Les ministres européens de l'Économie et des Finances ont adopté des conclusions qui déclinent en 17 points la position de l'UE sur le financement des objectifs de l'Accord de Paris sur le changement climatique. Les conclusions adoptées par le Conseil ECOFIN et celles adoptées le 30 septembre par le Conseil Environnement, qui a autorisé la ratification de l'Accord de Paris, constituent ensemble le mandat de négociation de l'UE pour la COP 22 qui se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016 et dont l'objet sera la mise en œuvre de l'accord.
Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, le ministre slovaque des Finances et président en exercice du Conseil, Peter Kazimir, a mis en avant le fait que le financement climatique public continuera de jouer un rôle central tout en rappelant que le financement climatique requiert un large éventail de sources, y compris des sources innovantes.
Il ressort des conclusions, qui sont rédigées sous forme de phrases où le Conseil "salue", "réaffirme", "met l'accent sur", "affirme", "souligne", "reconnaît", "met en avant" et "soutient", que l'UE veut un financement climatique consistant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et induire un développement résilient en termes climatiques. Elle veut donc que les parties agissent de manière individuelle et collective.
Pour le Conseil, les pays industrialisés doivent certes assurer le leadership du financement, mais il rappelle que si "l'UE et ses États membres fournissent une part substantielle du financement public", il est également nécessaire qu'il y ait "un partage équitable entre les pays développés et la participation future d'un éventail plus large de contributeurs". Sous-entendu : des pays comme la Chine et l'Inde devront également devenir des contributeurs plus importants.
L'UE et ses États membres prendront selon le Conseil leur juste part dans les 100 milliards de dollars par an promis à l'horizon 2020 par les pays industrialisés pour soutenir les efforts d'atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) et d'adaptation au changement climatique des pays en développement. Mais la résolution évoque aussi "un large éventail de sources de financement, des sources publiques et privées, bilatérales et multilatérales, y compris des financements alternatifs".
Le Conseil invite la Commission européenne à lui présenter à temps, une vue d'ensemble du financement climatique de l'UE et de ses États membres, avec les chiffres consolidés des contributions individuelles des Vingt-huit de l'année 2015. Au 3 octobre, 18 États membres avaient communiqué leur chiffre à la Commission.
Le Luxembourg fournira dans ce cadre 5 millions d'euros au Green Climate Fund, financé à 47 % par les Etats membres de l'UE, et a prévu 120 millions d'euros d'ici à 2020 pour le financement climatique international, comme l'a encore confirmé le même jour la ministre luxembourgeoise de l'Environnement, Carole Dieschbourg, lors de la ratification unanime de l'Accord de Paris par la Chambre des députés.
Dix Etats membres n'ont donc pas encore communiqué leur contribution, de sorte que le Conseil n'a pas pu fournir un chiffre collectif incluant l'UE et ses États membres, ce que les ONG comme le Climate Action Network ont vivement regretté. Ce chiffre devrait néanmoins être soumis au Coreper avant d'être annoncé publiquement avant la Conférence de Marrakech.
L'accent est mis dans les conclusions sur une révision à la hausse des ressources pour les pays en voie de développement qui sont particulièrement vulnérables et/ou qui ont des difficultés à établir un équilibre entre la réduction des émissions de carbone et leur adaptation économique qui corresponde à leurs priorités nationales. L'UE veut aussi adapter sa politique de développement pour assurer un équilibre entre les objectifs climatiques et ceux du développement durable, et elle pousse dans cette logique vers des synergies entre les parties pour que les investissements sur le terrain produisent les meilleurs résultats possibles.
Les banques de développement multilatérales tout comme les institutions financières internationales et régionales sont évoquées comme des sources d'information pour des projets d'investissement ou de développement en accord avec les objectifs de l'accord. L'UE va proposer par ailleurs des instruments pour mobiliser les fonds du secteur privé en faveur de l'action climatique internationale, notamment vers des projets à faible émission de carbone. Elle soutiendra les actions qui iront vers l'établissement d'un prix du carbone, par exemple à travers la règlementation, des systèmes de certificats et/ou de taxation.
