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Glyphosate – La Commission européenne prolonge provisoirement l’autorisation du glyphosate en attendant l’avis complémentaire de l’ECHA
29-06-2016


"7 raisons d'interdire le glyphosate" : une campagne du groupe des Verts/ALE au Parlement européenLe 29 juin 2016, à la veille de l’expiration de la licence autorisant la commercialisation du glyphosate au sein de l’UE, la Commission européenne a pris la décision de prolonger l’autorisation de cet herbicide pour 18 mois, laissant ainsi à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) le temps de rendre un avis sur la toxicité de ce produit, qui fait l’objet d’une vive controverse. La décision a été prise par procédure écrite, suite à l’échec des Etats membres à parvenir à trouver une majorité qualifiée sur cette épineuse question après une série de réunions d’experts.

Le 24 juin 2016, les experts des Etats membres réunis en Comité d’appel qui traite des produits phytosanitaires n’avaient pas réussi à trouver une majorité pour prolonger de façon provisoire (ou pas) la licence d’autorisation du glyphosate. Le Comité d’appel avait été convoqué suite au vote des experts du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux (comité 'PAFF' pour Plants, Animals, Food and Feed) qui n’avait pas permis, le 6 juin dernier, d’atteindre la majorité qualifiée requise pour autoriser un renouvellement provisoire de l’autorisation du glyphosate en attendant que "l’avis de l’ECHA dissipe les doutes subsistants".

Le 28 avril, le commissaire à la Santé et la Sûreté alimentaire, Vytenis Andriukaitis, avait indiqué en marge du Conseil Agriculture, que la Commission "remplirait son obligation légale" et qu’elle adopterait la prolongation temporaire d’autorisation du glyphosate qu’elle avait soumise aux Etats membres. La proposition d’un renouvellement provisoire de l’autorisation avait été soumise par la Commission le 1er juin 2016 après le report du vote, faute de majorité qualifiée au sein du comité PAFF, sur deux propositions précédentes. La première fois, le 8 mars, il était question d'un renouvellement pour quinze ans de cette autorisation. La seconde fois, le 19 mai 2016, il était question d'une reconduction pour neuf ans.

Finalement, la décision formelle a été annoncée par voie de communiqué en plein sommet sur le Brexit, le 29 juin. Dans son communiqué, la Commission explique que "les Etats membres ont échoué à prendre leurs responsabilités" et que, "compte tenu de l’évaluation scientifique extrêmement minutieuse et stricte de cette substance active par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) et des agences nationales des Etats membres", la Commission a prolongé l’autorisation du glyphosate pour une période limitée courant au plus tard jusqu’à fin 2017. D’ici là, l’ECHA devrait avoir rendu un avis complémentaire qui sera pris en compte pour l’évaluation future du glyphosate.

Cette proposition était accompagnée de deux propositions de décision complémentaires de la Commission concernant l'interdiction du co-formulant POE tallowamine (un adjuvant toxique présent dans le produit fini pour donner toute sa puissance à la substance active glyphosate) et les recommandations aux États membres d'être vigilants pour minimiser l'utilisation du glyphosate dans les parcs et jardins et en période de pré-récolte agricole. Deux propositions qui n’ont pas pu non plus trouver de majorité qualifiée lors de la réunion du comité PAFF du 27 juin 2016, à "la grande surprise" du commissaire Vytenis Andriukaitis. Dans son communiqué, la Commission annonce son espoir de voir ces deux propositions adoptées au plus vite.

Les réactions

Sans surprise, les réactions n’ont pas manqué, reflétant les positions exprimées par les différentes parties prenantes tout au long des différentes étapes de la procédure qui a conduit à cette prolongation temporaire de l’autorisation du glyphosate. La task force glyphosate, qui représente l’industrie des pesticides, continue de dénoncer une "politisation de la procédure d’autorisation", tandis que les nombreuses ONG opposées à cette autorisation balancent entre s’insurger contre la décision de la Commission et saluer le fait que la décision est temporaire.  "Je suis sûr que beaucoup décriront (la décision de la Commission) comme une victoire pour notre industrie", et ce alors que l'industrie se dit "déçue", car la Commission prévoyait à l'origine de renouveler l'autorisation pour 15 ans : ce commentaire de Graeme Taylor, porte-parole de l’ECPA, qui regroupe les producteurs européens de produits phytosanitaires, témoigne des tensions qui nourrissent le débat autour du glyphosate.

Au Luxembourg, le député Gérard Anzia (Déi Gréng) a réagi en regrettant que la Commission "n’ait pas eu le courage de respecter la résistance croissante des Etats membres" à l’égard du glyphosate, et ce juste après le référendum britannique, manquant ainsi l’occasion de "montrer qu’elle comprend les doutes de la société civile". Il salue toutefois comme "un grand succès" le fait que l’autorisation actuelle n’est que provisoire et permette de gagner du temps pour mener de nouvelles études indépendantes pour lever définitivement les incertitudes scientifiques qui nourrissent le débat. Il salue aussi les deux propositions complémentaires de la Commission, qui visent à restreindre l’utilisation de cet herbicide, appelant les Etats membres à prendre leurs responsabilités. Pour l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi, "ces 18 mois de prolongation doivent être utilisés à bon escient par les États membres pour organiser la sortie définitive du glyphosate".

De son côté, Greenpeace Luxembourg a dénoncé une décision "irréfléchie et téméraire" en "plein brouillard du Brexit". "La Commission Européenne ne respecte ni l’avis critique du Parlement Européen, et bafoue les craintes et inquiétudes de millions de citoyens en Europe", dénonce l’ONG qui estime aussi que "les avis scientifiques de chercheurs indépendants n'ont pas été respectés". Greenpeace Luxembourg appelle par conséquent "le ministre de l'agriculture et de la protection des consommateurs Fernand Etgen à prendre des décisions d'interdiction du glyphosate au niveau national ainsi qu'un engagement fort pour le développement et la mise en œuvre des pratiques agricoles sans pesticides". Dans son édition datée du 30 avril, l’Essentiel indique toutefois que "cette demande n’aboutira pas" en citant le ministère selon lequel "il s'agit d'une décision européenne applicable à tous les pays de l'Union" à laquelle il convient donc de se conformer.