaire dans l'UE, les objectifs adoptés par les États membres en matière de production d'énergie nucléaire et les investissements que nécessitent ces objectifs.

La dernière version de ce document date de 2007, et avait été actualisée en 2008. Le PINC 2016 sera ainsi le premier rapport sur le nucléaire publié par la Commission depuis que Jean-Claude Juncker en assume la présidence. Et si Claude Turmes a décidé d’inviter la presse, c’est pour faire part de ses inquiétudes et de ses revendications au vu du projet de programme et des documents de travail qui circulent et font d’ores et déjà l’objet d’une analyse détaillée commanditée par le groupe des Verts au Parlement européen. 

Le PINC 2016 s’annonce "encore plus favorable à l’égard du nucléaire que le programme indicatif de 2007", s’inquiète en effet l’eurodéputé qui dénonce "un déni complet de réalité" quant aux risques et aux coûts du nucléaire. Du point de vue de Claude Turmes, "les chiffres systématiquement enjolivés montrent la volonté de la Commission de continuer à soutenir l’énergie nucléaire en Europe". Et il trouve ainsi d’autant plus ironique le fait que ce document devrait être publié entre le 5e anniversaire de Fukushima et le 30e anniversaire de Tchernobyl.

Claude Turmes devant la presse le 11 mars 2016Le premier grief de Claude Turmes contre le projet de la Commission Juncker est qu’il ne propose pas de règles en vue d’un régime de responsabilité pour les exploitants. "L’élaboration d'un régime harmonisé de responsabilité et de mécanismes financiers en cas de dommages dus à un accident nucléaire" était pourtant explicitement mentionnée dans le PINC de 2008. Et le commissaire à l’Energie, Günther Oettinger, en avait fait la promesse à plusieurs reprises, notamment après l’accident de Fukushima. Ce dernier a en effet engendré des dommages qui s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros et c’est finalement aux contribuables japonais d’en porter le coût puisque l’exploitant de la centrale japonaise, TEPCO, n’avait aucune assurance. La consultation lancée par la Commission en 2013 a d’ailleurs laissé espérer que le dossier allait avancer. Et pourtant, non seulement les résultats de cette consultation ne sont pas disponibles, mais le programme indicatif nucléaire que la Commission se prépare à publier ne mentionne plus du tout un tel régime selon Claude Turmes.

Autre critique de l’eurodéputé à l’encontre du programme de la Commission, il n’offre pas d’améliorations suffisantes en matière de sécurité. Claude Turmes a notamment mis l’accent sur les problèmes en matière de gestion du risque transfrontalier en Europe, ainsi qu’en témoigne le scandale récemment révélé par les Verts au sujet d’un incident survenu en 2014 à Fessenheim. Peu de temps auparavant, c’est Cattenom qui faisait l’objet de protestations tant en Allemagne qu’au Luxembourg. Claude Turmes plaide par conséquent pour que les pays riverains voient leur droit de regard renforcé pour toutes les décisions ayant une incidence sur la sécurité, ce qui devrait passer selon lui par un renforcement de la directive sur la sûreté nucléaire.

Claude Turmes dénonce aussi un programme qui donne l’impression que la Commission voit d’un bon œil le prolongement de la durée de vie de nombreux réacteurs, ce qu’il juge "irresponsable", notamment au vu de l’état des finances d’Areva, qui est proche de la faillite, et d’EDF, qui se trouve dans une situation financière pour le moins tendue. Une situation financière fragile qui risque de poser problème pour faire les investissements nécessaires en matière de sécurité en cas de prolongation, mais aussi pour envisager un arrêt des vieux réacteurs puisque les provisionnements en vue de leur démantèlement ne sont pas suffisants, relève l’eurodéputé.

Le projet de la Commission ne fait pas de propositions pour mettre en place un fonds distinct en vue de la fermeture de réacteurs, ce qui était pourtant prévu dès le programme indicatif nucléaire de 2003, et encore mentionné dans celui de 2008. Pour Claude Turmes, il y a là "une rupture avec le principe du ‘pollueur-payeur’". Par ailleurs, l’eurodéputé n’a pas manqué de souligner que la dette liée à l’énergie atomique équivaut à la moitié de la dette publique grecque.  Et il dénonce une "omerta" sur les coûts réels de l’énergie nucléaire qui est par principe en contradiction avec l’idée d’un marché commun de l’énergie dans lequel jouerait la concurrence.

Pourtant, comme l’a expliqué Claude Turmes, le moment est propice pour prendre la décision de mettre progressivement à l’arrêt certains réacteurs : en effet les surcapacités sont telles que cela ne poserait aucun problème d’approvisionnement, notamment en France.

Le fait que les surcapacités soient si importantes ne manque d’ailleurs pas de faire toute la lumière sur le fait que le nucléaire n’est plus rentable. "Nous avons gagné le match des coûts", a en effet lancé Claude Turmes pour souligner à quel point l’énergie nucléaire appartient au passé. Chiffres à l’appui, l’eurodéputé a démontré que les investissements se sont largement détournés du nucléaire vers les énergies renouvelables qui ont mobilisé 57 % des investissements entre 2000 et 2013, contre 3 % seulement pour le nucléaire. La Chine n’a pas planifié de nouvelles constructions de centrale depuis 2014, et a investi en 2015 83 milliards d’euros dans les énergies hydraulique, éolienne et solaire, contre 9 milliards dans le nucléaire, a encore indiqué Claude Turmes. En bref, la construction de nouvelles centrales nucléaires n’est pas rentable, estime l’eurodéputé en s’appuyant sur les exemples d’Olkiluoto, Flamanville et Hinkley, dont les coûts de construction ont déjà été multipliés par trois, sans compter le retard pris dans les travaux.

Ce n’est donc qu’avec l’aide de subventions publiques que de tels projets peuvent voir le jour. Or, le Programme indicatif nucléaire de 2008 soulignait l’importance de veiller à ce que les projets nucléaires de l’UE ne bénéficient pas de subventions publiques. Ce qui n’a pourtant pas empêché la Commission d’autoriser les subventions britanniques pour la centrale de Hinkley Point C fin 2014, un dossier qui est désormais devant la CJUE suite à une plainte de l’Autriche et du Luxembourg. Or, dénonce Claude Turmes, ce paragraphe ne figure désormais plus dans le PINC de 2016, ce que l’eurodéputé vert dénonce comme une tentative d’interférer dans le jugement de la Cour. Il appelle donc la Commission à ne pas interférer dans l’affaire, mais il l’invite aussi à mettre en œuvre une stricte interdiction de toute aide d’Etat pour la construction de nouveaux réacteurs.