Pour le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, dont les propos sont cités par le Luxemburger Wort, les conclusions du Conseil ECOFIN sur le financement climatique confirment le "rôle pionnier de l'UE", une UE qui est ici "crédible et efficace". Le même article rapporte aussi que le gouvernement luxembourgeois et la BEI présenteront sous peu une initiative commune dans le cadre de l'action contre le changement climatique.
Les ministres des Finances ont par ailleurs adopté leurs conclusions sur la transparence fiscale. Elles font notamment suite à la présentation par la Commission européenne, le 5 juillet 2016, d'une communication détaillant les prochaines étapes de sa campagne visant à renforcer la transparence fiscale dans le cadre de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans l'UE, en tenant compte des problèmes mis en lumière par l'affaire dite des "Panama Papers".
Le Conseil y distingue comme "un important pas en avant" la récente légalisation européenne sur l'échange automatique des rescrits fiscaux adoptée en octobre 2015 et celle sur l'échange des rapports pays par pays de l'imposition des multinationales entre Etats membres adoptée pour sa part le 25 mai 2016. Il appelle à examiner de nouvelles possibilités pour améliorer la coopération dans l'UE, dont celles inspirées par le travail du groupe de travail commun de l'OCDE sur le renseignement partagé et la collaboration.
Les ministres considèrent "opportun" les propositions de la Commission en vue de la réforme de la directive sur la coopération administrative et de la directive anti-blanchiment en vue de la création de synergies entre ces deux domaines, et s'engagent à travailler à leur adoption rapide.
Le Conseil confirme ensuite dans ses conclusions le besoin d'une coopération "plus effective et plus efficace entre les autorités fiscales et autres agences impliquées dans la lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en accord avec les sauvegardes légales appropriées" et souligne le besoin de prévenir la dissimulation de fonds à grande échelle qui entrave cette lutte.
Les ministres des Finances saluent l'initiative pour un échange automatique des informations sur les bénéficiaires effectifs, pour lequel de nombreuses juridictions, dont les Etats membres, ont accepté d'échanger des informations sur les bénéficiaires des entreprises, d'entités juridiques et d'arrangements légaux. Ils invitent ainsi la Commission à analyser la possibilité d'une proposition sur l'amélioration de l'accès transfrontalier à ces informations sur la base de ces travaux internationaux, en référence notamment aux propositions sur les moyens d'améliorer l'application de standards internationaux sur la transparence présentées lors de la réunion du G20 en octobre 2016, par l'OCDE et le Groupe d'action financière (GAFI).
Ils rappellent le besoin d'augmenter la surveillance sur les promoteurs et facilitateurs d'une planification fiscale agressive et d'introduire plus d'éléments de dissuasion. A l'automne 2016, la Commission européenne doit lancer une consultation publique pour rassembler des commentaires sur l'approche la plus appropriée pour atteindre la transparence des activités des intermédiaires qui aident à l'évasion fiscale.
Concernant la transposition des normes mondiales élaborées par l'OCDE en octobre 2015 dans le cadre des travaux sur la lutte contre l'érosion de la base d'imposition (BEPS), pour laquelle la Commission entend faire une proposition législative en 2017, ils appellent la Commission à commencer à réfléchir à l'échange automatique de ces informations, tout en travaillant en étroite collaboration avec l'OCDE et d'autres partenaires internationaux, à une possible approche mondiale de la transparence en la matière.
Dans ses conclusions, le Conseil soutient la promotion de la bonne gouvernance fiscale dans le monde entier et note que les travaux en cette direction ont déjà commencé dans le cadre de la réalisation d'une liste européenne des pays non coopératifs, pour laquelle la Commission européenne a publié un tableau de bord le 14 septembre 2016.
Il se dit d'accord sur le fait que "la protection des lanceurs d'alerte est importante" et encourage la Commission "à explorer la possibilité d'une future action au niveau de l'UE tout en respectant le principe de subsidiarité".
Enfin, les ministres constatent que "l'amélioration de la certitude fiscale peut contribuer à l'amélioration de la compétitivité des entreprises européennes". Ils prennent note de l'intention de la Commission de présenter des propositions pour lutter contre l'érosion (BEPS) et l'évitement fiscal, en assurant un environnement fiscale stable et prévisible et en éliminant les doubles impositions, à savoir par l'amélioration du mécanisme de règlement des conflits et par la relance de l' Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés, annoncée en juin 2015.